jeudi 30 juillet 2020

Sohane l'insoumise, culture et religion


Pour changer un peu, je vais présenter un livre qui s’adresse à un autre public que celui que je vise habituellement. Sohane l’insoumise d’Eric Simard est un petit roman de science-fiction / aventures que je recommanderai plutôt à des collégiens (on peut aller jusqu’à 16-17 ans, au-delà je pense qu’il y a plus intéressant). Comme souvent, je l’ai trouvé dans une boite à livres, je l’ai lu comme ça, par hasard, et alors que la lecture m’a plutôt ennuyée, depuis que je l’ai refermé, je n’arrête pas d’y penser. La narration trop rapide pour moi, qui aime quand ça prend du temps, referme en réalité une quantité étonnantes de questionnements sur des sujets très profonds, tournant autour de la culture et de la religion.

Au départ, j’étais plutôt inquiète, un titre et  un résumé me faisait craindre un récit assez caricatural, mais ce n’est pas le cas. Au départ, nous trouvons Sohane, une femme originaire de la planète Kerphall, appartenant à un extrémiste qui est chargé de la « rééduquer » : sur cette planète, les femmes sont inférieures et esclaves. C’est de façon assez ironique qu’un homme, un sauveur vient la tirer des griffes de ce monstre misogyne et intolérant : ironique, car le sauveur n’est pas un grand défenseur des droits des femmes. Au contraire, c’est un « modéré » : il n’approuve pas la torture, mais possède trois femmes qui le servent et font ses tâches ménagères. Alors qu’il part pour une expédition vers d’autres planètes, Sohane s’invite sur sa navette, et ils vont tous les deux traverser des peuples aux traditions très différentes des leurs.

Deux thèmes majeurs vont revenir et être interrogés lors de leur visite d’autres cultures : le lien entre hommes et femmes, et la religion. Dans cette sorte de réécriture jeunesse et SF des textes de la renaissances (type Lettres persanes, Supplément au voyage de Bougainville…), Sohane et son compagnon Elam, en rencontrant l’Autre, vont être amenés à réinterrogés leurs propres traditions. Si au départ, pour Elam, il serait inconcevable que la femme ne soit pas soumise à l’homme (bien qu’il se refuse à les faire souffrir), il va rencontrer une tribu dirigée uniquement par des femmes, une autres où l’égalité est dans l’ordre des choses. Mais en arrière-plan, c’est la religion qui est questionnée. La religion devient tantôt un prétexte pour asseoir l’autorité de certains, tantôt la justification de sacrifice humain, tantôt une véritable aide dans la quête de soi et de l’harmonie.

Si la narration, l’histoire et le langage sembleront peut-être trop faciles pour des lecteurs habitués à autre chose, je le recommande toutefois vivement à tous les adolescents entre 12 et 16 ans. le roman est plutôt court (moins de 200 pages), de quoi motiver les plus inquiets ! L’aventure leur sera agréable à suivre, et la prise de conscience des personnages sur leurs préjugés leur sera tout aussi bénéfique.

mercredi 8 juillet 2020

La pop-psy, miroir de la pop-philo


Maintenant que je me suis reconvertie en auteur de pop-philo, après avoir laissé de côté des romans, c’est un plaisir de trouver le même genre d’initiatives dans d’autres domaines d’étude. En particulier, le super Pop&Psy de Jean-Victor Blanc, qui m’a beaucoup appris, et m’a donné une idée de l’utilité que peuvent avoir de tels livres de vulgarisation quand on y connaît pas grand-chose.



L’objectif principal du livre est de contrer les préjugés les plus ancrés au sujet des troubles psychiques et de l’exercice de la psychiatrie. Je ne dirai pas que ça fonctionne, car malheureusement il ne suffit pas de quelques discours pour détruire un préjugé : par définition, le pré-jugé n’est pas un jugement, c’est avant même le jugement. Mais à défaut de marcher, je pense que c’est un excellent livre pour ceux qui n’oseraient pas se poser la question de leurs troubles, par peur du jugement des autres.



Beaucoup de sujets sont abordés, qui résonneront certainement pour ceux qui auraient été atteints de tels troubles psychiques, qu’ils s’en soient sortis ou non. La peur des psychiatres, d’être catégorisé comme « fou » si on va les voir ; les discours dévastateurs contre la dépression, de ceux qui ne font pas la différence entre un « coup de mou » et un véritable trouble mental qui paralyse complètement le patient et l’empêche d’agir ; les rejets des soins même, de l’antidépresseur à l’ETC. Et le pire de tous peut-être, les troubles apparaissant à l’adolescence, souvent mis par les parents et l’entourage sur le compte de la « crise d’ados », la peur de la part des parents d’être stigmatisés comme « mauvais parent n’ayant pas réussi à rendre heureux ses enfants » s’ils osaient l’amener chez un psychiatre, ou même juste un psychologue (j’ai connu ça ! et je n’ai jamais vu le moindre psychologue quand j’étais ado^^)



Tout est clairement expliqué, sûrement parfois simplifié, mais je pense que ce livre donne une bonne vue d’ensemble sur les troubles les plus fréquents. Et oui, après ça, je serai moins tentée d’utiliser à tort les termes de « bipolaire », « schizophrène », ou « dépressif »… quoi que ce dernier, je ne l’ai jamais utilisé d’une telle manière. Et comme le dit l’auteur, si les discours ne sont probablement pas très efficace pour éradiquer les préjugés, peut-être que l’art l’est : après tout, c’est par le cinéma et la littérature qu’on soulève le mieux les problèmes de discrimination.

lundi 6 juillet 2020

Hansel et Gretel – Un conte (injustement) interdit


Alors que ma première lecture d’un « conte interdit » fut hasardeuse, j’en entends de plus en plus parler, avec des avis très divergents, adorateurs de l’horreur d’un côté, surpris de l’autre. Pourtant, c’est bien écrit sur les exemplaires : pour public averti, interdit aux moins de 18 ans. Après ma première expérience (qui était la réécriture très gore de raiponce), j’avoue que je craignais un peu d’y retourner. Je craignais d’autant plus de lire celui-ci en particulier, Hansel et Gretel, que j’ai eu une chance inouïe de trouver d’occasion chez un bouquiniste.

Pourquoi inouïe ? Parce que ce livre n’est plus en vente : il a été censuré. Oui, la censure existe encore, et l’auteur est en procès. Mais pourquoi ? Un livre d’horreur, un livre gore n’est pas un crime. Il y a pourtant quelque chose qui a dérangé. Voilà ce que je savais avant de lire Hansel et Gretel : « des scènes de pédophilie explicites » Voici donc ce qui n’a même pas le droit d’exister en littérature. Et qui justifie un procès !



Comme plusieurs autres auteurs avant moi, des auteurs sans doute bien plus influents mais peu importe, c’est l’intention qui compte, je vais défendre l’auteur. D’un côté, je l’ai toujours défendu : à aucun moment je n’ai imaginé qu’un procès puisse être justifié dans cette situation. Dans le doute, j’ai quand même préféré lire le livre entier avant de me prononcer.



Reprenons depuis le début avec un résumé. En rentrant un soir, Alice découvre son compagnon en train de violer sa fille Margot. Après l’avoir agressé et laissé pour mort, elle fuit avec Margot et son frère jumeau Jeannot. Malheureusement, cette fuite les mène tout droit vers une secte satanique qui a trouvé refuge dans une église. Le prêtre de cette église, après s’être débarrassé de la mère, enlève les jumeaux qu’il croit être les élus d’une prophétie censée amener l’antéchrist sur Terre.



Voilà. Comme vous le constater, une histoire bien glauque. Mais c’est quand même un livre d’horreur. Et malheureusement, bien trop réaliste. Oui, le livre est atroce. Mais la pédophilie est atroce, et elle existe. Les sectes existent aussi, malheureusement, les viols, l’inceste, les sacrifices d’animaux totalement inutiles… et même si ça peut choquer, je ne vois pas pourquoi il ne faudrait pas en parler. Quant aux « scènes pédophiles explicites », soyons clairs : il n’y en a qu’une, les autres sont sous ellipse. Or, si la toute première est effectivement explicite, ce procédé me semble tout à fait justifié : la mère entre dans la chambre, elle voit le spectacle horrible qui est décrit, et n’arrive plus ni à réagir, ni à détourner les yeux pendant un moment. Elle nous entraîne dans ce qu’elle voit, par cette description précise, insupportable, et qui rend effectivement mal-à-l’aise. Mais grâce à ce malaise, je trouve que nous vivons bien la réaction d’une mère qui voit son enfant se faire abuser.



Polémique mise à part, j’ai bien aimé ce livre. Un côté trop réaliste, et en même temps légèrement fantastique, quelques références à d’autres contes insérées de temps en temps, et une détresse vraiment bien mise en scène. Le texte est, en outre, très bien écrit. Malheureusement pour ceux que ça intéresserait, il sera dur à trouver (400 euros les versions d’occasion sur Amazon !) J’espère néanmoins de tout cœur que l’auteur s’en sortira et que le livre paraîtra de nouveau.