lundi 24 décembre 2018

La Locataire, Penelope Evans

Pas de “Lectures du mois” depuis longtemps, c’est vrai... Mais j’ai préféré, pour changer, écrire une chronique plus détaillée sur un seul livre que j’ai trouvé particulièrement intéressant. Petit changement de registre : un thriller, et ce n’est pas un livre auto-édité - juste un roman trouvé dans une boîte à lire (et je remercie la personne qui l’y a mis !) 

La Locataire de Penelope Evans est une banale histoire de harcèlement. Profondément banale, même : si je devais la résumer, je dirais que c’est l’histoire d’une jeune locataire qui ne peut plus se débarrasser du vieil homme au-dessus de chez elle. Et en effet : il lui fait des cadeaux sans arrêt, insiste pour la voir tous les jours, pense à elle tout le temps, et va jusqu’à pénétrer dans son appartement en son absence pour déplacer des objets ou encore chercher des renseignements sur elle.  

Banale histoire, mais narration d’une originalité brillante. Le seul narrateur est le vieil homme lui-même : Larry. Nous n’avons pas, comme ce serait le cas habituellement, le point de vue de la victime. Nous avons celui du harceleur obsessionnel qui ne voit absolument pas en quoi son attitude dérange. Larry ne cherche pas à être mauvais : au contraire, il fait tout pour le bien d’Amanda, la jeune fille. Mais à trop vouloir faire le bien, il devient oppressant. C’est pour comprendre sa tristesse qu’il fouille chez elle ; c’est pour lui éviter du chagrin qu’il intercepte son courrier et ses coups de téléphone.  

Ce thriller devient donc une plongée au cœur de la psychologie d’un vieil homme incapable de discerner le bien du mal. Plusieurs fois, Amanda se plaindra vaguement de l’absence d’intimité dont elle bénéficie. Pas de problème, répond Larry : et il s’empresse d’observer tous ses faits et gestes et d’entrer dans son appartement en son absence pour s’assurer que la propriétaire des lieux ne porte pas atteinte à son intimité. Et pourtant, toutes ses angoisses, toutes ses gênes viennent de lui : de Larry. Personne ne l’observe si ce n’est son voisin ; personne ne lui veut de mal ; personne ne l’aurait fait souffrir, s’il n’était pas à chaque fois intervenu auprès de ses proches.  Malgré ce point de vue interne (ou peut-être grâce à ce point de vue), on peut facilement se mettre à la place de la jeune Amanda, sans avoir aucune information sur elle. C’est toute la puissance de ce livre, qui force l’imagination, et nous amène à prendre le point de vue d’un personnage totalement silencieux pour le lecteur. Impossible d’adopter la position d’un fou : nous sommes donc Amanda, nous subissons son calvaire, et nous savons à quel point elle est dans une impasse.  

Comment pourrait-elle raisonner ce vieil homme, qui prend chaque protestation comme un signe qu’elle a encore plus besoin de lui, et chaque intrusion dans sa vie privée comme de la bienveillance ?