lundi 19 juillet 2021

Et ils meurent tous les deux à la fin

 

J’ai beaucoup entendu parler de ce livre (merci Bookstagram !) et c’est assez difficile de m'y mettre parce que c'est un livre excellent dont je ne veux dire que du bien, mais il y a tout un aspect qui ne m’a pas plu. Cependant, je ne peux pas vraiment m’en plaindre parce que l’aspect en question est spécifiquement celui qui apparaît non seulement sur la couverture, mais aussi sur la quatrième de couverture : le fameux « Que feriez-vous s’il ne vous restait qu’un jour à vivre ? » et les développements un peu niais à mon goût sur : « il faut faire plein de trucs trop bien pour rien regretter et des expériences et des voyages et la fête etc. » Clairement, même si ce n’est pas mon truc, je pense que beaucoup adoreront cet aspect et ce n’est donc absolument pas quelque chose qu’il faut prendre en compte dans ma chronique. Après tout, ce que je n’ai pas aimé peut être précisément ce qui fera qu’un autre aimera et sur ce point, vu les autres critiques que j’ai lues, je pense que c’est le cas.

 

L’histoire a lieu sur un fond dystopique qui est extrêmement léger : on ne se préoccupe absolument pas de question politique. Par exemple, à aucun moment ne sera posée la question du bienfondé de Death-Cast, cette application qui vous prévient si aujourd’hui, vous allez mourir. Ce n’est pas un problème, je le dis seulement pour éviter que des attentes soient déçues. L’objectif n’est pas de présenter un système politique à renverser mais plutôt de suite intimement deux personnages qui vivent leur Jour Final, Mateo et Rufus. L’absence de révolte contre un système politique participe d’ailleurs à l’originalité du récit, parce que ce n’est pas le modèle le plus en vue actuellement.

 


La première partie tourne surtout autour de la question de savoir comment rendre sa dernière journée plus intense. Ce n’est que plus tard dans le livre qu’on voit apparaître quelque chose qui m’a beaucoup plus intéressée, bien que ce ne soit pas posé explicitement. Même si nous suivons en particulier la journée de Matéo et Rufus, qui se sont rencontrés grâce à l’application « Dernier Ami », qui sert justement à trouver une personne dans le même cas que nous pour partager cette journée, quelques chapitres intercalés parlent d’autres personnages. Certains ont reçu l’alerte, d’autres non. Certains vont mourir aujourd’hui et ne l’acceptent pas, font alors comme si ce n’était pas leur dernier jour ; certains ne vont pas mourir mais voudraient prouver que l’application peut se tromper et se donner la mort. Car le point le plus intéressant du livre est là : d’après ce que les personnages en disent, Death-Cast ne s’est jamais trompé.

 

Si l’on vous dit que vous allez mourir aujourd’hui, c’est que vous allez mourir. Viennent alors toutes sortes de questionnements (dont certains sont posés dans le roman, d’autres sont facilement déduits par le lecteur) : Comment peuvent-ils le savoir ? Est-ce une conclusion tirée d’un enchaînement de causes, comme on prévoirait qu’il va pleuvoir, ou est-ce une sorte de message divin ? Pourquoi, sachant qu’on va mourir, personne n’a jamais réussi à se mettre à l’abri ? Et surtout : est-ce que je serais vraiment mort si on ne m’avait pas dit que j’allais mourir ? Comme plusieurs histoires sont évoquées dans le récit de cette journée, il y a plusieurs hypothèses.  Concernant la dernière question, c’est vraiment une impression que l’on peut avoir grâce à la construction du roman. Plusieurs fois, on a réellement l’impression que c’est le fait de savoir que notre mort arrive qui la provoque.

 

Je ne dirai évidemment pas quelle réponse le livre y apporte, mais il nous plonge dans le problème passionnant qu’on appelle les prophéties auto-réalisatrices. La plus connue est celle d’Œdipe, que je rappelle rapidement : comme il est dit à Laios et Jocaste que leur fils tuerait son père et épouserait sa mère, ils l’abandonnent. Recueilli par un couple, Œdipe grandit en croyant que ce sont ses vrais parents. Lorsqu’il apprend la prophétie dont il est victime, il décide de fuir ses parents adoptifs (qu’il prend pour ses vrais parents) pour empêcher la prophétie de se réaliser. En chemin, il tue un homme (son père) et sauve une ville dont il épouse la reine veuve (sa mère). Il est évident que si ses parents, à l’origine, n’avaient pas connu la prophétie, elle ne se serait jamais réalisée, puisque c’est justement l’ignorance de ses origines qui pousse Œdipe à agir.

 

Je reparlerai bientôt du problèmes de telles prophéties dans un épisode de Geekosophie Magazine. En attendant, bonne lecture !

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