lundi 15 mars 2021

Idée de lecture : l'art

 Bonjour à tous !

Avec un peu de retard, puisqu’il n’y en a pas eu le mois dernier, voilà le nouvel article d’idées de lecture à thèmes.

Celui-là m’a pris du temps, déjà parce qu’il fallait trouver des romans ou nouvelles sur ce thème, ce qui n’est déjà pas évident, et ça l’est d’autant moins que c’est une des notions de philosophie qui m’est totalement insupportable. Je n’aime pas du tout les questions portant sur l’art, questions qui ne m’intéressent pas. Mais du coup, je trouve que c’est important d’avoir des lectures de fiction à proposer, pour pouvoir aborder ces questions en un biais détourné.

La philosophie de l’art est une branche extrêmement vaste et large, autant que la philosophie des sciences ou la philosophie politique. En terminale, où l’on peut parler de beaucoup de choses, on aborde généralement ces aspects :

- L’art et la morale : par exemple, l’art doit-il respecter les valeurs morales ou est-il plutôt fait pour choquer ? Peut-on juger de la valeur esthétique d’une œuvre clairement immorale ?

- L’art et la vérité : l’art apporte-t-il une vérité sur le monde ? Quel genre de vérité ?

- L’art et la beauté : une œuvre d’art est-elle nécessairement belle ? Est-ce son objectif ? Quels critères permettent de définir le beau ?

- L’art et la technique : Quelle différence entre un artiste et un artisan ? Un objet technique peut-il devenir une œuvre d’art ?

Les romans que je propose aujourd’hui interrogent plutôt l’aspect politique et moral (le seul qui m’intéresse un minimum à vrai dire, davantage grâce à la politique qu’à l’art, mais peu importe), à part l’un d’eux.

 


Ma première suggestion n’a pas l’art comme thème principal, mais une réflexion secondaire du livre propose un bon débat sur l’art et la morale. Dans La vérité sur l’affaire Harry Québert, le personnage éponyme est un grand écrivain salué pour un roman perçu par tous comme un chef-d’œuvre, Les Origines du mal. Tout le monde lit Les Origines du mal et prétend que c’est le plus grand roman d’amour jamais écrit. Puis un jour, on découvre que l’histoire décrite est inspirée de la relation qu’a eu l’auteur avec une adolescente de quinze ans. Aussitôt, cette œuvre pourtant artistiquement adulée devient un scandale, un texte qu’il est honteux de lire, même les critiques littéraires reviennent sur leurs précédentes affirmations. Pourtant, l’œuvre est toujours la même. Les qualités littéraires qu’on y avait trouvées n’ont pas disparu. La seule chose qui change, c’est la personne de l’auteur. Un écho très fort à un débat très fort actuellement : peut-on distinguer l’artiste de l’œuvre ? Je ne dis évidemment pas « l’homme de l’artiste », ce qui n’a aucun sens. En revanche, l’œuvre est un objet distinct de l’individu qui l’a écrit. Comment une œuvre dont on connait l’auteur pourrait-elle être moins bonne, artistiquement parlant, que la même œuvre écrite de façon anonyme ?

 


Les deux romans suivants ont en commun d’être des enquêtes policières plongeant dans le monde de l’art. La différence sera que la première est une dystopie espagnole, la deuxième un polar contemporain français. Clara ou la pénombre de Somoza se passe dans un futur proche, où certains individus peuvent avoir comme métier « toile » : un mannequin amélioré, que les artistes peuvent utiliser pour les peindre, puis les exposer en tant qu’œuvres d’art. Une belle illustration du sujet : le corps peut-il être objet d’art ? Corps qui a été représenté dans toutes les formes d’art, mais dont la représentation faisait parfois scandale. C’est la première question que l’on peut se poser dès le début du roman, mais une deuxième réflexion va se construire au fil de l’enquête, car plusieurs « toiles » sont ainsi assassinées dans un projet artistique. Je n’en dis pas plus, et vous laisse découvrir la chute du roman par vous-mêmes.

 


Efface toute trace de François Vallejo (qui malgré son nom à connotation espagnole, est français) présente également une enquête sur une suite d’assassinats qui sont aussi un projet artistique. Ceux qui me suivent sur les réseaux savent que finir ce livre a été une atroce souffrance et que j’ai détesté. Mais ce qui me suivent savent que je passe mon temps à distinguer le goût personnel de la qualité objective d’une œuvre, et je soutiens que c’est un très bon livre (Rappel de mon article sur les « commentaires constructifs » ici : LIEN). Le problème c’est que je n’aime pas (mais alors pas du tout) les polars, et le deuxième problème c’est (comme je l’ai dit au début) que je ne trouve aucun intérêt aux réflexions sur l’art. Donc un polar qui apporte une réflexion extrêmement profonde et poussée sur l’art ne m’a pas plu, ce qui ne m’empêche pas d’affirmer qu’il y a une réflexion très poussée sur l’art (et plus particulièrement l’art contemporain, la possibilité de faire d’un objet quotidien une œuvre, sa valeur marchante, la valeur des copies…)  et qu’il passionnera quiconque s’intéresse au sujet. Dans ce roman, ce sont des collectionneurs qui sont assassinés peu à peu. L’enquêteur est bientôt contacté par le meurtrier lui-même, ce qui permet une construction intéressante de la narration. En parlant de narration, le livre est rédigé sous forme de compte-rendu du narrateur envers ceux qui l’ont engagé pour mener l’enquête, ce qui est très agréable à lire. Et nous retrouvons quelques questionnements qui étaient déjà posés par Somoza. Je me permets un petit extrait : « La mort de cinq hommes, presque six, doit-elle être considérée comme une réussite artistique ? Une œuvre d’art, en général, est-elle acceptable, si elle est homicide ? (…) Tout artiste est-il par principe innocent des catastrophes que son invention est susceptible de provoquer ? »

 


Pour finir, j’avoue avoir moi-même écrit une nouvelle sur l’art, mais « Cendres d’art » interroge plutôt son rôle politique (comme je l’ai dit, le seul qui m’intéresse). Une dystopie dans un monde où l’art (et plus généralement le passé, l’ensemble des monuments historiques ayant également été détruits) n’existe plus. Je ne peux pas être plus précise sans dévoiler, alors je vous invite à la lire car, comme toujours, elle est gratuite au téléchargement.

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