lundi 28 septembre 2020

L’homme qui haïssait le Bien (Neuroland, Tome 2)

 Si vous n’avez pas encore lu Neuroland, ce roman de génie écrit par le neurologue Sébastien Bohler, vous trouverez ma chronique ici.

 

L’homme qui haïssait le Bien est la suite de Neuroland, et même si je vais essayer de ne pas dévoiler trop d’éléments de l’intrigue, je vais inévitablement spoiler (ou divulgâcher, comme on est censé dire en français) l’intrigue de Neuroland. Vous voilà prévenus, maintenant c’est parti.

 


Le psychopathe Franck Corsa, enfin arrêté après les odieux crimes qu’il a commis avec la complicité du ministre de l’Intérieur Michel Levareux, est en prison, et porte toute la responsabilité des événements de Neuroland. Sa principale victime, Maria, encore traumatisée, a désespérément besoin de comprendre ce qu’il y a dans l’esprit de son agresseur pour avancer. Or, un projet est justement proposé : analyser le cerveau de psychopathes, dont celui de Franck, pour déterminer ce qui leur manque, et espérer les soigner à partir de cellules souches. J’ai beaucoup aimé la façon dont est introduite la réflexion sur le suivi médical des criminels : contrairement à ce qu’on pense dans l’opinion commune, ce ne sont pas ici les « philosophes », les « bobos » ou les « psychiatres » qui proposent de soigner le criminel, mais sa victime. C’est elle qui le demande, parce qu’elle en a besoin : ce qui lui est arrivé est si absurde, si horrible que l’emprisonnement de son agresseur ne lui suffit pas. Elle a besoin de comprendre : c’est ce que disent aussi beaucoup de victimes lors de procès. Ils n’attendent pas uniquement une punition, mais ils espèrent comprendre pourquoi c’est arrivé.

 

Une thème de départ qui, comme pour le premier livre, va devenir presque secondaire face à la complexité et à la richesse du roman. L’idée de soigner les psychopathes amène à se poser la question du mal et de son origine : le mal existe-t-il indépendamment du cerveau ? Tout peut-il s’expliquer matériellement, à partir des neurones ? L’opération de Franck va être une réussite : son cerveau réparé, il va être capable, pour la première fois de sa vie, d’avoir des réactions spontanée de dégoût face à la violence, de pitié face à la misère. Le psychopathe est bien quelqu’un de malade : il est dénué de ce qu’on pourrait appeler « sens moral », et d’empathie. Si on pouvait réparer ce défaut, directement présent dans le cerveau, ils ne seraient plus des criminels. Mais l’auteur refuse une position aussi optimiste. Oui, la psychopathies est une maladie, et comme toute maladie, on peut espérer la soigner un jour. Mais le Mal n’est pas uniquement le fait de maladie : l’autre criminel de cette histoire, le ministre Michel Levareux, qui a réussi à s’en sortir jusque-là, n’est pas un psychopathe. C’est juste un politicien assoiffé de pouvoir et craignant pour sa réputation. Ce mal-là n’est pas dans le cerveau. Parmi les procédés que j’ai adoré dans le roman, il y a justement cette opposition entre deux criminel : le malade et l’égoïste, opposition qui conduit se poser beaucoup de question sur ce qu’est un crime, un méchant, le mal.

 

Mais comme je l’ai dit, ce n’est qu’un thème parmi d’autres dans le roman (qui pourtant, fait 300 pages de moins que le Tome 1 !) La politique tient encore une grande place, et cette fois l’expression de « raison d’Etat » est utilisée : jusqu’où peut-on aller dans le non-respect du droit et de la morale, quand cela est nécessaire ? Une grande découverte médicale justifie-t-elle l’oppression d’une population pauvre ? Le maintient du gouvernement justifie-t-il l’exécution d’un témoin gênant ? En lisant, je me suis dit que le roman aurait pu s’appeler Comment les politiciens finissent toujours par s’en sortir, et même si la lecture peut être frustrante, parce qu’on a besoin de justice, même dans les livres, elle est incroyablement réaliste et intéressante.

 

Enfin, à nouveau, j’ai retrouvé des personnages intéressant à la psychologie très complexe, ce que j’apprécie particulièrement dans un livre. Le « gentil » Vincent Carat du premier tome a lui aussi ses rêves de gloire et de prix Nobel, et peut se montrer stupide, peu compréhensif ou impulsif. Le « philosophe » présent pour alerter le groupe Neuroland de certaines dérives, rôle bien louable, n’en demeure pas moins un pervers manipulateur dans sa vie privée. Les intérêts et l’ambition des milieux scientifique et politique font échouer certains projets qui permettaient à de grands espoirs de naître, pour l’avenir de la société.

 

La fin frustrera peut-être le lecteur. Mais la vie est frustrante, et n’est jamais pleinement achevée…

mercredi 23 septembre 2020

L'univers à portée de main

 Je n’ai pas trouvé mieux, comme titre de mon article, que le titre même de ce passionnant livre de vulgarisation scientifique dont j’aimerais vous parler. Je me doute qu’un livre de science n’est peut-être pas ce qui vous fait le plus rêver pour l’instant, mais si l’univers, l’espace, les planètes, l’infiniment grand et l’infiniment petit vous intéressent un peu, prenez le temps de découvrir L’Univers à portée de main, de Christophe Galfard, professeur de physique, qui, loin de l’orgueil et l’élitisme qu’on peut imaginer chez certains, s’appliquera à essayer d’expliquer simplement, rigoureusement, et parfois métaphoriquement les grandes notions d’astrophysique et de physique quantique.

Malgré sa vocation de livre de science, l’auteur s’adresse à vous à la deuxième personne, et vous devenez comme le héros d’un voyage dans l’espace. Vous commencerez par être témoin de l’explosion de notre soleil, puis d’étoiles aspirées par des trous noirs, du Big Bang, de phénomènes inimaginables parmi les atomes et les électrons qui composent la matière. Je vous propose un petit extrait pour que vous vous fassiez une idée du style :

 

« Une petite étoile filante traverse le ciel. Vous vous apprêtez à faire un vœu, mais voilà qu'arrive la chose la plus incroyable : cinq milliards d'années s'écoulent d'un coup... et vous n'êtes plus sur une plage, mais dans l'espace.

Flottant dans le vide.

Vous pouvez encore voir, entende et ressentir, mais votre corps, lui, a disparu. Le sol aussi, d'ailleurs, ainsi que l'océan. Seules les étoiles sont toujours présentes.

Vous êtes éthéré.

Un pur esprit.

Et vous n'avez pas le temps de vous demander ce qui vient de se passer ou d'appeler à l'aide, car devant vous, à des centaines de milliers de kilomètres, une boule s'approche, menaçante. Elle brille d'une sombre lueur orangée et tourne sur elle-même. Il ne vous faut pas longtemps pour comprendre que sa surface est couverte de roches fondues et que vous vous trouvez en face d'une planète. Une planète en ébullition.

Stupéfait, vous vous interrogez : quelle source de chaleur peut bien ainsi liquéfier une planète ? »

 


Les passages théoriques sont vraiment bien expliqués et simplifiés autant que possible, grâce à des images, des métaphores, et surtout beaucoup de rigueur. Il y a évidemment beaucoup de notions de physique que vous ne connaissez pas forcément, mais l’auteur prend le temps, régulièrement, de les rappeler et les redéfinir, pour que vous ne perdiez pas le fil. Evidemment, je ne cache pas que certains passages ont été plus difficiles que d’autres, de temps en temps il a fallu que je me concentre vraiment pour essayer de comprendre, mais la plus grande partie du livre est très fluide et accessible. D’ailleurs, il y a un bon nombre de notions de physique, et notamment de physique quantique, dont j’avais plusieurs fois entendu parler pendant mes études de philosophie, et pour la première fois, je peux dire que j’ai parfaitement compris certaines d’entre elles ! Si vous aussi vous avez entendu parler de l’expérience du « chat de Schrödinger » sans jamais rien y comprendre, vous ne serez pas déçus !

 

« Lorsque vous avez repoussé le vase de votre grand-tante du bout des doigts, au tout début de ce nouveau voyage, il a lentement gravi la pente invisible suscitée par votre présence… avant de redescendre cette même pente. Même si vous n’êtes pas aussi massif qu’elle, c’est exactement ce qui se passe sur Terre lorsque vous lancez un objet en l’air : il ralentit en montant avant de redescendre en accélérant.

A cause de cette pente, soit dit en passant, vous n’arriverez jamais, depuis la surface de la Terre, à envoyer vous-même, par la force de vos bras, quelque chose dans l’espace. Il vous faudrait pour cela réussir à lancer un objet à la verticale à une vitesse supérieure à 40 320 kilomètres par heure. Donnez-lui une vitesse moindre, il retombera. Invariablement. Quel que soit l’objet.

Dans l’espace, c’est pareil : il faut une certaine vitesse pour réussir à s’échapper de l’attraction gravitationnelle d’un astre. »

 

Enfin, j’ai énormément apprécié l’humilité et l’honnêteté intellectuel de ce physicien dans ces propos. J’entends souvent des élèves de classes scientifiques refuser tout débat parce que « Non mais ça c’est de la science, c’est de la vérité, pas comme la philo », comme si la science était infaillible, comme si elle donnait toujours le vrai, que j’apprécie un livre destiné au grand public qui met l’accent sur le caractère totalement incertain des théories scientifiques. Et c’est justement pourquoi on parle de « théories » ou « d’hypothèses ». A chaque vérité scientifique largement admise, comme la gravitation universelle de Newton, l’auteur montre non seulement comment elle a été corrigée depuis, et quelles sont ses limites et ses faiblesses. Son objectif premier est de nous faire découvrir l’univers ; le second est de corriger une opinion erronée sur ce qu’est la science et la recherche scientifique. Les erreurs sont la vérité de la science : c’est parce qu’on a cherché les erreurs de la théorie de Newton (qui lui-même corrigeait les erreurs d’Aristote) qu’on en est arrivé à celle d’Einstein, et c’est par les erreurs de celles d’Einstein que la recherche continue, etc. Il rappelle qu’un bon scientifique ne peut qu’être philosophe : il doit se poser des questions, même si elles semblent absurdes, parce que le monde va se révéler parfois totalement absurde. Il faut continuer à douter de tout ce qui est découvert. Dans la dernière partie, il présente même les théories les plus actuelles des physiciens contemporains, notamment sur les univers parallèles : pas de science-fiction, mais bien de la science.

 

Et surtout, un bon scientifique est quelqu’un qui a de l’imagination. C’est uniquement l’imagination qui a mené à concevoir l’espace-temps comme un tissu que l’on peut courber et déformer. Il a fallu imaginer le voyage dans le temps pour découvrir que le temps s’écoule différemment, que l’on soit sur Terre ou proche du noyau de notre galaxie. L’imagination est indispensable, parce que l’esprit humain, avec sa logique propre, n’est pas fait pour comprendre certains mystères de l’univers. A la fois l’auteur admire (et nous avec lui !) les incroyables connaissances qu’ont pu acquérir les êtres humains dans l’histoire des sciences, et reconnaît que l’innovation technique et technologique est sans doute illimitée ; à la fois il rappelle à quel point notre intelligence est limitée, de même que nos sens, notre perception, et tout ce qui pourrait nous permettre d’arriver à une connaissance précise du monde.

 

Passionnant, parfois drôle, intelligent et accessible, vous pourrez soit étendre vos connaissances, soit briller en société par l’étendue de votre savoir sur l’astrophysique. Faites-en l’usage que vous voulez, mais si vous vous intéressez à la science, ou si vous doutez de la science, ou mieux, si vous pensez qu’il n’y a de vraie que la science, lisez ce livre, et préparez-vous à un véritable vertige. Peut-être que, comme moi, vous refermerez le livre après chaque chapitre pour vous mettre à penser à l’immensité de l’univers… et vous demander pourquoi on se prend la tête à savoir si on fait un régime ou pas cette semaine, parce qu’à côté de l’infini, franchement, c’est tellement dérisoire !

mardi 1 septembre 2020

Buffy, tueuse de vampire : devoir et autorité


Pour ce premier article d’une série d’analyses de la série Buffy contre les vampires, nous allons nous intéresser au personnage principal et à sa fonction : Buffy, la tueuse de vampire. Commençons par résumer le contexte de la série.

Nous sommes dans notre monde, pour la plupart des gens. Car, cachés dans l’ombre et la nuit, se trouvent vampires, démons, sorciers, et autres créatures maléfiques qui essaient de dominer ou détruire le monde. Pour lutter contre ces créatures – et cacher leur existence au mieux – une élue est choisie, une fille, qui sera dotée des pouvoirs d’un démon (vitesse, force, réflexes…) pour les combattre. Cette élue est appelée la Tueuse, elle est entraînée et guidée par un Observateur, nommé par le Conseil, qui lutte contre les démons. Le travail de la Tueuse est discret, mais extrêmement dangereux. De fait, peu de Tueuses dépassent les 25 ans. Pour les meilleures, qui atteindront leurs 18 ans, un test mortel leur sera imposé.

 Dans notre série, la Tueuse de vampire sera donc Buffy : au début de l’histoire, elle a 16 ans, elle est la Tueuse depuis ses 14 ans. Si, au début, elle essaie tant bien que mal de dissimuler son rôle et ses pouvoirs, dans l’espoir de suivre une adolescence normale, elle sera vite repérée par ceux qui deviendront ses meilleurs amis, Willow et Alex. Peu à peu, le groupe va s’agrandir et gagner en puissance : Willow apprend la magie, elle rencontre le loup-garou Oz puis l’autre sorcière Tara ; Buffy tombe amoureuse des vampires Angel, puis Spike ; Alex et Cordelia sont les humains du lot, mais Cordelia cèdera vite sa place au démon Anya aux côtés d’Alex.

 Si je prends le temps de faire la liste des amis et alliés de Buffy, c’est justement parce que c’est ce dont nous allons parler dans cet article : le rapport aux règles et à l’autorité. La Tueuse doit agir seule ; Buffy ne l’est pas. Même si, parfois, elle rappelle que les tâches les plus dangereuses et difficiles lui reviennent, parce qu’elle est l’élue, elle ne sera que rarement seule. Or, c’est grâce à ces amis que Buffy va devenir une Tueuse exceptionnelle, et survivre bien plus longtemps que la plupart de ses semblables. Pour montrer la spécificité de Buffy par rapport aux autres Tueuses, la série va en introduire deux autres, qui représentent chacune un des écueils dans lequel pourrait tomber Buffy. Elles ont un rôle de mise en garde : grâce à elle, nous savons quelles dérives attendent les Tueuses. Et le juste milieu, incarné par Buffy, est le moyen de survivre.

Buffy & Kendra

Kendra et Faith, les deux autres Tueuses, vont successivement rejoindre Buffy dans son combat, et illustrer les deux écueils opposés dans lesquels Buffy ne doit pas tomber si elle veut survivre : car ni Kendra (qui meurt) ni Faith (qui finit dans le coma) ne seront à la hauteur dans le rôle de Tueuse. L’une et l’autre ont un rapport opposé à l’autorité. Pour Kendra, la mission de Tueuse est un devoir sacré, absolu, divin, qui doit passer avant tout : elle ne comprend pas la tendance qu’a Buffy à vouloir passer du temps avec ses amis, ou tout simplement le fait qu’elle ait des amis. Pour Faith, la force qu’elle a obtenue en étant une Tueuse la place au-dessus de tous, et au-dessus de toute forme d’autorité : ce qu’elle reproche à Buffy, c’est sa fidélité et son respect envers son Observateur, qui lui donne des ordres. Entre une Kendra trop soumise, et une Faith trop rebelle, Buffy incarne le juste milieu dans le respect à l’autorité : elle reconnait l’importance de son Observateur et de sa mission, mais continue à vivre sa vie à côté.

Commençons par présenter ces deux Tueuses. Dans le monde, il n’y a qu’une seule Tueuse : pour qu’une nouvelle Tueuse apparaisse, il faut que celle qui existe meure. Buffy a donc dû mourir pour qu’apparaissent Kendra, la deuxième Tueuse de vampire. Cela se passe dans le dernier épisode de la première saison : alors qu’elle combat le Maître, grand méchant de la saison, elle perd connaissance, tombe la tête dans l’eau et se noie. Or, pour la première fois, ses amis vont avoir une importance capitale pour la tenir en vie, puisque ce sont eux qui vont la trouver à temps et la réanimer. Morte quelques secondes seulement, Buffy n’est plus la seule Tueuse : Kendra a été appelée. Malheureusement pour elle, en aidant Buffy à arrêter Angel dans la saison 2, elle va se faire tuer : pour remplacer Kendra, c’est donc au tour de Faith d’être élue.

 

Buffy & Faith

Cette idée de « juste milieu », parfaitement incarnée par Buffy, et dont je me sers ici, est empruntée à Aristote, dans L’Ethique à Nicomaque, lorsqu’il essaie de définir la vertu. La vertu, par définition, s’oppose au vice : vertueux est celui qui ne tombe pas dans le vice. Or, pour Aristote, il y a deux façons de tomber dans le vice : soit en faisant preuve d’excès, soit d’insuffisance (il y aura donc deux sortes de vices : le vice par excès et le vice par défaut). La vertu consistera alors en ce juste milieu entre le défaut et l’excès, entre le « pas assez » et le « trop ». Cela vaut pour toute les qualités. Prenons quelques exemples : quels sont les vices associés aux principales vertus ?

 

-          Le courage est une vertu : il consiste à savoir à quel moment il convient d’agir, malgré les risques. Il s’oppose à la lâcheté (vice par défaut) où l’on a toujours peur d’agir, et à la témérité (vice par excès) où on plonge tête baissée dans le danger.

-          La générosité est une vertu : donner à ceux qui en ont besoin. Elle se distingue de la radinerie (ne jamais rien donner) et à la prodigalité (toujours tout donner à tout le monde, au risque de ne rien garder pour soit)

-          La magnanimité, dont le sens est différent chez Aristote, est la vertu qui consiste à avoir conscience de sa valeur et de ses capacités, contrairement à la modestie (oui, c’est un vice pour Aristote ! un vice par défaut) où l’on se met toujours en retrait et où on nie ce dont on est capable ; contrairement aussi à l’orgueil (vice par excès), où l’on s’imagine supérieur à ce que l’on est

 

Tel serait donc le trio du rapport à l’autorité chez Aristote, illustré par nos trois Tueuses : la vertu (Buffy), consiste à reconnaître l’autorité tout en s’y soumettant lorsque c’est légitime ; le vice par défaut (Faith), serait le fait de ne jamais reconnaître la moindre autorité ; le vice par excès (Kendra) est pour celui qui se soumet continuellement et sans réfléchir à l’autorité qui le commande. Au travers de ces trois visages de Tueuses, la série prend une position aristotélicienne sur la vertu : bien agir, c’est être modéré, resté dans le juste milieu. Plus notre comportement est extrême, plus nous agissons mal. Les dangers dus à l’un et l’autre vice sont également présentés. Le vice par excès risque de nous détruire : Kendra meurt, ce qui arriverait certainement aussi au téméraire (qui prend tous les risques sans réfléchir) ou au prodigue (qui donne tout et n’aura plus rien). Le vice par défaut mène à faire du mal aux autres : Faith se tournera du côté des démons, ce que ferait probablement un lâche ou un radin (pour se protéger).

 

Un retour à cette conception aristotélicienne de la vertu est d’autant plus intéressant que le juste milieu n’est plus, aujourd’hui, ce qui attire le plus. Nous admirons secrètement ceux qui n’ont pas peur du sacrifice, la richesse ou les qualités exceptionnelles, tout en louant publiquement la modestie, la mise en retrait, le calme. Le juste milieu serait pour l’individu lambda, qui ne prend jamais vraiment position. Cela vient de deux courants de pensée qui ont suivi (et remplacé) celui d’Aristote : les valeurs chrétiennes ont placé le vice par défaut au rang de vertu (heureux sera celui qui vit dans la pauvreté, l’humilité et le retrait) ; Nietzsche, par opposition aux valeurs chrétiennes, fait l’éloge du vice par excès (il faut être un être exceptionnel pour être téméraire et orgueilleux).

 

C’est terminé pour aujourd’hui ! Si l’article vous a plu, retrouvez l'article suivant ici : Les méchants de Buffy : où est le vrai danger ? (1)

L'ensemble des articles peut être retrouvé sur ce lien : Buffy contre les vampires (analyses)

Cet article a été repris pour le podcast « Geekosophie magazine » sur les plateformes d’écoute (Spotify, Deezer...) et sur YouTube à cette adresse : Geekosophie Magazine