jeudi 26 janvier 2017

L'Indé Panda

Depuis un certain temps, je me dis qu’il faudrait que je parle à mon tour de ce beau projet qu’est le magazine l’Indé Panda, au service des auteurs autoédités. Un beau projet qui soutient l’autoédition et vise à la faire reconnaître, ou du moins à montrer que non, les auteurs autoédités ne sont pas seulement les ratés qui racontent leur vie dans leur campagne et qui n’intéressent personne. J’avais déjà écrit un article sur l’autoédition, auquel je vous renvoie : Y a-t-il de bons livres autoédités ? 

Ces bons livres autoédités, dont j’ai parlé dans mon premier article, sont malheureusement perdus au milieu de la profusion de textes autoédités dont certains sont très mauvais, et la difficulté soulevée par les créateurs de l’Indé Panda, qui est une difficulté réelle, est justement celle-ci : comment choisir le bon livre dans cette liste qui n’en finit pas ? Certains aimerons peut-être se lancer dans l’inconnu et découvrir au hasard de nouveaux auteurs (ce qui n’est absolument pas mon cas), d’autres n’ont pas envie de prendre le risque de tomber sur un mauvais texte, ce qui est tout à fait compréhensible. Voilà donc quel est le projet de l’Indé Panda : tous les trimestres, sortir un numéro comportant une douzaine de nouvelles écrites par des auteurs autoédités et sélectionnées par le comité de lecture de l’Indé Panda. Ainsi vous pourrez :
- Lire des nouvelles gratuites et choisies (ce qui signifie que vous échappez immédiatement au risque de la mauvaise orthographe, puisque les nouvelles comportant des fautes sont immédiatement éliminées de la sélection)
- Découvrir des auteurs autoédités qui savent écrire et peuvent être intéressants. Vous trouverez d’ailleurs des interviews des auteurs sur le blog de l’Indé Panda.
- Vous précipiter ensuite sur les romans des auteurs que vous avez appréciés. En plus, certains auteurs sont déjà passés deux fois dans l’Indé Panda (dans les deux premiers numéros quoi, puisque pour le moment il n’y en a que deux).
Quant à ce dernier point, je peux vous assurer que ça fonctionne, on découvre vraiment des auteurs que l’on veut suivre, puisqu’après ma lecture des magazines j’ai acheté deux e-book de leurs auteurs (pour les curieux, les auteurs en question sont Solenne Hernandez, auteur de la nouvelle « Je m’appelle Marion » dans le second numéro, et Marie Havard, qui a écrit « La femme sans visage » dans le premier numéro).

J’ai, en effet, lu le deuxième numéro avant le premier, et cela tient en fait à l’organisation et au choix des textes, un point sur lequel je vais m’attarder puisque pour faire une chronique générale qui ne soit pas 12 petites chroniques sur les nouvelles, il faut que je m’arrête sur le travail des créateurs, c’est-à-dire : le choix des textes et leur ordre d’apparition dans le recueil.
Je vais commencer d’abord par le choix des textes. Il y a quelque chose que j’ai beaucoup apprécié, c’est la diversité des textes choisis. Je ne les ai pas tous aimés, bien sûr, mais c’est bon signe : je n’ai pas tout aimé parce qu’il y avait des styles ou des genres que je n’aimais pas, alors que d’autres oui. On voit que la sélection est sérieuse et cherche à être objective : ce n’est pas simplement le goût particulier du comité de lecture qui est pris comme critère, mais je pense qu’il y a un véritable travail dans le choix. En effet, il y a des textes écrits de façon orale, d’autres avec un style beaucoup plus carré, d’autres faciles à lire, d’autres plus compliqués qui invitent le lecteur à réfléchir. Comme vous le savez, c’est ce dernier point qui m’intéresse le plus, et j’ai été contente de trouver ce genre de nouvelles, puisque cette façon d’écrire n’est pas celle qui trouve le plus large public.
Bref, une démarche que j’apprécie puisque je m’attendais, par préjugé issu du dépit de toujours trouver les mêmes choses, à voir une profusion de textes commerciaux, faciles à lire, sur des thèmes communs et connus, ou originaux dans le fond, au lieu de l’être sur la forme.
En conclusion, moi et mes goûts de philosophe qui n’arrivons plus à lire des romans populaires à force d’être écrasés sous Kant et Platon avons quand même apprécié, non pas chaque texte individuellement, mais les différents textes mis ensemble dans un même recueil, parce que leur combinaison était bonne. Evidemment, on ne peut pas rassembler tous les genres, styles et domaines en 12 nouvelles, mais il apparaît dans les deux premiers numéros une volonté de ne pas toujours mettre la même chose et de vraiment varié, j’ai donc l’espoir véritable de voir encore dans les numéros suivants d’autres domaines d’écriture explorés par les auteurs.

Venons-en à l’organisation. J’ai d’abord lu le second numéro et cela tient essentiellement à l’ordre des textes, puisque la nouvelle dont j’ai parlé tout à l’heure, « Je m’appelle Marion » de Solenne Hernandez, est la première du recueil, et c’est bien cela qui m’a poussée à continuer à lire les nouvelles suivantes. Alors que dans le premier numéro, comme je n’avais pas du tout aimé la première nouvelle, je n’avais pas été plus loin. Je l’ai fait quand même ensuite grâce notamment aux auteurs qui avaient été publiés dans les deux recueils : la curiosité m’a fait aller voir ce qu’ils avaient écrit dans le premier numéro.
Toutefois, même si je n’ai pas aimé la première nouvelle du premier numéro, qui s’appelle « Dépendance » et est écrite par Nathalie Bagadey, au point quand même que j’ai failli me détourner complètement de l’Indé Panda (elle me semblait vraiment, vraiment trop « lèche-botte », mais je ne peux en dire plus pour ne pas spoiler), malgré tout je pense que ce choix était bon, et surtout qu’il était logique. D’ailleurs, même si je n’aime pas, de façon très personnelle, la nouvelle est bien écrite. Le point fort l’auteur, Nathalie Bagadey, qui est également dans le second numéro avec « La sirène », est la chute : la fin est surprenante pour les deux textes, et l’art de la chute est quelque chose que j’admire chez les autres puisque je suis moi-même tout à fait incapable de faire la même chose. Je vous recommande donc d’aller voir les deux nouvelles dont je viens de parler (même « Dépendance ! » Je sais bien que si je ne suis pas capable de lire dans un bon état d’esprit un texte qui parle de Greenpeace dès la deuxième ligne, c’est strictement personnel, et que cela ne retire rien à la bonne construction de la nouvelle en elle-même.)
Finalement, les ouvertures des deux premiers numéros étaient bien choisies selon moi. De toute façon, il est évident que la première nouvelle présentée sera déterminante donc nul doute que cela ait donné lieu à une longue réflexion des créateurs. La difficulté vient avec la suite.

Pour le premier numéro, j’ai eu l’impression que les nouvelles plus profondes étaient rassemblées au début. Je n’ai pas beaucoup aimé la première, mais à la suite j’ai commencé à avoir l’impression que c’était meilleur que le deuxième numéro, impression qui s’est finalement relâchée sur la suite. Il y a beaucoup moins du nouvelles « amusantes » sur celui-ci, l’accent a été mise sur les sérieuses (science-fiction, historique ou psychologiques). Il y a de belles idées, mais j’ai été plutôt déçue de la suite. Mon avis est personnel puisque j’ai une large préférence pour les nouvelles sérieuses, j’ai donc moins aimé la partie « amusante » qui est la deuxième partie du recueil.

Le second numéro comporte 11 nouvelles, la première étant « Je m’appelle Marion » de Solenne Hernandez, très beau texte, très poétique, et qui (point qui m’a fait acheter le roman de Solenne juste après) apporte une belle représentation de l’existence d’une personne qui n’est pas comme toutes les autres et à qui l’on ne peut pas reprocher de souffrir ; la dernière étant « Le Voyage » de Cindy Costes (auteur dont j’avais déjà lu, soit dit en passant, la nouvelle « C’est pour ton bien », qui abordait un problème social et psychologique intéressant bien que l’écriture ne soit par ailleurs pas du tout à mon goût), l’histoire d’un couple qui entreprend un voyage très particulier pour se reconstruire. Bon agencement selon moi, car l’ouverture et la fermeture apportent un message d’espoir, l’une faisant écho à l’autre.
Pour les autres nouvelles, il y a globalement un équilibre entre les nouvelles « sérieuses » et les nouvelles que je vais appeler « amusantes » (je mets dans « amusantes » les nouvelles comiques, les nouvelles à chute, et les nouvelles avec un style oral). Je mets dans les sérieuses : « Je m’appelle Marion » de Solenne Hernandez encore une fois ; « La belle retraite » de Khalysta Farall, dystopie qui interroge le rôle du travail dans la société ; « Le Vagabond » d’Alan Spade, thriller fantastique type La Momie ou Indiana Jones, ce qui signifie dans mon langage qu’il y a une statuette maléfique sortie d’une tribu du tiers-monde et qui va faire des ravages ; « A l’abri » d’Eric Abbel, de nouveau du futuriste pessimiste ; et enfin « Le Voyage » de Cindy Costes dont j’ai déjà parlé. Quand on regarde l’organisation globale, ce que je remarque est surtout le fait que, malgré l’alternance, les nouvelles sérieuses sont surtout sur les bords (au début et à la fin du recueil), et au centre de la liste se trouve une série de trois nouvelles amusantes : SOS de Jeanne Sélène, nouvelle à chute ; « Le petit chat est mort » de Nicolas Chevolleau, écriture orale ; « Le seigneur du château » de Patrice Dumas, nouvelle à chute. Construction que je trouve judicieuse puisque ce passage de nouvelles comiques au milieu permet de faire une pause dans la difficulté des thèmes abordés par les autres.

Voilà ce que j’avais à dire, je pensais faire quelques arrêts précis sur les nouvelles que j’ai préférées mais j’en ai finalement parlé en faisant la critique du magazine en lui-même. Si vous voulez en savoir plus sur l’Indé Panda, vous pouvez aller voir les liens ci-dessous.

Liens :

Twitter : https://twitter.com/LIndePanda
Facebook : https://www.facebook.com/LIndePanda
Booklaunch : http://booklaunch.io/indepanda/presentation

mardi 17 janvier 2017

Dalida, de Lisa Azuelos

 Il n’y a qu’une semaine que ce film est sorti, si l’on ne compte pas l’avant-première qui avait eu lieu en novembre dernier, et à laquelle j’avoue avoir fortement hésité à me rendre. Finalement, j’ai attendu la sortie officielle, et c’est le 11 janvier que je suis allée voir ce nouveau film retraçant la vie de la chanteuse Dalida, une semaine avant l'anniversaire de Dalida, qui est aujourd'hui, le 17 janvier.


Il y avait déjà eu un premier film sur Dalida que je n’avais pas vu, je ne ferai donc pas de comparaison, mais de toute façon un film est un film, que le sujet ait déjà été abordé avant ne m’intéresse pas beaucoup dans la critique du film qui m’intéresse. Inutile de commencer par un résumé, puisque c’est un film biographique. Mais l’est-il tant que ça, en fin de compte ?

J’ai vu beaucoup de commentaires différents à propos du film, et surtout beaucoup de commentaires négatifs suite à l’avant-première. Mais ce que j’ai vu dans ces commentaires négatifs m’a encore plus donné envie de le voir. L’avant-première a sans doute été vue, majoritairement par des fans de Dalida (j’adore Dalida moi aussi, et je serais bien allée à cette avant-première si j’en avais eu l’occasion !), qui auraient sans doute aimé voir un film retraçant sa vie, son histoire, avec peut-être des images d’archives et des secrets dévoilés. Rien de tout cela, car nous nous trouvons devant un film superbement réalisé qui nous fait oublier qu’il parle de Dalida. Ce n’est pas un film sur une chanteuse, que j’ai vu : c’est un film sur l’existence, la mort, et le bonheur.

Que peut vouloir une femme qui a tout, qui est connue, riche, belle, toujours entourée d’amants ? Celle qui « donne de l’espoir à des milliers de gens » mais qui répond à cette remarque : « et moi, qui m’en donne ? » Le film s’ouvre sur sa tentative de suicide dans une chambre d’hôtel, suivi d’un flash-back, deux mois plus tôt, où elle retrouve son amant dans cette même chambre d’hôtel. Les deux personnages vont tenir un dialogue sur le philosophe Heidegger, qui dans Etre et Temps rappelle que l’homme est un « être-pour-la-mort. » La mort est constitutive de l’existence : dès que je viens au monde, j’avance vers l’heure de ma mort, et c’est seulement en acceptant la possibilité de cette mort que je peux vivre une existence authentique. Or, deux mois avant sa tentative de suicide, Dalida va dire qu’elle n’est pas d’accord avec Heidegger : l’homme est pour elle un « être-pour-l’amour », ce qui, loin d’être une formule niaise, signifie un « être-pour-la-vie », un être qui va créer de la vie, en donner autour de lui, ce qui sera justement ce qu’elle fera, elle, en tant que chanteuse : donner de l’espoir, de la vie, pendant qu’individuellement elle avancera de plus en plus sûrement vers sa propre mort. Le décalage est annoncé entre ce à quoi elle aspire et ce qu’elle va véritablement devenir, la contradiction interne à cette femme qui, tout en donnant une image resplendissante de vie au monde entier, va avorter, puis être condamnée à ne jamais avoir d’enfant, à voir disparaître ses amants les uns après les autres, puis disparaître elle-même, toujours entourée de la mort qu’elle pensait n’être pas l’essentiel de l’être humain. Ce décalage est aussitôt annoncé par l'annonce du titre du film: le surnom "Dalida", titre du film, grandit dans son écriture à paillettes, et en arrière-plan, on voit le vrai nom "Iolanda Gigliotti", écrit en noir, penché sur la droite comme s'il était en train de tomber. 

Voilà le résumé que moi, je ferais de ce film, qui n’est évidemment plus une biographie, mais une véritable représentation de l’existence humaine. C’est pourquoi la structure n’est pas chronologique, ce qui a été reproché dans plusieurs critiques que j’ai pu lire. Pourtant, ce n’est pas tout à fait vrai : le film commence par la tentative de suicide, puis toute une série de flash-back vont monter, de façon aléatoire certes, ce qui s’est passé avant ; la suite de l’histoire suivra bien la chronologie, jusqu’à la fin. 


Parlons à présent de la bande originale, car quoi que j’ai pu dire précédemment, il s’agit toujours d’un film sur Dalida et il faut bien parler du choix des chansons ainsi que de leur disposition au cours du film. Là encore, je trouve que c’était particulièrement réussi et surtout pertinent par rapport à la voie choisie pour mener cette histoire. Bien sûr, les tubes sont présents, et il aurait été difficile de ne pas entendre Je suis malade, Paroles paroles, Laissez-moi danser, Salma ya salama, Bambino et tous les autres… Ce n’est pourtant pas un répertoire à tubes. Il y avait beaucoup de chansons que je ne connaissais pas, et pourtant comme je l’ai dit, j’adore Dalida et la plupart de ses chansons, je les connais par cœur. Mais même les chansons connues étaient bien placées, et pas toujours au moment où on les y attend (à part peut-être Il venait d’avoir dix-huit ans, que j’ai vu arriver avec ses gros sabots...) Autrement dit, ce n’est pas Je suis malade qui ponctuera son suicide, ou Gigi l’amoroso qui sera entendu aux instants de bonheur. Les places des chansons sont judicieuses, et sans vouloir trop en dire, je retiens particulièrement le montage sur Laissez-moi danser et la place accordée (cela surprendra sans doute ceux qui ont vu le film) à Mourir sur scène, une chanson que j’ai largement attendue, quand j’ai vu la tournure que prenait le film dès le début, et il n’y avait pas meilleure place pour cette chanson, qui célèbre la mort alors que Dalida est celle qui va la rechercher et la refuser au cours des premières minutes du film. Pour l’anecdote, j’ai peut-être eu une petite larme en entendant ces premières notes, que je désespérais d’entendre…

En conclusion, je ne peux recommander ce film, qui peut-être a des longueurs, comme tout film qui fait un effort de structure, parce qu’on ne peut pas comprendre du premier coup tous les choix de la réalisatrice. Un petit regret, peut-être ? J’en ai un. Comme disait Mistinguett, évidemment, apparaît dans le film, largement coupée comme de nombreuses chansons (on ne peut pas tout faire tenir en deux heures !) mais j’aurais aimé entendre le passage suivant :

« On dit depuis bientôt plus de vingt ans
Que je ne passerai pas le printemps »

Parce que c’est une chose qui est répétée dès le début : Dalida est démodée, Dalida tente de se suicider, Dalida n’a plus d’espoir… mais, vingt-cinq ans plus tard, Dalida est toujours là.

Bon aller, un autre regret, très personnel cette fois-ci : une de mes chansons préférée, Pour en arriver là, n’y était pas, mais je ne l’attendais pas spécialement, ce n’était pas une chanson connue, même si elle aurait facilement pu trouver sa place dans le scénario.

/ ! \ Spoilers / ! \

La suite de cet article porte sur la fin du film, je vous conseille donc de ne pas lire, même si, bien sûr, connaissant la vie de Dalida vous savez comment cela va finir. Mais la mise en scène est magnifique, trop magnifique pour que je me passe d’en parler, et je ne voudrais pas que vous en sachiez trop avant d’en avoir fait l’expérience par vous-mêmes.

Avant de parler de la fin, c’est un spoiler quand même, quelques mots sur la scène de Laissez-moi danser. On voit Dalida se préparer à monter sur scène, dans son costume Disco. Elle tremble, elle respire mal, et n’a pas l’air d’avoir envie de monter sur scène. Sa vie est de plus en plus triste, son compagnon souvent absent, et à ce moment-là du film je pensais qu’elle allait chanter Mourir sur scène devant son public. D’autant plus qu’une scène démarre entre elle et son dernier mari, une scène de dispute violente où elle lui demande de quitter la maison. C’est en alternance avec cette scène déchirante que l’on va avoir des images d’une Dalida éblouissante, souriante, heureuse sur scène, qui chante, non pas Mourir sur scène comme je m’y attendais, mais Laissez-moi danser. Magnifique montage qui respecte l’objectif du film, et montre le contraste entre le bonheur qu’elle procure autour d’elle et le malheur de sa propre vie.

Toujours là ? Très bien, alors voilà ce que j’ai à dire sur les dernières minutes du film et sur le générique de fin (qui a une véritable importance !)


Dalida, assistée jour et nuit par sa femme de chambre, se maquille dans le but de sortir. En effet, depuis un moment elle parle de son ami, Michel. Elle demande à sa femme de chambre de ne pas rentrer cette nuit-là et de la laisser dormir le lendemain matin, car son amant Michel passera la nuit avec elle. Rassurée d’enfin la voir se maquiller, s’habiller et retrouver le sourire, elle part donc, sans aucune crainte. Bien sûr, aucune visite n’est prévue ce soir-là, on se demande même si ce Michel a existé un jour : Dalida est seule et prépare son suicide.

La chanson qui accompagne cette scène est Pour ne pas vivre seul. Choix extrêmement pertinent par rapport au début du film qui citait Heidegger. En effet, vers le milieu du film, Dalida lit Heidegger. Je me demande ce qu’elle a bien pu en comprendre, parce que ce n’est pas le philosophe le plus facile… Mais que retient-on d’Heidegger, quand on le lit sans tout en comprendre ? Peut-être justement ce qu’elle dit dans sa chanson Pour ne pas vivre seul : l’homme se fond dans la masse, devient un-parmi-d’autres : il entre dans ce qu’Heidegger appelle la « dictature du on », dans le but d’échapper à l’angoisse de la mort. Car « on » meurt, mais « on » est à la fois tout le monde et personne, la mort est ainsi mise à distance, et j’ai l’impression qu’elle ne me touchera pas ; du moins, pas tout de suite. Alors, « on » fait tout pour ne pas vivre seul, parce que seul, il faut affronter l’angoisse de la mort. Et la mort est ce que je ne peux affronter que seul : comme le dit la chanson, « on n’a jamais fait un cercueil à deux places ». « On » me protège de la pensée de la mort, peut-être, mais « on » ne m’empêche pas de mourir seul. Toute cette chanson est construite justement avec ce « on » : je rappelle le début des paroles :

« Pour ne pas vivre seul
On vit avec un chien
On vit avec des roses
Ou avec une croix
Pour ne pas vivre seul
On se fait du cinéma
On aime un souvenir
Une ombre, n’importe quoi… »

Ce « on » ponctue toute la chanson jusqu’à la fin, entrecoupé de passage où elle dit « je », « moi », « je t’aime et je t’attends, pour avoir l’illusion de ne pas vivre seule », mais « je » fais comme « on » fait finalement. D’ailleurs, vivre avec un chien, des roses, un souvenir et une ombre, c’est ce qu’elle fait justement elle-même à ce moment-là, elle qui n’a plus qu’un chien et un ami imaginaire avec qui elle prétendait passer la soirée. Et Dalida meurt, seule, parce que la mort s’affronte seul.


Le film s’arrête immédiatement. Pas de scène où ses proches la découvre, de scène d’enterrements, de pleurs, cela n’aurait pas été dans la lignée du reste du film. En revanche, le générique de fin enchaîne immédiatement avec, vous vous en doutez, Mourir sur scène. Cette chanson qui glorifie la mort, qui l’attend, qui l’affronte, c’est exactement ce que Dalida n’a pas fait en se cachant derrière le « on. » Dans Mourir sur scène, elle cesse de se cacher, puisqu’elle s’adresse directement à la mort en lui disant : « Viens, mais ne viens pas quand je serai seule… » Mettre au défit la mort tout en prétendant pouvoir ne pas mourir seul, c’est contraire à ce que dit Heidegger, et c’est ce à quoi elle s’est opposée au tout début du film en refusant l’expression d’ « être-pour-la-mort. » Non, l’être humain n’est pas un « être-pour-la-mort », c’est un « être-pour-l’amour », qui ne vit ni ne meurt seul, mais entouré des autres. Malheureusement, ce qu’elle affirme au travers de ses chansons ne se révèlera pas vrai, et le dernier mot ira bien à Heidegger. 

jeudi 12 janvier 2017

La nouvelle du mois (ou des deux mois !)

Bonjour à tous !

Je vais commencer par vous souhaiter les meilleurs vœux pour l’année 2017, puisque je n’ai pas encore eu l’occasion de le faire ! J’espère que vous allez prendre plein de bonnes résolutions que vous vous allez vous y tenir. Quant à moi, il y a bien une bonne résolution que j’ai prise, concernant l’écriture, et que je compte tenir.

Le problème de quelqu’un comme moi qui n’écris que des romans, c’est que je ne publie pas grand-chose : un roman tous les ans, voire, quand j’ai une panne d’inspiration ou un manque de temps, un roman tous les deux ans, voire cinq ans sans nouveauté, c’est que vous aurez vite fait de m’oublier, et moi j’aurai vite fait de ne plus avoir grand-chose à vous dire. Bref, j’ai donc décidé de m’investir un peu plus dans mon travail littéraire, maintenant que j’ai le temps (puisque j’ai terminé mes études ! Libération !)

J’ai décidé, pour 2017, de me lancer dans les nouvelles. Bon, je vous avoue, je n’ai jamais écrit de nouvelle. J’ai toujours détesté ça, je n’aimais pas en lire, je n’aimais pas non plus en écrire parce que j’aime travailler sur le développement psychologique d’un personnage, et cela demande du temps, de nombreuses pages, de nombreux événements… bref, tout le contraire d’une nouvelle. Mais le beau projet que j’ai découvert récemment et qui est l’Indé Panda (un article là-dessus est en cours d’écriture, vous en saurez bientôt plus, une fois que j’aurai terminé de lire les deux numéros sortis), un magazine trimestriel qui met en avant les auteurs indépendants au travers d’une sélection de nouvelles, m’a donné envie d’y participer. Mais pour cela… eh oui, il va falloir que je me mette aux nouvelles.

J’ai donc décidé de prendre la bonne résolution d’écrire une nouvelle tous les deux mois ! Comme ça, je m’entraîne, j’écris plus, et vous aurez plus de textes à lire. Ma première nouvelle, que j’ai sortie en décembre, sur laquelle j’ai pour l’instant de très bons retours, me prouve qu’écrire des nouvelles est possible, même pour moi. J’ai donc continué à réfléchir aux genres de nouvelles que je pourrais écrire. Evidemment, mes nouvelles suivront le style de mes romans : une interrogation sur l’existence, le comportement humain ou encore la société, il y aura toujours un fond de philosophie et des références littéraires cachées. Cela permettra également à ceux d’entre vous qui ne me connaissent pas encore de vous donner une idée du genre de textes que j’écris, et peut-être de vous donner envie d’aller voir mes romans ensuite.

Toutes mes nouvelles seront diffusées gratuitement au format numérique sur Amazon, vous n’avez donc aucune raison de vous priver, et pensez bien à laisser un petit commentaire après avoir lu. Elles seront répertoriées sur cette page : Nouvelles

Puisque ma première nouvelle est sortie en décembre, c’est donc en février que vous aurez la prochaine. En attendant, vous pouvez vite aller lire « Les étudiantes fauchées ne prennent pas le taxi », une nouvelle réaliste de 23 pages sur l’évolution d’une jeune fille victime d’un crime non puni, que vous pouvez télécharger à cette adresse : Amazon


Merci à tous ceux qui me suivent et me lisent, et encore une excellente année 2017 !