mercredi 4 octobre 2017

Je ne veux pas vivre de ma plume !

Je vais peut-être briser un mythe, et pourtant : tous les gens qui écrivent ne veulent pas devenir « écrivain ». Non, moi je ne veux pas. Et j’ignore pourquoi, c’est difficile à faire comprendre aux autres, encore plus depuis que mes livres se vendent bien, et que mes nouvelles sont téléchargées par milliers. Alors, depuis quelques mois, je subis la répétition incessante des questions : « pourquoi tu n’essaies pas de trouver un vrai éditeur ? Pourquoi tu ne vends pas tes livres plus chers - parce que, avouons-le, ce n’est pas en vendant 49 ct tes livres que tu vas gagner de l’argent – ? Pourquoi est-ce que tes nouvelles sont gratuites, alors qu’il y a plus de 100 téléchargements par mois ? » et la synthèse de tout ça : « Quand même, quand on fait un travail, il faut être récompensé de ce travail ! »
Eh bien je le suis. Je me bats peut-être pour récupérer des commentaires Amazon, mais même ceux qui n’en mettent pas prennent parfois le temps de me dire qu’il ont aimé, ou que ça les a fait réfléchir, qu’ils se sont reconnus ou ont reconnu le monde dans un de mes textes. C’est ma récompense, et elle vaut largement plus que quelques euros, parce qu’elle reflète ma vraie passion, qui n’est pas du tout l’écriture, qui n’est pas non plus la philosophie : c’est l’enseignement.

Alors oui, effectivement, si j’espérais un jour « vivre de ma plume » :
-          Je chercherais un éditeur (inutile de dire « vrai éditeur » : je n’ai pas un faux éditeur, je n’en ai tout simplement pas du tout.)
-          Je vendrais mes livres à plus de 49 ct.
-          Je ferais payer mes nouvelles.
-          J’écrirais de façon régulière et je sortirai un livre par an toujours à la même date, comme les auteurs de bestseller.

Et d’ailleurs, je demanderais aussi des conseils aux lecteurs pour que ce soit plus vendable et que ça plaise plus. Mais si j’ai fui l’édition traditionnelle, c’est justement à cause de ce critère du « plus vendable » au nom duquel on a voulu me faire supprimer toute la philosophie et tous les exercices de styles faits pour encourager la réflexion. Mais le deuxième problème, c’est d’avoir du mal à faire accepter que l’autoédition puisse être un choix. Mais j’adore l’autoédition ! J’aime faire moi-même mes couvertures, mes goodies, mes marque-pages, mes concours, et j’aime surtout qu’on ne me censure pas la fin de La Loi de Gaia pour que ce soit plus plaisant sans comprendre que cette fin devait faire ressentir le tragique du destin, l’enfermement, et oui, mettre mal-à-l’aise.

Je vais quand même faire une confidence : quand j’avais 10 ans, je voulais être écrivain. Je vais peut-être maintenant vous surprendre, mais entre quand j’avais 10 ans et maintenant, ma perception du monde a un peu changé. A 10 ans j’étais solitaire et toujours dans mon coin. Ecrivain ? Le métier rêvé : toute la journée devant mon ordinateur, dans une pièce, enfermée, là où je serais seule avec mes personnages. A présent, quand j’imagine ce tableau, l’angoisse se lit dans mes yeux : je ne supporte pas d’être toute seule chez moi, j’ai besoin de voir des gens, d’être devant un public, même un public qui ne m’écoute pas comme mes élèves (qui sont merveilleux et que j’adore et qui ne doivent surtout pas changer, bisous !). J’aurais pu être comédienne, avocate, flic, pompier, n’importe quoi du moment que je suis au contact des autres. Mais surtout prof : parce que c’est là que je me sens utile. En étant avocate aussi je me serais sans doute sentie utile, et c’est un métier que j’aurais adoré. Pompier, comme mon super petit frère, aussi. Mais, par pitié, pas écrivain ! Alors s’il vous plait, arrêtez de me donner des conseils pour que je puisse un jour « vivre de ma plume », parce que je crois que je finirais par mourir d’ennui, comme pendant les vacances, une fois que les trois premières jours sont passés et que j’ai fini de me reposer. D’ailleurs, pour écrire, je vais plutôt dans un café ou au bar, mais je reste difficilement devant mon bureau. Ou alors, il faut la télé, ou la musique. N’importe quoi, du moment que je ne suis pas concentrée dans le silence. De toute façon, je serais incapable d’écrire quoi que ce soit dans ces conditions : j’aime trop le bruit et la ville.

Souhaitez-moi quelque chose d’autre : souhaitez-moi qu’un jour, un élève vienne me dire « j’ai enfin compris le cours sur Sartre, grâce à Masques ! » Et là, j’aurai vraiment réussi ma vie, même si ça n’arrive qu’une fois. Arrêtez de me souhaiter de pouvoir vivre de ma passion : je vis déjà de ma passion, c'est l'enseignement. L'écriture est un passe-temps, j'écris comme je regarde le foot ou comme je lis un roman ; et il ne vous viendrait à l'idée de vivre ni de l'un ni de l'autre, alors pourquoi écrire oui ? Pourquoi une passion est-elle forcément artistique ? 

Je suis prof de philo, et je ne suis pas écrivain.

2 commentaires:

  1. Très bel article ! C'est vrai qu'il faut apprendre à faire la part des choses et ne pas toujours faire les choses pour l'argent !

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  2. Bonjour, votre article me parle ! Je suis moi-même psychiatre et auteur independant par passion "à côté". Ne pas avoir de contraintes financière permet justement de conserver la pleine dimension artistique...

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