Chers lycéens, réjouissez-vous et ne stressez plus. Si
vous êtes terrifiés à l’approche du bac, et de cette première épreuve fatidique
qu’est l’épreuve de philosophie, parce que vous êtes un grand lecteur mais que
vous ne comprenez rien à la philosophie, vous êtes au bon endroit. A partir
d’aujourd’hui, premier mai, et tous les lundis jusqu’au bac de philo, je
présenterai ici un texte littéraire qui fera un bon exemple à citer dans une copie
de philosophie.
Le texte
d’aujourd’hui est une fable de La fontaine, « Le cheval et l’âne »,
et vous pourrez l’utiliser dans un sujet portant sur la morale ou le devoir.
Exceptionnellement,
avant de commenter la fable, je vais commencer par présenter la thèse
philosophique que vous pourrez mettre en rapport : car, en réalité, la
« morale » de cette fable n’a rien de morale, et si je vous donne
cette fable, ce n’est pas exactement pour appuyer une thèse philosophique, mais
plutôt pour avoir un exemple de situation à critiquer grâce à Kant.
Qu’est-ce qu’une
action morale pour Kant ? Une action pleinement morale est une action
faite par devoir, c’est-à-dire par pur respect de la loi morale. Ce qui
signifie qu’une action est morale lorsqu’on la fait uniquement pour faire le
bien, sans en tirer un quelconque intérêt ou un quelconque plaisir. Autrement
dit, celui qui fait le bien parce que cela le rend heureux n’est pas
moral : il agit par inclination ; celui qui fait le bien parce qu’il
sait qu’il acquerra une certaine estime sociale n’est pas moral, il agit par
intérêt. En effet, le devoir moral est un « impératif
catégorique » : c’est un devoir qu’il faut respecter quelles que
soient les circonstances, parce qu’il est bien en soi. Il s’oppose à
« l’impératif hypothétique » qui est une action que nous devons faire
uniquement lorsque nous poursuivons une certaine fin : lorsque je dis que
« je dois aller à gauche pour rentrer chez moi », ce « je
dois » ne doit évidemment pas être compris comme un devoir moral mais
comme un impératif hypothétique.
Le devoir moral
n’est donc pas quelque chose qu’il faut faire en vue d’obtenir quelque chose :
venir en aide à autrui est un impératif catégorique, il faut aider autrui parce
que c’est bien, parce que c’est une loi de la raison, en aucun cas dans
l’espoir d’obtenir un avantage ou dans la crainte d’être désavantagé. Or, c’est
justement cette erreur qui se glisse dans les premiers vers de la fable :
aidez les autres, sinon, vous risquez d’être punis. Dans cette fable, le cheval
hautain refuse d’aider l’âne à porter sa lourde charge, alors que cela ne lui
aurait pas coûté grand-chose. Action immorale, certes, mais le cheval aurait-il
été moral pour autant s’il avait pris le temps de réfléchir ? S’il avait
fait ce « calcul », qui lui aurait permis de se rendre compte que
toute la charge de l’âne allait lui revenir s’il le laissait mourir, aurait-il
eu une attitude morale ? Il est clair que non : en suivant les
conseils de La Fontaine, le cheval aurait tout simplement mieux calculé son
intérêt, mais en aucun cas il n’aurait agi par devoir.
En ce monde il se faut l'un l'autre
secourir.
Si ton voisin vient à mourir,
C'est sur toi que le fardeau
tombe.
Un Âne accompagnait un Cheval peu
courtois,
Celui-ci ne portant que son simple
harnois,
Et le pauvre Baudet si chargé qu'il
succombe.
Il pria le Cheval de l'aider
quelque peu :
Autrement il mourrait devant
qu'être à la ville.
La prière, dit-il, n'en est pas
incivile :
Moitié de ce fardeau ne vous sera
que jeu.
Le Cheval refusa, fit une pétarade
;
Tant qu'il vit sous le faix mourir
son camarade,
Et reconnut qu'il avait tort.
Du Baudet, en cette aventure,
On lui fit porter la voiture,
Et la peau par-dessus encor.
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