Merci pour votre fidélité, et pour votre curiosité ! Après avoir analysé les méchants des trois premières saisons de Buffy, dans l'article précédent, nous allons poursuivre avec la saison 4.
Avant tout, petit rappel de la
liste des méchants et de ce qu’ils représentent : 1 – Le Maître (la
cruauté) ; 2 – Angel (la passion) ; 3 – Faith (l’abandon de la
raison) ; 4 – Adam (le progrès technique) ; 5 – Gloria (la
religion) ; 6 – Warren (l’être humain) ; 7 La Force (le mal)
Je ferai un article plus précis
sur la saison 4, qui propose une opposition classique et néanmoins intéressante
entre la technique et la nature. Concentrons-nous sur Adam, la création
humaine, la machine. Créé par l’Initiative, au physique proche des
représentations cinématographiques du monstre de Frankenstein, Adam est sans
aucun doute la métaphore de l’objet technique qui dépasse son créateur et sort
de son contrôle. Dans le monde des adultes, le premier danger auquel nous
sommes confrontés est celui-ci : croire que l’on peut garder la maîtrise
de toutes nos inventions techniques. Ce thème est classique en
science-fiction : les robots qui prennent le contrôle et soumettent
l’homme en sont un élément récurrent. Bergson utilise une image pour expliquer
ce risque propre à la technique. Chaque objet technique est un prolongement du
corps : cette thèse était déjà proposé, dans l’antiquité, par Aristote.
Comme l’homme, dans la nature, est faible, il doit inventer de quoi se
défendre : un couteau prolonge le bras humain, en lui donnant de quoi se
battre ou découper sa nourriture, remplaçant crocs et griffes. La canne à pêche
prolonge le bras et le doigt, trop court pour attraper des poissons dans l’eau.
L’ordinateur prolonge la mémoire et l’intelligence. A chaque nouvelle
invention, notre corps grandit. Mais, remarque Bergson, dans ce corps démesuré,
l’âme est toujours aussi petite, et peine à tout contrôler. Il faut donc, avant
chaque nouvelle invention, réfléchir à ce dont elle va servir, à l’usage qu’on
va en faire, aux limites à lui imposer : telle est la seule façon de ne
jamais se laisser dépasser par la technique.
La Déesse Gloria, saison 5 |
Les trois premières saisons
déclinent la passion sous différentes formes ; la saison 4, centrale, pose
le danger de la technique. Les trois dernières saisons sont celles où règnent
pleinement les mythes, la magie, la religion. Willow devient une sorcière
puissante aux côté de Tara ; Buffy en apprend plus sur le mythe de la
Tueuse, ses interactions avec le Conseil sont plus fréquentes ; le premier
antagoniste qu’elle rencontre dans cette dernière partie de la série est la
déesse Gloria. La présence de Gloria, au-dessus des autres méchants,
l’invincible déesse, n’est pas surprenante ni mystérieuse : s’il y a une
chose qui semble être plus dangereuse que les passions, plus dangereuse que les
monstres, plus dangereuse que la technique, c’est la religion. La religion,
source de génocides, de persécutions, de fanatisme. La saison 5 aurait dû être
la dernière, et poser la croyance religieuse comme ce qui amène aux plus graves
actions. Et pourtant il y a eu une saison 6. Dans la saison 6, le méchant est
Warren. Warren est un homme. Un être humain ordinaire, avec ses désirs, ses
passions, son intelligence et ses croyances. Avoir mis l’homme au-dessus du
dieu, c’est une façon de dire que ce n’est pas la religion qui est un
mal : c’est l’interprétation que l’homme en fait. Est-ce la faute de Dieu
si les croisades, le terrorisme, l’Inquisition ont fait des morts ? La
religion est-elle ce que nous devons rejeter, ou n’est-ce pas le fait des
hommes, qui l’ont utilisée pour justifier leur propre barbarie ? Un mythe
grec, raconté entre autres par Euripide dans la pièce Iphigénie en Tauride,
dénonce de telles utilisations de la religion à des fins de puissance. En
Tauride, un rituel religieux demande de sacrifier tous les étrangers qui
arrivent sur cette terre. C’est le sort qui attend Oreste, le célèbre frère
d’Iphigénie, poursuivi pour avoir tué sa mère. D’abord en colère contre le dieu
qui a ordonné ce rituel, Iphigénie, prêtresse de Tauride, comprend que le dieu
n’y est pour rien : c’est le roi de Tauride qui le prend comme prétexte
pour justifier son rituel barbare, et assurer sa puissance, en empêchant tout
étranger de venir remettre son pouvoir en question.
C’est donc l’être humain
ordinaire, au travers de Warren, qui est le plus grand danger. Warren n’est pas
plus un « monstre » (au sens défini dans l’analyse du Maître) que ne
le sont Angel et Faith. Au début, il n’est rien d’autre qu’un adolescent
frustré, qui fabrique un robot pour assouvir ses désirs sexuels, puis tombe
amoureux et subit un rejet. Il cherche à gagner de l’importance, à gagner du
pouvoir, et sa quête du pouvoir le conduit à tuer et à devenir le monstre cruel
qui nous apparaît à la fin de la saison. Toute cette progression nous amène à
la Force, le mal incarné. Le mal qui s’insinuait dans tous les méchants précédents,
et qui est le total de ces derniers. La première fois que la Force apparaît
dans la saison 7, c’est de cette façon : en prenant successivement la
forme de tous les méchants précédemment analysés. Le mal n’est pas le fait
d’êtres isolés, d’êtres exceptionnels et supérieurs : il est en chacun de
nous.
Nous en avons terminé avec les
méchants, et la prochaine fois, nous passerons à l’analyse de deux nouveaux
personnages. Qui donc ? Ce sera la surprise, alors on se retrouve le 1er
décembre !
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