dimanche 19 avril 2020

[Harry Potter] Platon et les quatre maisons



C'est en travaillant sur mon prochain livre de pop philo - qui n'a ABSOLUMENT rien à voir avec Harry Potter - que m'est venue enfin la réponse à une question que je me posais depuis longtemps au sujet des quatre maisons de Poudlard. Bien sûr, il faut entendre cette "réponse" que je vais donner comme une théorie (pas comme une certitude !), mais une théorie qui permet quand même de donner une raison à quelque chose qui me semblait... bizarre. Voilà donc la question : pourquoi Gryffondor ? 

Soyons plus précis : pourquoi la maison Gryffondor accueille-elle les enfants dont la principale qualité est le courage ? Voilà plusieurs années que je me demande pourquoi cette qualité est choisie et non pas une autre. Elle ne me paraissait pas aussi cohérente que les trois autres, et je refuse d'y voir une simple facilité narrative : les héros sont courageux, il faut réunir les courageux entre eux pour qu'ils réussissent leur mission. Je refuse également une absence d'explication telle que : le courage, c'est cool. Oui, c'est une qualité cool, surtout pour un personnage principal de roman fantastique. Mais cette maison semblait trancher avec les autres. 

Je comprends facilement, en effet, que l'on choisisse de rassembler entre eux les élèves studieux aimant lire, s'instruire et découvrir des choses (Serdaigle). Je comprends aussi sans problème le rassemblement des élèves les plus ambitieux, souhaitant avoir une importance et un certain rang dans le monde magique (Serpentard). Et bien sûr, rien d'étonnant à ce que les élèves valorisant l'amitié et la loyauté, ce qui inclut l'entraide dans le domaine scolaire, vivent ensemble (Poufsouffle). Pour une école, choisir comme critère l'entraide, la soif de connaissance ou l'ambition est pertinent. Mais pourquoi le courage ? 

La réponse, je crois, est chez Platon (du moins, ma théorie à ce sujet se fonde sur son œuvre majeure, La République). Ce n'est pas la première référence à l'antiquité que l'on trouvera dans Harry Potter : certaines créatures magiques, les prénoms romains de nombreux professeurs, les réflexions très stoïciennes de Dumbledore... Dans le livre IV de la République, Platon définit la vertu en lui donnant trois critères : la connaissance, la modération et... le courage. Le sage est donc intelligent, mesuré dans ses désirs et courageux.  

Nous pouvons sans mal, à présent, rejoindre trois des quatre maisons de Poudlard : Serdaigle (connaissance), Poufsouffle (modération / mesure) et Gryffondor (courage) sont à elles trois la vertu. Que faire de Serpentard, à présent ? On pourrait croire que j’ai remplacé mon problème par un autre : je ne trouvais pas de place à Gryffondor, maintenant c’est Serpentard qui n’en a plus. Il reste cependant quelque chose dont parle Platon dans ce même livre. En réalité, il semble que Serpentard soit bien la maison des "méchants”, au sens de la maison du vice. Mais attention : je ne suis pas en train de traiter tous les Serpentard de monstres inhumains (même si certains en font partie...) Le vice est à comprendre selon Platon, tout comme je l'ai fait avec la vertu.  
Le plus grand vice, chez les grecs antiques, est ce qu'ils appellent l'hybris, terme traduit généralement par la démesure. Cela consiste à se croire supérieur à un être humain : un homme qui se compare aux dieux fait preuve d'hybris. Croire, par exemple, pouvoir être immortel (condition réservée aux dieux et non aux êtres humains), c'est être dans l'hybris : cela vous rappellera évidemment Voldemort, et sa lutte pour vaincre la mort. L'ambition, critère principal de Serpentard, peut devenir une certaine forme d'hybris, si elle ne sait pas se donner des limites. Les Serpentard ont d'ailleurs, pour la plupart, tendance à se considérer comme supérieurs au reste de l'humanité, en tant que sorciers, souvent même en tant que sangs purs. 

C'est pourquoi je trouve cette répartition pertinente : Gryffondor, Serdaigle et Poufsouffle définissent la vertu ; Serpentard est là où l'on rejette le vice, pour éviter justement qu'il ne contamine les autres. Par conséquent, il sera plus difficile pour l'être humain de faire preuve de sagesse quand il se trouve dans cette maison : difficile, mais pas impossible, et Rogue en est le parfait exemple. On peut même ajouter que, entouré du vice, il est bien plus méritant que les autres, qui ont eu pour les accompagner les plus vertueux d'entre nous... 
  

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