lundi 27 juin 2016

Si la parole était d'or est-il autobiographique ?

Bonjour,

Suite à plusieurs questions, demandes, mystères insupportables et irrésolus, critiques de lecteurs avides de potins à raconter... je pense qu'il ne serait pas inutile de faire ce petit article pour parler un peu plus de Si la parole était d'or : s'agit-il d'un roman autobiographique ou, du moins, d'un roman fortement inspiré de ma vie réelle ? Je vais vous décevoir les amis : non. Si la parole était d'or est bien fictif... du moins pour la plus grande partie.

Mais je vais préciser un peu. L'histoire de fond est évidemment fausse. A vrai dire, dans la première version du livre... Mais non je ne vais pas vous spoiler ! En tout cas la première version renfermait un détail qui rendait impossible l'idée que le récit pouvait être autobiographique. J'ai supprimé ce détail, ce qui laisse le doute planer, mais ce n'en est pas moins fictif. 

Commençons par les personnages... Il n'y en a un qui peut bien être assimilé à quelqu'un de réel, en effet, et encore avec beaucoup de différences : c'est Aline. Parce qu'Aline, dans la troisième partie du livre, propose à Emilie d'écrire un roman (qui sera justement Si la parole était d'or). Et il y a bien quelqu'un un jour qui m'a conseillé d'écrire ce roman, quelqu'un qui chante comme Aline, que je voyais souvent comme Aline (en révisant l'histoire pour l'ENS), donc Aline est bien un hommage à cette personne. En revanche, Emilie est loin de me ressembler (je râle tout le temps, mais je ne supporte pas les gens qui râlent tout le temps, donc je ne supporte pas d'être assimilée à Emilie). Un autre personnage extrêmement secondaire sera vite reconnu par ceux qui me connaissent bien, c'est évidemment le prof de philo dont le nom n'est même pas cité : "Monsieur G." Même s'il me taperait de savoir que je parle de lui dans un torchon marclévyesque pareil, je n'avais pas de meilleure façon de le remercier de m'avoir si bien fait découvrir la philosophie à moi aussi... Donc, cher Monsieur G., je m'excuse, et je vous remercie.

Aucun des autres personnages ne correspond à qui que ce soit, ils sont purement inventés. Heureusement d'ailleurs, parce que vu tout ce que balance Emilie sur ses proches, on y verrait vite un règlement de compte avec tous les gens qui m'ont énervés. Alors, si tout est inventé, pourquoi me casser la tête à écrire un article, me direz-vous ? J'aurais pu tout simplement dire "oui, c'est fictif, deux personnages sont inspirés de personnes réelles comme ça arrive souvent dans un roman d'ailleurs..." 

Mais j'avais envie de faire un petit point sur ce qui était autobiographique. Héhé oui, il y a des passages autobiographiques ! Et je vais encore vous décevoir, parce que ce ne sont pas les passages les plus importants. Non, en réalité, l'autobiographie se trouve dans les petites anecdotes de la prépa et de la fac. Les anecdotes amusantes, bien sûr. Autrement dit :

  • Mon (formidable) prof d'histoire de prépa, que je salue d'ailleurs, s'est bien amusé à me prendre en exemple, alors que j'étais malade, pour illustrer le cours sur "Hygiène et santé" et les crachoirs portatifs.
  • A la fac, il y avait un prof qui avait une "tête de prof qui meurt dans les films d'horreurs", que personne n'écoutait et qui pendant un cours n'a pas arrêté d'aller voir dans le couloir d'où venait un bruit étrange.
  • Le tout début de la troisième partie, et mes considérations sur le prix du Orlyval et autres, est un statut que j'avais effectivement posté sur Facebook en retrant de vacances.
  • Et sur la fin, plusieurs remerciements cachés sont de vrais remerciements. Une liste de noms, notamment, est citée à un moment, mêlant les personnages du livres et d'autres qui sont en fait les personnes qui ont participé, volontairement ou pas, à l'écriture du livre. 

Evidemment, j'ai tout fait pour maintenir l'ambiguïté. Je sais que malgré ce que j'ai raconté, beaucoup seront encore persuadés qu'il y a plus d'autobiographie dans le livre que je ne veux bien le dire, et croyez-le ! Ca me fera sans doute de très bonnes critiques. J'aime beaucoup voir les diverses interprétations qu'il peut y avoir de mes livres (ça me donne l'impression d'avoir écrit quelque chose d'intelligent !) 

Et puis, comme l'a très bien montré cette blogueuse, je suis quelqu'un remplie d'ambiguïté : 

mercredi 22 juin 2016

Les Propos sur le bonheur....

Si la parole était d'or commençant à être lu par plusieurs d'entre vous... vous devez sûrement vous demander (ou pas) : mais quel est donc ce livre qu'Emilie Chartier cite tout le temps ? Je vais justement faire un petit article pour vous le présenter. Comme l'héroïne, c'est un livre que j'aime beaucoup. Je ne passe pas mon temps à le citer, parce que le bonheur n'est pas le thème le plus étudié en fac de philo (et c'est bien dommage !) mais j'aime le rouvrir de temps en temps quand il pleut que rien ne va, ou tant qu'à faire quand je suis malade. 

Etant donné qu'il est suffisamment cité dans le roman.. j'hésite à vous en mettre un passage. Mais, comme je ne résiste jamais très longtemps, voilà donc le texte entier dont Emilie parle dans la troisième partie de Si la parole était d'or :

Alain Propos sur le bonheur


XCII- Du devoir d'être heureux

Il n'est pas difficile d'être malheureux ou mécontent ; il suffit de s'asseoir, comme fait un prince qui attend qu'on l'amuse ; ce regard qui guette et pèse le bonheur comme une denrée jette sur toutes choses la couleur de l'ennui ; non sans majesté, car il y a une sorte de puissance à mépriser toutes les offrandes ; mais j'y vois aussi une impatience et une colère à l'égard des ouvriers ingénieux qui font du bonheur avec peu de chose, comme les enfants font des jardins. Je fuis. L'expérience m'a fait voir assez que l'on ne peut distraire ceux qui s'ennuient d'eux-mêmes.
Au contraire, le bonheur est beau à voir ; c'est le plus beau spectacle. Quoi de plus beau qu'un enfant ? Mais aussi il se met tout à ses jeux ; il n'attend pas que l'on joue pour lui. Il est vrai que l'enfant boudeur nous offre aussi l'autre visage, celui qui refuse toute joie ; et heureusement l'enfance oublie vite ; mais chacun a pu connaître de grands enfants qui n'ont point cessé de bouder. Que leurs raisons soient fortes, je le sais ; il est toujours difficile d'être heu­reux ; c'est un combat contre beaucoup d'événements et contre beaucoup d'hommes ; il se peut que l'on y soit vaincu ; il y a sans aucun doute des événements insurmontables et des malheurs plus forts que l'apprenti stoïcien ; mais c'est le devoir le plus clair peut-être de ne point se dire vaincu avant d'avoir lutté de toutes ses forces. Et surtout, ce qui me paraît évident, c'est qu'il est impossible que l'on soit heureux si l'on ne veut pas l'être ; il faut donc vouloir son bonheur et le faire.
Ce que l'on n'a point assez dit, c'est que c'est un devoir aussi envers les autres que d'être heureux. On dit bien qu'il n'y a d'aimé que celui qui est heureux ; mais on oublie que cette récompense est juste et méritée ; car le malheur, l'ennui et le désespoir sont dans l'air que nous respirons tous ; aussi nous devons reconnaissance et couronne d'athlète à ceux qui digèrent les miasmes, et purifient en quelque sorte la commune vie par leur énergique exemple. Aussi n'y a-t-il rien de plus profond dans l'amour que le serment d'être heureux. Quoi de plus difficile à surmonter que l'ennui, la tristesse ou le malheur de ceux que l'on aime ? Tout homme et toute femme devraient penser continuellement à ceci que le bonheur, j'entends celui que l'on conquiert pour soi, est l'offrande la plus belle et la plus généreuse.
J'irais même jusqu'à proposer quelque couronne civique pour récompenser les hommes qui auraient pris le parti d'être heureux. Car, selon mon opinion, tous ces cadavres, et toutes ces ruines, et ces folles dépenses, et ces offensives de précaution, sont l'œuvre d'hommes qui n'ont jamais su être heureux et qui ne peuvent supporter ceux qui essaient de l'être. Quand j'étais enfant, j'appar­tenais à l'espèce des poids lourds, difficiles à vaincre, difficiles à remuer, lents à s'émouvoir. Aussi il arrivait souvent que quelque poids léger, maigre de tristesse et d'ennui, s'amusait à me tirer les cheveux, à me pincer, et avec cela se moquant, jusqu'à un coup de poing sans mesure qu'il recevait et qui terminait tout. Maintenant, quand je reconnais quelque gnome qui annonce les guerres et les prépare, je n'examine jamais ses raisons, étant assez instruit sur ces malfaisants génies qui ne peuvent supporter que l'on soit tranquille. Ainsi la tranquille France, comme la tranquille Allemagne, sont à mes yeux des enfants robustes, tourmentés et mis enfin hors d'eux-mêmes par une poignée de méchants gamins.

Ce passage est à la fin du livre. C'est sans doute le plus intéressant et le plus original, mais le reste du livre aussi est facile à lire alors je vous invite à le faire, quand vous êtes tristes, et vous deviendrez comme Emilie : complètement fous. Mais un fou gentil qu'on aime !

jeudi 16 juin 2016

Si la parole était d'or lu par... Axelanderya's Kingdom

Fini le football pour le moment ! Je voudrais vous présenter... non pas mon avis extrêmement philosophique sur France-Albanie... je voudrais vous présenter ce blog, qui a eu la gentillesse de faire une critique de Si la parole était d'or, et une critique que je trouve extrêmement intéressante. 

Je ne vais pas vous résumer la critique, mieux vaut que vous alliez la voir par vous mêmes sur Axelanderya's Kingdom.

Je remercie chaleureusement cette blogueuse pour son article... parce que c'est exactement la genre de critique que je rêve d'avoir de mes livres : une véritable analyse des personnages. Même si ce roman est un peu à part à cause de sa forme, d'habitude je passe énormément de temps sur les personnages (beaucoup plus que pour l'intrigue en tout cas) et voir quelqu'un passer du temps également sur la critique des personnages en eux-mêmes plus que sur ce qui se passe (même si, avouons-le, dans ce livre-là il ne se passe pas grand chose...), ça mérite une attention particulière !

Donc merci encore pour cette critique et pour les suivantes !

mercredi 15 juin 2016

Les footballeurs (et autres) passent le bac

J’espère que tout va bien pour vous qui avez passé le bac ce matin. Je suis sûre que vous avez réussi, pas de panique ! Et pour vous le prouver, voici quelques copies spéciales Euro 2016.

Dites-vous donc une chose : ce matin, vous avez forcément fait mieux que moi !


Le désir est-il par nature illimité ?

Le désir est un problème. Le désir le plus partagé en ce moment est de gagner la Coupe d’Europe, et c’est un désir illimité. Le problème, c’est que les autres pays ont aussi ce désir illimité et c’est pourquoi nous faisons des matchs pour décider qui a le droit de gagner et de satisfaire son désir. Nous nous demanderons donc ce qu’il faut faire quand on a un désir illimité. D’abord, nous verrons la définition du désir et pourquoi il est illimité, ensuite les problèmes que pose le désir illimité et enfin les solutions.

I/ La définition du désir et pourquoi il est toujours illimité

Une bonne définition du désir et de l’expérience du désir est sans aucun doute cette exclamation de Ribéry : « J’espère que la routourne va vite tourner » : il n’est jamais satisfait de ce qui se passe dans le présent, il lui faut toujours changer de voie, c’est illimité. Et c’est exactement ce qui se passe dans le désir. Quand on désire, on veut que les choses soient autrement qu’elles ne sont. Si la France avait perdu son premier match, elle voudrait donc que la routourne tourne vite pour pouvoir se rattraper, sinon elle sera frustrée parce que le désir n’aura pas été satisfait.

Par ailleurs, Ribéry montre clairement le caractère illimité du désir, en tant qu’il n’arrive même pas à l’exprimer : « J’ai qu’ça qu’à dire ! ». Le désir est infini à un tel point qu’il n’entre même pas dans les catégories du langage humain. Il est aussi infini dans un autre sens, une objection que l’on pourrait d’ailleurs faire à Ribéry puisqu’il n’a pas pensé à cet aspect précis de l’illimité : puisqu’il est illimité, il n’a pas de bornes, pas même celles de la non-contradiction. Il y a, au contraire, plein de contradictions dans le désir, et c’est justement ce que regrette amèrement José Mourinho quand il remarque : « Des fois nous voyons des personnes jolies sans cerveau, d’autres fois des personnes moches qui sont intelligentes, comme les scientifiques. Sur notre pelouse, c’est un peu comme ça ! » Cela nous permet d’enchaîner sur la question des problèmes que posent les désirs illimités.


II/ Les problèmes que posent les désirs illimités

D’abord, certains désirs sont impossibles à réaliser. Si, par exemple, on veut manger du saucisson, mais que le supermarché est fermé, il faut trouver son saucisson ailleurs. Mais parfois c’est impossible, et c’est bien ce que soutient Louis Nicollin : « On va pas se couper le cul en rondelles pour faire du saucisson. » Bah non. Parce qu’après on ne pourra plus s’asseoir à table pour manger le saucisson, et ce serait embêtant. Mais le désir est insupportable en ce sens, qu’on ne sait jamais quelle décision on doit prendre.

L’autre problème des désirs, c’est qu’ils peuvent être contradictoires, ce que l’on a déjà évoqué avec José Mourinho. Chacun a des désirs illimités, mais ces désirs ne sont pas les mêmes que les autres, et alors c’est difficile de réaliser son désir puisque les autres s’y opposent. C’est bien le problème qu’a connu la République Tchèque lors de son match contre la Grèce retranscrit par Charles Biétry : « On le voit, que les Grecs ont plus envie de gagner que les Tchèques. Les Tchèques ont envie, mais pas ensemble. S’ils ne réussissent pas à marquer, c'est qu'ils ne parviennent pas à avoir tous exactement la même envie ! » Autrement dit, quand le désir en question est, comme c’est le cas actuellement, la victoire à l’Euro, il faut se coordonner sur le désir, mais c’est très difficile.

Enfin, une troisième difficulté vient du fait qu’on ne sait pas forcément ce qu’on désire, ni ce que désirent les autres, puisque le désir est illimité et qu’on peut désirer n’importe quoi. Par exemple, si Ribéry admet bien qu’il « pense qu’on espère de gagner contre le Portugal », de quel droit parle-t-il au nom des autres ? Peut-être que ses coéquipiers n’espèrent pas gagner, et alors ce sera difficile de jouer le match avec eux. Mais bon, c’est là tout le problème du désir ! C’est pourquoi nous devrions, en troisième partie, chercher des solutions.

III/ Les solutions aux problèmes du désir illimité

On a donc vu trois problèmes qui étaient : les désirs impossibles à satisfaire, les contradictions et le fait qu’on ne sait pas toujours ce qu’on désire. Pour ces trois problèmes, heureusement, il existe une solution commune : il vaut mieux oublier son désir et choisir un autre mode de vie, par exemple le réalisme. Le réalisme est notamment la position de Charles Biétry, qui affirme avec certitude : « C'est toute l'efficacité de la puissance du réalisme. » Le désir aussi est puissant, certes, mais dans le mauvais sens. Le réalisme est donc une bonne idée.

Et finalement, la solution la meilleure serait peut-être d’accepter les choses comme elles sont et d’aimer le destin, de s’aimer soi-même aussi, sur le modèle du grand stoïcien Déhu : « On est mauvais, mais qu'est-ce qu'on rigole ! » Donc peu importe si on ne gagne pas l’Euro, le plus important est de rigoler.


Travailler moins, est-ce vivre mieux ?

On peut croire qu’on serait mieux si on n’avait pas besoin de travailler. Mais réfléchissons : qu’est-ce que vivre mieux ? C’est sans aucun doute savoir qu’on est champion d’Europe, ce qui nous donne de la joie et nous permet donc d’être mieux. Et il semble bien qu’il soit impossible d’être champion d’Europe si on ne travaille pas. Est-ce qu’il vaut mieux travailler ou pas ? Nous verrons dans un premier temps que travailler, c’est difficile ; ensuite, nous nous demanderons si travailler plus ne peut pas nous permettre de mieux gagner ; enfin, nous montrerons qu’il faut apprendre à tout son corps à travailler à sa place pour plus avoir besoin de travailler et gagner quand même

I/ Travailler, c’est difficile

La difficulté du travail est une évidence, et elle est longuement développée au cours des interviews de Franck Ribéry. L’idée même qu’il va falloir travailler plus le terrifie, lui qui n’hésite pas à dire : « Maintenant, il faudra faire avec sans Zizou » donc travailler plus, et ce sera difficile, parce que Zizou lui permettait de travailler moins, avant, et donc de vivre mieux sur le terrain. A présent, Ribéry constate qu’il est contraint de faire des efforts terribles pour obtenir le même résultat : « J’ai couru jusqu’à ce que je pouvais » : mais s’il avait pu s’arrêter avant, il aurait été mieux, et courir, c’est son travail.

Ce qui est encore plus difficile, c’est de non seulement devoir travailler, mais aussi de s’occuper tout seul des problèmes du travail. C’est pourquoi le foot est un travail beaucoup plus difficile que les autres, parce que les autres, eux, ils ont la sécurité sociale. Mais Thierry Roland nous apprend que : « La défense de l’Uruguay, c’est pas la Sécurité sociale ! » Un autre problème déjà abordé par Ribéry est bien évidemment la fatigue : travailler, c’est fatiguant. Comme il le dit si bien : « Inconsciemment, il faut pas s’endormir. » En effet, non seulement on risque de s’endormir si on travaille trop, parce qu’on est trop fatigué, mais en plus, ce serait dangereux puisqu’on risquerait alors de ne plus pouvoir travailler, puisqu’on dort.

Comment donc s’en sortir avec tout ce travail ? Il ne faut pas oublier pourquoi on travaille. Evidemment, on ne peut pas tout réussir, mais c’est le cas de tout le monde. Suivons donc le judicieux conseil de Fernandez : « En compétition, il y a toujours un premier et un dernier. Mais l’important est de ne pas être le second de soi-même. » Toutes ces remarques nous font bien comprendre pourquoi, quand on parle du travail, on ne peut que s’exclamer avec Ribéry : « On a dur, franchement on a dur. » Après ces remarques, il convient donc de s’interroger sur l’intérêt du travail : à quoi ça sert de travailler plus ?

II/ Mais travailler plus, ça permet de gagner parfois

Mais si on ne travaille pas assez, on risque de rater des occasions et le regretter après. C’est bien l’état d’esprit que doit avoir le Brésil, comme le suppose Marc Desailly en remarquant que « Le Brésil aurait gardé la Coupe du monde s’ils avaient été au bout. » Et encore une fois il y a deux ans, ils auraient peut-être gagné aussi s’ils n’avaient pas perdu 7-1. Et ils n’auraient pas perdu 7-1 s’ils avaient travaillé plus. CQFD.

A force de travailler, on peut même réussir des choses qui avaient pourtant l’air impossibles. Par exemple, il est très difficile de faire une passe décisive et on en fait pas beaucoup dans le match, parce que la passe décisif, c’est celle avant le but, donc sinon il y aurait 7 ou 8 buts dans le match. Pourtant, à force de travail, on peut réussir des exploits, comme celui que relate Christophe Dugarry : « C'est la première fois que les Paraguayens arrivent à enchaîner 7-8 passes décisives ! » Ce qui veut dire qu’ils ont fait un enchainement de 7 passes dont toutes les passes étaient suivies d’un but, ce qui est exceptionnel, et sans conteste dû au travail et à leur persévérance.

Mais que signifie travailler plus ? C’est faire attention à ne pas oublier une étape dans l’apprentissage. Il ne s’agit pas de se mettre à faire le travail sans avoir travaillé à l’apprendre avant, parce qu’un travail particulier suppose une technique qui s’apprend. Donc après avoir étudié la partie théorique du travail, il faut la mettre en pratique, ce que fait admirablement bien Vujadin Boskov : « Je pense que pour marquer un but il faut tirer au but ! » Il y a donc un problème puisqu’à la fois on aimerait bien arrêter de travailler, et en même temps on veut gagner l’Euro et pour ça il faut travailler. Comment faire ?

III/ Il faut apprendre à tout son corps à travailler à sa place pour plus avoir besoin de travailler et gagner quand même

La première solution est proposée par Keegan, et elle est tellement claire que nous nous contenterons de la citer : « Les joueurs qui ont 33 ou 34 ans aujourd'hui auront 36 ans au moment de la coupe du monde si ils ne font pas attention. » On pourrait croire qu’il faudrait donc essayer de travailler moins pour ne pas vieillir trop vite et pouvoir jouer la Coupe du Monde. Mais en réalité, ce que Keegan veut dire, c’est justement qu’il y aurait plus de travail si on a 36 ans que si on fait attention. Ce qu’il faut, c’est travailler à ne pas vieillir, le plus possible, ce qui nous permettra ensuite de faire un match plus facile et donc mieux.

Et tout ça, c’est encore pire quand c’est le foot, parce que c’est le travail le plus difficile, qui demande le plus d’efforts, mais on ne peut compter sur rien d’autre pour gagner parce que, comme le dit Podolski, « le football c’est comme les échecs, seulement il n’y a pas de dés » : eh oui, il faut tout faire tout seul, tout décider, on ne peut pas s’en remettre au hasard ! Le plus important est donc de travailler tout son corps pour qu’il soit capable de travailler tout entier, comme ça on risquera moins de se tromper dans ce qu’on a à faire. Mais n’est-ce pas difficile ? Non, parce que Michel Hidalgo a bien réussi à trouver quelqu’un chez qui « même ses pieds sont intelligents. » Voilà donc le but à suivre, et la solution pour à la fois vivre mieux et travailler moins.


Pourquoi avons-nous intérêt à étudier l’histoire ?

Savoir combien de fois chaque pays a gagné l’Euro ne va sans doute pas nous permettre de gagner, il en faut un peu plus quand même. Pourtant, on peut se demander quand même si ce n’est pas utile de connaître quelques détails qui vont nous permettre d’aller au moins jusqu’en finale. Nous nous demanderons donc s’il faut étudier l’histoire de l’Euro ou si ce n’est pas la peine. D’abord nous verrons les avantages, puis que c’est inutile, puis les solutions.

I/ Les avantages à étudier l’histoire

On va d’abord montrer que ça peut servir d’étudier l’histoire. En effet, si l’équipe d’Allemagne étudie l’histoire, ils se rendront compte qu’à chaque fois qu’ils sont tombés contre l’Italie, ils se sont fait éliminer. Il ne faut donc pas tomber sur l’Italie cette année, ce qui serait dommage, car on sait que Michel Platini avait fort bien remarqué que « les allemands quand ils sont mauvais ils vont finale, quand ils sont bons ils gagnent. » Ils devraient donc essayer de finir deuxième de la poule, ce qu’ils ne peuvent conclure qu’en étudiant l’histoire, pour ne pas tomber contre l’Italie avant la finale, en espérant que l’Italie se soit fait éliminer par quelqu’un d’autre, par exemple la France, en chemin. Parce que, comme l’a dit Thierry Roland au match France-Allemagne de 1982, « force est de constater que l’Allemagne, ça n’est ni l’Autriche, ni l’Irlande du Nord. » C’est ce qu’on ne peut comprendre que par l’étude. Mais nous pouvons aussi montrer qu’étudier l’histoire est inutile.

II/ L’inutilité de l’étude de l’histoire

Bien sûr, l’étude de l’histoire peut créer un certain désespoir, quand on constate avec Ribéry : « On dirait que c’était comme si que y avait rien changé hier. » Puisque rien ne change, pourquoi se désespérer ? Mieux vaut essayer de gagner quand même, même si on sait qu’on va perdre si on tombe contre l’Allemagne, parce qu’à l’inverse du duo Allemagne-Italie, la France n’a jamais réussi à éliminer l’Allemagne. Connaître l’histoire risque donc de paralyser l’action bien plus que de nous permettre de gagner cette année. Tout ce qu’on sait, c’est que si on tombe contre l’Allemagne, on perd. Donc si on voit que le prochain match est contre l’Allemagne, on va préférer ne pas jouer du tout, ce qui n’a pas d’intérêt.

Par ailleurs, le problème est que celui qui connaît l’histoire et mettra en place des stratégies intelligentes ne sera pas forcément écouté, alors il peut avoir l’impression lui aussi qu’il n’y a pas d’intérêt à étudier l’histoire. C’est bien le cas de Domenech : « Y'a des gens qui trouveront que ce qu'on a fait, c'est pas ce qui fallait faire, et si on avait fait ce qu'ils pensaient qu'on aurait dû faire, il fallait faire autre chose... » Alors pourquoi étudier l’histoire puisqu’en fin de compte, il y en aura toujours qui ne seront pas contents ? Mieux vaut trouver d’autres solutions.

III/ Quelle solution a-t-on donc si on refuse d’étudier l’histoire ?

D’abord, plutôt que de se tourner vers le passé, une solution consiste à regarder le présent. Et plus particulièrement, son propre présent : pas la peine d’étudier toute l’équipe ou tout le pays, c’est par des progrès individuels qu’on arrive à un progrès général, comme le soutient Ribéry : « Moi personnellement, je me critique moi tout seul » Pas besoin de l’histoire donc pour se comprendre, on peut le faire personnellement et être meilleur joueur. Pas besoin, en gros, d’essayer d’étudier Zizou !

Autre solution, peut-être plus ambitieuse, mais utile : prédire l’avenir. Malheureusement, dans certaines situations, cela peut entraîner des dommages, comme en témoigne Arsène Wenger : « C'est la faute au match contre la Bosnie en août si Thierry Henry s'est blessé en avril avec Arsenal ! » S’il n’avait pas prédit l’avenir, la blessure n’aurait sans doute jamais eu lieu, puisque Thierry Henry n’aurait pas su qu’il y avait le match contre la Bosnie. Par conséquent, nous devons plutôt conclure qu’étudier l’histoire est mieux que d’étudier le futur.

mardi 14 juin 2016

Si la parole était d'or lu par... The Eden of Book

Bonsoir à tous !

Je n'avais pas encore fait d'annonce officielle pour la sortie de mon nouveau roman, Si la parole était d'or. Je pense que cette première critique est la bonne occasion pour le faire !
Peut-être que certains d'entre vous l'ont déjà vu, puisqu'il se trouve dans la page Romans.
Contrairement à ce que beaucoup peuvent penser (et à ce que j'aime bien faire croire :P), Si la parole était d'or n'est pas un roman autobiographique. Evidemment, il y a du vrai, entre autres la façon dont j'y défends la philosophie, ou du moins une certaine façon d'en faire usage, qui est la mienne : c'est-à-dire, vivre.

Sachez que la version numérique du roman est gratuite, alors n'hésitez pas à la télécharger et à la partager. Il est disponible évidemment sur le site de Bookelis, et devrait bientôt l'être sur toutes les boutiques de ebook (Amazon, Apple, Fnac, etc.)


Voici la critique :



Lien =>> The Eden of Book

lundi 13 juin 2016

Cats, ou l'ennui... de l'éternité

Que faut-il penser de Cats ? Cats, je le rappelle, c’est le spectacle de l’année qui se joue au Théâtre Mogador de Paris et qui (fort heureusement !) se termine début juillet. Un spectacle sans doute très beau à voir qui, ni plus ni moins, ressemble à un feu d’artifices. Mais un beau, hein ! De la danse, des costumes, des acrobaties, des chansons de haut niveau pas toujours très bien chantées, bref, un spectacle qui en met plein la vue, mais qui est totalement vide (du moins à première vue). La seule différence, c’est que dans le cas du feu d’artifices, vous ne voyez pas le maire de la ville débarquer, tout fier de lui, pour vous expliquer la signification hautement philosophique de ces lumières dans le ciel. Non, tout le monde sait qu'un feu d'artifices sert uniquement à faire joli. Là, on s’applique, à chaque promo – du moins était-ce le cas en début d’année, maintenant je ne sais plus trop… – à répéter avec grande conviction : « Les chats de Cats, c’est la société, c’est notre société… » Bizarre, parce que dans « notre » société, je n’ai pas vu tous les hommes se réunir une fois par an pour supplier leur grand chef d’être celui qui aura le droit de mourir. Au mieux, c’est une société Maya. Et justement, c’est peut-être là que se trouve l’intérêt véritable d’un spectacle en apparence lourd, répétitif, mais joli, alors apprécié quand même un minimum…

Car rappelons-le, l’histoire (car il y en a une, contrairement à ce que diront les spectateurs un peu dégoûtés d’avoir payé la peau du c** pour voir ça) est celle d’un rassemblement de chats, les Jellicle Cats, pour un bal annuel, au terme duquel l’un d’eux sera choisi, « élu » devrais-je dire, pour rejoindre la « Catosphère ». « Renaître de ses cendres dans la Catosphère » même, si mes souvenirs sont exacts. Au risque de briser une illusion très euphémique, moi, j’appelle ça mourir. Des chats font donc leur spectacle pour montrer, chacun, qu’ils sont dignes de mourir. Mais pourquoi ? Etrangement, personne n’a l’air de s’être posé la question. Ce qui est bien regrettable parce que, contrairement à ce que j’ai l’air de dire depuis le début, Cats n’est pas un mauvais spectacle, ce n’est pas un feu d’artifices, ce n’est pas vide de sens. C’est vrai, en allant le voir, j’ai aussi été dégoûtée d’avoir payé… pas grand-chose finalement puisque je me suis contentée du fond de la salle en avant-première, mais d’avoir payé quand même pour m’ennuyer mortellement pendant deux heures trente. Mais c’est peut-être ça, justement, le truc : l’ennui. Les chats s’ennuient à mourir… et c’est pour ça qu’ils rêvent d’une autre vie dans l’au-delà.

Malgré ma première impression extrêmement mauvaise, j’ai passé l’année à penser à ce spectacle. Je ne savais pas pourquoi, mais quelque chose m’intriguait, et je n’arrivais pas à mettre le doigt dessus. J’ai insisté, parce qu’en temps normal, j’oublie vite ce que j’ai trouvé profondément nul. Là, c’était impossible. Alors, j’ai fini par trouver un indice qui allait résoudre tous mes problèmes : et si les Jellicle Cats étaient immortels ? Petit détail quand même étrange : il n'y a qu'un seul chat qui meurt par an, et tous les ans à la même date. Sinon, ils restent en vie. Le nom de « Jellicle » m’a fait penser à une boucle, un cercle… « circle » quoi, avec « Jelly » devant pour faire plus anglais. Et même si je pense que cette interprétation du nom est complètement arbitraire, l’idée des chats immortels reste quand même solide. Ces chats, ils ne sont quand même pas anodins, et quand on entend joyeusement dire « les chats, c’est la société », il y a quand même quelque chose de vrai : chaque chat est un « type », un modèle de personne plus qu’un individu singulier. Il y a les chats qui volent, le chat qui prend le train, le chat qui chante... ils représentent une profession et, pour reprendre l'expression de Sartre, les chats sont pour nous des « objets » : ils ne sont pas des individus libres de brusquement changer de vie, d’avoir des occupations variées, ils sont des êtres stéréotypés qui doivent simplement remplir le rôle qui est attendu d’eux. Chaque chat un une identité, une activité, une « profession » et ne sont rien d’autre que cela. Autrement dit, les chats sont contraints de répéter éternellement les mêmes gestes, et cette nuit qui est représentée au cours du spectacle est la même que toutes les nuits. Ils sont prisonniers du temps, d’un temps éternel (au sens fort, le temps ne s’écoule pas, tout reste inchangé d’un jour sur l’autre), et ce n’est alors pas étonnant de voir qu’ils veulent absolument, alors qu’ils ont tous l’air très jeunes, être celui qui aura le droit de quitter cette vie infernale de la répétition dans un autre monde, un monde meilleur.

Un seul chat fait exception. Grizabella est vieille, et elle a eu une vie : autrement dit, elle a réussi à sortir de la répétition mélancolique des jours et des nuits pour produire quelque chose de nouveau. Voilà pourquoi les passages de Grizabella sur scène tranchent avec le reste : alors que le spectacle lui-même est répétitif, circulaire (même la chorégraphie fait beaucoup de cercles !), de telle sorte que l’immortalité y est fort bien représentée, l’ambiance change quand elle est présente. Grizabella marche tout droit, ou reste immobile, mais n’entre jamais dans le cercle. Elle est exclue. Et justement (attention spoiler ! Mais avec le peu d’intérêt qu’il y a dans ce spectacle, vous me permettrez de le mettre en avant, au risque d’un petit spoiler de rien du tout…) c’est elle qui sera choisie pour partir dans l’autre monde, parce que, de tous les chats, c’est la seule qui a eu le courage de vivre, et donc de mériter la mort. Les autres ne peuvent pas mourir parce qu’ils ne vivent pas. Grizabella a vécu : elle a fait des choix, elle a affronté le temps qui passe, la vieillesse et donc bientôt la mort, mais c’est la seule qui a alors des souvenirs et est en mesure de se remémorer des jours heureux, heureux justement parce qu’ils ont pris fin. Impossible pour les autres de comprendre ce bonheur passé, puisque, pris dans leur bonheur éternel, ils finissent par ne plus rien ressentir. C’est pourquoi suivre le modèle de Grizabella permet de comprendre « what happiness is », comme le dit si bien la chanson plutôt bien traduite, comme d’habitude à vrai dire…


Alors, si je vous ai fait peur au début, je conclurais quand même que Cats est un spectacle à voir. Déjà, c’est joli : si vous aimez la danse, courez, vous ne pouvez pas détester. Moi je n'aime pas, d'où ma réaction du début. Si vous voulez une histoire, ce sera plus difficile à suivre, mais en gardant en tête ce que je viens d’écrire, peut-être que ça vous donnera un fil conducteur…

mercredi 8 juin 2016

Le Bac de philo approche !

Chers petits Terminales, vous qui, comme tous les Terminales, êtes non seulement stressés mais très en retard dans vos révisions, et pas du tout en train de travailler, voici quelques petites choses qui pourraient vous sauver la vie le jour du bac si vous avez le temps d'apprendre tout ça cette semiane bien sûr.

Je vous propose, pour plusieurs chapitres, un petit résumé des textes les plus attendus au bac. N'ayez pas peur, au bac, de prendre la dissertation : il est très facile d'atteindre la moyenne, du moment que vous ne parlez pas des extra-terrestres, de l'Euro 2016 ou de votre querelle avec le voisin. Trois idée sde réponse pour la question, définitions des termes en intro, deux ou trois arguments et quelques auteurs pour compléter (attention sur ce point : NON, vous n'aurez pas 18 sans citer le moindre philosophe ; mais "quelques" philosophes, ça peut être par exemple 3 : un seul par partie.) Malheureusement, tous les chapitres ne sont pas représentés, mais vous en avez quand même une grande palette.

Les auteurs en gras ne sont pas les plus faciles ni les plus attendus, mais ils font chic. C'est toujours bien d'être chic.

Si vous avez la moindre question, n'hésitez pas à la poser en commentaire.

La liberté

• Descartes, Méditations métaphysiques (IV) :
Descartes reconnaît dans le caractère infini de notre volonté le signe le plus évident de notre liberté : c’est parce que j’éprouve en moi une faculté de choix que rien ne contraint (ni nécessité, ni vérité) que je fais l’expérience d’une liberté inconditionnelle.
Toutefois, cette « liberté d’indifférence » (telle que je puis choisir indifféremment et sans limite une chose ou son contraire) n’est encore, comme il le souligne par la suite, que « le plus bas degré de la liberté ». Aurais-je le sentiment d’être libre uniquement parce que ma volonté est indéterminée ? Une telle « indifférence » risque de se confondre avec une simple ignorance : ma volonté demeurerait indifférente dans ses choix uniquement parce que mon savoir ne l’éclaire pas. C’est pourquoi la liberté authentique, selon Descartes, si elle suppose une volonté infinie, ne s’affirme toutefois que lorsque ma volonté est éclairée et guidée par ma connaissance.

Lettre au Père Mesland : Cette liberté que nous attribuons à notre volonté n’est-elle pas le signe de notre ignorance ? Si j’étais informé des conséquences de mon choix, ne choisirais-je pas nécessairement ce qui est le mieux pour moi ? Telle est l’objection que le père Mesland fait à Descartes.
Ce dernier commence par admettre que notre volonté est bien instruite par notre savoir et qu’il serait absurde, sachant quel est le bien, de poursuivre malgré tout un mal. Cependant, dans l’absolu, ma volonté étant totalement souveraine dans ses affirmations, je pourrais fort bien me détourner du bien et faire le choix du mal en toute connaissance de cause. Une telle thèse revient à postuler en nous une liberté infinie que rien, pas même notre connaissance ou nos désirs (notamment le désir de bonheur), ne limite. L’absurde est le privilège d’un être libre. Parce que ces choix sont, dès lors, contingents, cet être est toujours susceptible de nous surprendre et de contredire nos attentes.

• Spinoza, L’Ethique & Lettre à Schuller :
Spinoza met en question l’idée selon laquelle nos actes procéderaient en nous d’une volonté indéterminée et infinie. Au sein d’une nature où toute chose est déterminée par des causes nécessaires, l’homme serait cet être extraordinaire qui échappe à toute loi et peut agir arbitrairement. Une telle conception de la liberté n’est, pour Spinoza, qu’une illusion liée à notre conscience elle-même. En effet, parce que notre conscience nous éclaire les buts de nos actions, nous en venons à croire que ces buts sont les causes mêmes de nos actions, ignorant dès lors les causes véritables dont nos actions procèdent.
La liberté passe par la connaissance des causes qui nous déterminent : plus je saurais ce qui me fait être ce que suis, plus je pourrais, à partir de cette connaissance, trouver une position au sein de la nature conforme à ma perfection.

• Kant, Critique de la Raison Pure, « Troisième antinomie de la raison pure »
Notre pensée, quand elle affronte la question de la liberté, est confrontée à une antinomie. Deux formes de la pensée s’affrontent et s’opposent.
D’un côté, l’entendement (faculté de connaissance en nous, qui exige que tout phénomène reçoive une explication régulière selon des causes nécessaires et universelles) Pour l’entendement, admettre un principe de liberté, ce serait donner droit à un phénomène qui ferait exception à l’ordre universel et nécessaire des causes. Pour cette forme de l’esprit, la liberté est une fiction : tout ce qui est doit pouvoir s’expliquer par des causes régulières.
De l’autre côté, la raison (faculté, notamment morale, qui cherche à unifier toutes les connaissances humaines, telles qu’elles éclairent et donnent du sens au projet et aux idéaux humains) Pour la raison, il est nécessaire de reconnaître une liberté première à l’origine des actions humaines. Sans cela, ce sont toutes les valeurs humaines qui perdent leur sens. Par exemple, comment pourrait-on porter un jugement moral sur les actions d’un homme, si on ne le suppose pas libre ?
Voilà donc l’antinomie devant laquelle l’esprit se trouve quand il interroge la liberté : s’il admet la liberté en l’homme, alors pourra-t-on encore produire une explication de l’homme, en faire la science ? Si, inversement, on récuse la liberté comme une fiction, y a-t-il encore un sens à parler d’humanité, puisque toutes les valeurs qu’engage l’humanité se fondent sur l’idée que l’homme est un être libre ?


• Sartre, L’existentialisme est un humanisme :
Loin de n’engager que notre indépendance individuelle, la liberté nous renvoie à notre responsabilité face à l’humanité entière. Nos actes, justement parce que nous en faisons le choix, engagent le choix que nous faisons de la condition humaine. « Je suis responsable pour moi-même et pour tous, et je crée une certaine image de l’homme que je choisis ; en me choisissant, je choisis l’homme. » C’est pourquoi tout choix, pour Sartre, est l’expérience d’une angoisse fondamentale, non seulement parce que choisir me met face à mon destin individuel, mais aussi parce qu’en choisissant pour moi, je fais le choix d’une certaine idée de l’humanité.

La conscience

• Kant, Critique de la Raison pure :
La connaissance se construit selon les deux éléments suivants : un objet est placé devant un sujet qui le pense (cf l’étymologie du mot ob - jet, « jeté devant ») Le « je » qui pense et qui accompagne toutes mes représentations ne peut, dès lors, être lui-même objet de représentation. // • Platon, Charmide : la vision est toujours vision de quelque chose, elle ne peut être vision d’elle-même.

• Nietzsche, Par-delà le bien et le mal :
L’idée d’un « moi » auteur de lui-même n’est rien d’autre qu’une illusion grammaticale : nous disons « je pense », et nous croyons être l’auteur de nos pensées. Pourtant, nous devrions plutôt dire « ça pense » : nous avons parfois des pensées involontaires, non maîtrisées, etc.

• Foucault, Histoire de la sexualité :
L’idée d’un « moi » substantiel, permanent et invariant n’est qu’une fiction sociale : l’habitude sociale m’attribue des signes permanents (nom, prénom, numéro d’étudiant ou de sécurité sociale…) auxquels je dois m’identifier et grâce auxquels je suis reconnu par les autres. Autrement dit, je me pense « un » parce que l’existence sociale exige une telle identité.

Autrui

• Descartes, Méditations métaphysiques (II) :
L’évidence du « je pense donc je suis » est incertaine sous le regard d’une autre conscience. Pour autrui, l’expérience propre que je prends de moi-même n’est nullement apparente. Rien ne permet de nous rendre certain que les autres hommes sont conscients au même titre que nous (c’est pourquoi, se penchant par la fenêtre, Descartes songe que les hommes qu’ils croient voir ne sont peut-être que des automates). Je ne fais que supposer la conscience d’autrui, sans pouvoir garantir absolument cette analogie. Cette certitude ne peut être partagée.

• Heidegger, Etre et temps :
La relation intersubjective nous dépossède du sens de notre existence : devenant un parmi d’autres, exemplaire anonyme d’une masse anonyme, je perds le sens de ma propre existence tout comme j’ignore la singularité des autres. Notre rapport quotidien à l’autre est inauthentique : j’appréhende autrui sous la figure anonyme des « autres » et je deviens moi-même un exemplaire dans cette foule sans visage. Heidegger nomme « l’être-dans-la-moyenne » cette façon dont je finis par vivre comme « on » vit, par penser comme « on » pense, etc. Ainsi, « nous nous réjouissons comme on se réjouit ; nous lisons, voyons et jugeons en matière de littérature comme on voit et juge ; mais nous nous retirons aussi de la « grande masse » comme on s’en retire ; nous trouvons « révoltant » ce que l’on trouve révoltant ». Pourquoi chacun se réfugie ainsi dans cet « être-dans-la-moyenne » ? Parce qu’affirmer le sens singulier de notre existence suppose que nous affrontions l’angoisse de ma propre finitude : je rejoins la grande masse du « on » parce que « on » ne meurt jamais. Pour fuir cette angoisse (mais aussi cette liberté) nous nous noyons dans la masse, « l’un-parmi-les-autres. »

• Hume, Traité de la nature humaine :
Je n’éprouverais aucun plaisir si l’autre n’était pas témoin de mon plaisir. Le bonheur ne consiste pas dans la jouissance de ma puissance mais plutôt dans la reconnaissance par l’autre de cette puissance. Aurais-je les pouvoirs d’un dieu, cela ne me rendra pas pour autant plus heureux s’il n’y a pas d’autres hommes pour célébrer ma puissance ou l’envier. Nous nommons « bonheur » la façon dont les autres nous renvoient l’image de notre propre plaisir et s’en font les témoins. Tout bonheur est partagé par essence, il ne saurait y avoir de bonheur solitaire.

• Aristote, La politique :
« L’homme est un animal politique », cela signifie que l’homme est naturellement sociable, né pour vivre en communauté, et ne trouve sa perfection que dans cette relation qui l’unit aux autres. L’homme est un être qui ne se suffit pas à lui-même, il ne saurait atteindre à son bonheur propre qu’en faisant pièce avec les autres. Cette conception s’oppose à celle des sophistes, selon lesquels autrui est un obstacle à mon désir ; au mieux, il en est le moyen (mais il y a des « autres » et nous ne pouvons faire autrement que de vivre en leur compagnie, alors autant s’y habituer). Hors de la Cité, comme le souligne Aristote, l’homme est soit un monstre, soit un dieu, un être dégradé ou au-dessus de l’humanité.

Le désir

• Rousseau, La Nouvelle Héloïse :
La Nouvelle Héloïse est un roman épistolaire. Dans la lettre qui suit, Julie écrit à son ancien amant, Saint-Preux, lui confiant que le bonheur l’ennuie, qu’elle était sans doute plus heureuse quand elle attendait d’être heureuse et qu’elle ne l’était pas encore. Comment s’explique un tel paradoxe ? Rousseau met en évidence ici que le désir ne saurait être réduit à une simple privation, un simple manque : le bonheur, ainsi, n’est pas tant ce que l’on possède, ne réside pas tant dans une quelconque satisfaction, mais dans le désir même qui le poursuit. Ainsi, on peut bien dire avec Julie : « on n’est heureux qu’avant d’être heureux » si l’on prend garde au fait que le désir est à lui-même sa propre perfection et qu’un désir, tel que l’amour notamment, n’attend pas d’être satisfait ou « payé de retour » pour placer notre existence sous le signe de la Joie.
« Tant qu’on désire on peut se passer d’être heureux ; on s’attend à le devenir : si le bonheur ne vient point, l’espoir se prolonge et le charme de l’illusion dure autant que la passion qui le cause. (…)Malheur à qui n’a plus rien à désirer ! Il perd pour ainsi dire tout ce qu’il possède. On jouit moins de ce qu’on obtient que de ce qu’on espère et l’on n’est heureux qu’avant d’être heureux (…) ; l’imagination ne pare plus rien de ce qu’on possède, l’illusion cesse où commence la jouissance. Le pays des chimères est en ce monde le seul digne d’être habité, et tel est le néant des choses humaines, qu’hors l’Etre existant par lui-même il n’y a rien de beau que ce qui n’est pas ».

La vérité

• Descartes, Septièmes réponses adressées aux Méditations métaphysiques :
Descartes précise quel est le sens du doute comme instrument de recherche de la vérité. La recherche de la vérité apparaît ici inséparable de l’effort critique par lequel l’esprit fait retour sur l’ensemble des croyances dont il a hérité depuis l’enfance, afin de séparer les idées vraies des idées fausses. Il utilise une analogie : dans un panier de fruit, pour isoler les pommes saines des pommes pourries, il faut commencer par vider le panier ; de la même façon, l’esprit, en quête de vérité, doit se libérer de toutes les idées auxquelles il était attachées, les mettre toutes en doute : seront vraies celles qui résisteront à une telle épreuve.
Objections que l’on pourrait faire à Descartes : en quelle mesure notre esprit a un tel pouvoir souverain sur les idées qui le constituent ? Peut-on prendre vraiment conscience des croyances les plus enracinées en notre esprit ? En ce sens, si notre esprit est un « panier », il serait plutôt un panier sans fond, et j’épargne inconsciemment les idées auxquelles je suis le plus attaché. De plus, notre pensée peut-elle si aisément mettre à l’épreuve ses propres fondements et les évaluer librement ?

• Leibniz, Nouveaux essais sur l’entendement humain :
La démonstration mathématique témoigne d’une rigueur telle que le discours démontré tire de lui-même sa propre force et sa propre vérité. Là où l’évidence est une « hôtellerie où chacun croit pouvoir loger la vérité », qui reste ouverte à l’arbitraire des jugements, la démonstration est au contraire un « art d’infaillibilité », une technique qui nous assure de ne pas nous tromper.

• Aristote, La Métaphysique :
Exiger la démonstration des principes sur lesquels se fondent la démonstration, c’est rendre impossible toute démonstration (régression à l’infini). Cependant, si toute démonstration enveloppe des faits indémontrés (ce qui en est la condition de possibilité paradoxale), cela marque sa limite. La démonstration mathématique n’enveloppe donc pas en elle-même toutes ses preuves et sa nécessité mais demeure aveugle quant à l’essentiel : ses fondements mêmes.
(Dans l’antiquité, défi des sceptiques : le Trilemme d’Agrippa. Toute entreprise de connaissance se heurte à une triple aporie :
- La régression à l’infini : vouloir absolument tout démontrer mais ne jamais trouver de fin.
- La pétition de principe : poser arbitrairement un principe non démontré comme évident.
- Le diallèle, ou cercle vicieux : on prouve une proposition par une autre, elle-même prouvée par la première.)

• Kant, Critique de la raison pure :
La logique est une condition négative de vérité : un discours ne peut être vrai s’il ne répond pas aux exigences logiques (principes d’identité et de non-contradiction), mais l’absence de contradiction seule ne prouve pas qu’un discours est vrai. « Aucune pierre de touche ne lui permet de découvrir l’erreur qui atteint non la forme, mais le contenu. » Par exemple, la proposition suivante : « Si la grand-mère de Napoléon n’avait pas mangé son chapeau, le Mont Blanc se serait écroulé en 1987 » (cet exemple n’est évidemment pas de Kant, mais de moi…) : cette proposition ne recouvre aucune contradiction logique, et pourtant il est évident qu’elle n’a aucune valeur de vérité.

• Alain Badiou, L’Etre et l’évènement :
Sans doute faut-il distinguer les savoirs et la vérité. Un savoir est un répertoire de connaissances, une somme qui dresse le bilan de toutes les réponses que l’on possède. Une vérité, au contraire, fait éclater toute question et provoque une « trouée » dans les savoirs établis. Le savoir veut une réponse, il met en place des contenus, là où la vérité veut la question, elle est une ouverture qui bouscule l’évident ou le familier. La quête de la vérité n’est donc jamais achevée.

Raison et réel

• Whitehead, Procès et réalité :
L’idée d’une expérience immédiate du réel, telle que le monde se découvrirait à nous selon des faits bruts, non interprétés, est une pure et simple fiction. Toute perception est une pensée et une intelligence du réel et non le simple constat des qualités sensibles d’une chose. Tout objet est la synthèse d’informations hétérogènes, synthèse que produit notre conscience. En ce sens, les qualités sensibles que nous percevons se voient attribuer une signification par contraste (je ne saurais par exemple voir du rouge si je ne faisais pas la différence avec du bleu, du jaune, etc.)

• Kant, Critique de la Raison pure :
L’expérience est le point d’appui de toute science. Si « les intuitions sans les concepts sont aveugles » (autrement dit, si l’expérience ne nous dit le pourquoi de rien et qu’il faut bien un effort intellectuel supplémentaire pour expliquer un phénomène), « des pensées sans matière sont vides » (une science qui n’a pas l’expérience comme objet n’aurait aucun sens). On ne peut parler de connaissance que dans le rapport entre l’intuition et le concept.

• Husserl, Krisis (Titre complet : La Crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale) :
La science moderne a la qualité d’être très exacte dans sa démarche et ses mesures, elle est très performante, mais du même coup abandonne ce qui devrait être le premier objet de notre inquiétude, le sens humain de notre expérience. Elle ne tient plus compte de la teneur sensible du l’expérience.

La religion

• Kant, Critique de la Raison pure, « Canon de la Raison pure » :
On peut distinguer trois formes de croyance :
- Opinion : la certitude que j’éprouve n’est pas fondée sur des preuves objectives et j’ai conscience de sa fragilité.
- Science : la certitude que j’éprouve est d’autant plus forte qu’elle est fondée sur des preuves objectivement valables.
- Foi : la croyance est suffisante sur un plan subjectif (certitude) mais insuffisante sur un plan objectif (elle n’est pas accompagnée de preuves)

• Kant, Critique de la raison pratique :
La théologie ne saurait valoir à titre de science, mais ce n’est pas une simple illusion : elle exprime un espoir moral. Sans l’idée de Dieu et d’un sens ultime du monde, c’est notre existence qui risque de perdre son sens.

L’art

• Platon, La République (X) :
Platon reproche aux œuvres d’art de n’être, la plupart du temps, qu’un simple jeu d’illusions. Prenant l’exemple d’un lit, il distingue trois formes de présence selon leur degré de vérité : la première est l’Idée du lit, son essence même et sa vérité substantielle ; la deuxième est la production de l’artisan qui, s’il ne produit qu’un lit parmi d’autres, doit bien prendre pour modèle l’essence du lit, s’il veut fabriquer un objet dont on puisse faire usage ; la troisième est l’imitation du peintre qui est au plus loin de la vérité du lit car il ne cherche qu’à donner l’illusion d’une présence et donc ne s’attache qu’à l’apparence des choses, ce qui est en elle le plus superficiel. Partant, l’artiste ne fait que produire des simulacres, sans souci de la vérité de ce qui est. Cet illusionniste, comme tout sophiste, substitue à l’essence des choses leur image fantomatique, uniquement destinée à flatter les sens.

• Kant, Critique de la faculté de juger :
- La beauté est « sans intérêt » (elle n’apporte aucun bien moral ou matériel), « sans concept » (je ne puis enfermer la beauté dans un concept), « sans la représentation d’une fin » (je ne peux réduire le beau à une norme ou un idéal unique.)
- Distinction entre la connaissance, l’Idée esthétique et l’Idée de la Raison : la connaissance est l’unité parfaite entre un concept et une intuition ; l’Idée de la Raison est un concept qui ne se rapporte à aucune donnée sensible (Dieu, âme, monde) ; l’Idée esthétique est un excès d’intuition qui donne trop à penser et ne peut se laisser enfermer dans un concept.

• Heidegger, La question de la technique :
On peut distinguer deux types de rapport à l’Etre : la production et la provocation. La provocation (pro – vocare : appeler devant soi) est le rapport à l’Etre qu’entretient la technique et la science : c’est contraindre une chose à paraître à la manière dont nous la requérons. La production consiste à faire venir quelque chose à la présence, le laisser s’avancer et se dévoiler par lui-même, ce qui suppose que l’on se rende soi-même libre pour accueillir une telle présence.

La technique

• Platon, Protagoras :
(Mythe de Prométhée) L’homme est complètement nu, il lui appartient donc de se conquérir : telle est la signification du geste héroïque de Prométhée qui va voler aux dieux le feu et la technique. Cependant, la technique est présentée comme un vol, ce qui pose la question de la responsabilité de l’homme face à l’ordre naturel.
Par ailleurs, une fois qu’ils ont la technique, les hommes s’entretuent, et Zeus pris de pitié leur donne en plus la retenue et la justice : la technique doit s’accompagner d’une réflexion sur le sens de la vie humaine.
Timée & Critias : (Mythe d’Atlantide) L’Atlantide est une société extrêmement civilisée avec des moyens techniques très avancés, ingénieuse et performante, mais elle finit par disparaitre sous les mers, en dépit de ses richesses et de ses techniques, à cause de l’absence de politique véritable capable de donner une signification proprement humaine à ses productions. Ainsi, nulle technique n’est le signe d’un progrès mais elle ne le devient que si elle est éclairée par une politique qui la tourne vers son meilleur usage possible.

• Hannah Arendt, Condition de l’homme moderne :
Différence entre l’outil et la machine : l’ouvrier se sert de l’outil, il s’adapte à la machine. La machine n’émancipe pas les hommes de la nécessité mais c’est l’instrument de la dépossession de l’homme de son activité.

• Aristote, La physique :
Toute technique est un « pharmakon », c’est-à-dire ce qui peut être un remède ou un poison. Distinction entre les « puissances rationnelles » et les « puissances irrationnelles ». Les « puissances irrationnelles » sont les puissances d’un seul et unique effet (le feu ne peut faire autre chose que chauffer). Les « puissances rationnelles » peuvent avoir des effets contraires (en médecine, la même potion peut être remède ou poison selon son usage). La contingence de na technique ne fait donc que renvoyer à sa nécessaire détermination par la raison.

Le travail

• Aristote :
Le travail en tant que nécessité et production de biens nécessaires à la vie est l’activité la plus pauvre et la moins noble. Aristote distingue trois type d’activités : la théôria (contemplation, qui est l’activité de la connaissance et de l’observation du monde), la praxis (action, activité que l’on ne poursuit qu’en vue d’elle-même – « Danser, c’est n’aller nulle part » comme disait Paul Valéry), la poiêsis (travail, activité que l’on poursuit en vue d’une fin autre que l’activité elle-même, satisfaire le besoin).

• Hegel, La phénoménologie de l’Esprit :
L’essence de l’homme est en jeu dans le travail. Le travail est l’actualisation de mon identité. Le travail est l’acte par lequel la conscience s’extrait du « mauvais infini » de la Belle Âme (cette conscience qui se maintient dans l’abstraction des possibles sans jamais chercher à prendre une forme objective, à se déterminer pour un de ces possibles) Mon œuvre est mon expression et, de ce fait, je donne forme à ce que je suis. Le travail concrétise ainsi mes possibilités et la jouissance que je peux éprouver dans la contemplation de ma propre œuvre est inséparable de cet accomplissement de mon identité dans cette œuvre et par cette œuvre. Il ne saurait y avoir de conscience de soi véritable dans cette activité dans laquelle je m’apparais à moi-même.