tag:blogger.com,1999:blog-84832145277440585052024-03-19T11:16:59.832+01:00Caroline GiraudRomancière • Blog officiel
Carolinehttp://www.blogger.com/profile/04668068891769603817noreply@blogger.comBlogger119125tag:blogger.com,1999:blog-8483214527744058505.post-16050080876610824622022-06-25T16:59:00.003+02:002023-01-03T19:41:30.026+01:00Combien d’heures travaillent vraiment les profs ?<p> </p><p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt;">Hello
tout le monde !<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt;">Après
une année entière d’enquête (c’est-à-dire de comptage rigoureux et
systématique de mes heures de travail), je vais faire un petit article pour répondre
à cette grande question : combien d’heures par semaine travaille un
prof ?<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt;">Je
sais que tout ce que vous allez voir dans cet article, c’est combien, <i>moi</i>,
j’ai travaillé d’heures par semaine. Je sais bien qu’un exemple particulier
n’est pas une preuve de quoi que ce soit. Mais ça peut quand même vous donner
une petite idée. Je ne pense pas être un prof spécial ou exceptionnel, mais un
prof comme les autres, donc ça a quand même un sens. <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt;">Je
vais donc préciser quelques points qui me font penser que je suis bien un cas
« moyen » :<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt;">-
J’ai une matière qui demande beaucoup de préparations et de corrections.
Forcément, en philosophie, les copies sont très longues. On peut avoir beaucoup
de classes puisque le maximum d’heures sur une classe est de 4 (donc au mieux,
on a 4 classes pour un agrégé, 5 pour un certifié). Si on compare avec une
matière comme les maths où on peut avoir la même classe 6h par semaine, c’est
possible de n’avoir que 3 classes pour un certifié, même si bien sûr, c’est
rare : c’est un minimum). En l’occurrence, pour l’année où j’ai compté mes
heures, j’avais 6 classes.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt;">-
Pour contrebalancer ça, il faut savoir que je suis quelqu’un d’extrêmement
efficace. Je suis très organisée (je n’ai pas peur de dire que je suis névrosée
de l’organisation) et très rapide en ce qui concerne les corrections. Pour
prendre un exemple simple, lors des corrections du bac, je vois des collègues
peiner à finir en une semaine, alors que j’ai déjà tout fait en 3 jours. J’ai
donc besoin de peu de temps pour faire le même travail que quelqu’un qui en
prendrait beaucoup plus. <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt;">-
Je n’avais aucune heure supplémentaire cette année. Donc sachant que les heures
que je vous présente sont pour 18h de cours effectifs, vous imaginez ceux qui
se trimballent 21h de cours par semaine (sachant qu’on peut nous imposer deux
heures supplémentaires, donc ce n’est pas forcément un choix qu’il conviendrait
d’assumer…)<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt;">-
L’écrasante majorité de mes cours ont été faits pendant les vacances d’été
(c’est-à-dire : tous les cours pour le tronc commun étaient prêts, je n’ai
rajouté que les exercices méthodologiques ponctuels et les sujets de
devoir ; je n’avais aucune spécialité, donc pas de nouveau programme à
faire dans l’urgence), ce qui signifie que j’avais nettement moins de choses à
faire qu’un professeur découvrant ses classes la veille de la rentrée et
n’ayant rien pu préparer avant. <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt;">-
Enfin, ne croyez pas que je passe ma vie à travailler. J’ai beaucoup, beaucoup
d’occupations et de projets : je fais en moyenne 6h de sport par semaine,
j’écris des livres, je fais des podcasts et des vidéos et je prends des cours
de maths et de physique-chimie. J’ai aussi un blog et un bookstagram grâce auxquels vous pouvez
constater que je lis beaucoup. N’imaginez donc pas que je représenterais un
prof qui se consacre entièrement à son boulot, comme il en existe.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt;">Je
vais d’ailleurs préciser ce que j’ai compté comme « heures de
travail » :<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt;">-
Les heures de cours<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt;">-
Les heures de correction<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt;">-
Les heures de préparation<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt;">-
Les heures de photocopies, mails, réunions et autres tâches administratives (et
il y en a beaucoup plus que je l’aurais cru avant de commencer à
compter !)<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt;">Je
n’ai donc pas compté, même si certains collègues avec qui j’ai discuté
considéraient que ça faisait bien partie, en quelque sorte, de mon
travail :<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt;">-
La création des podcasts qui, même s’ils sont faits à destination des lycéens
et en fonction du programme scolaire, n’étaient pas directement reliés à ce que
je fais en cours.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt;">-
Mes recherches pour les livres de pop-philo, pour les mêmes raisons.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt;">-
Les vidéos de révision faites sur Tiktok pendant le mois avant le bac, bien que
la plupart de mes propres élèves aient utilisé ce moyen de révision.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt;">-
Toutes mes heures de lectures « philosophiques. » Je me suis forcée
pendant toute l’année à lire une demi-heure par jour un livre de philosophie,
pour deux raisons : compléter ma culture personnelle, et trouver
d’éventuels textes un peu plus originaux que les grands classiques à faire en
cours. C’était donc en partie dirigé vers le travail, mais ce n’est pas
comptabilisé dans les heures parce que je pars du principe que je le faisais
plus pour moi.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt;">En
revanche, quand je trouvais un texte et que je prenais le temps de le recopier
à l’ordinateur pour faire un stock, j’ai bien compté le temps que ça prenait. <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt;">Les
heures ont été comptées de mi-septembre (je n’ai pas eu l’idée de le faire tout
de suite) jusqu’à mi-juin. Je n’ai pas compté mes heures de correction de bac
ni la préparation que je vais faire pour l’année prochaine (où, cette<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>fois, j’aurai la classe de spécialité, ça
veut dire un nouveau programme entier à préparer pendant l’été, en plus des
modifications à apporter à ceux du tronc commun). <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt;">Voilà
donc la moyenne du nombre d’heures par semaine dans les périodes de cours :
34h<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt;">Pendant
les vacances scolaires : 14h30 <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt;">En
fait, je trouve ça assez drôle que ce que les gens imaginent qu’un agrégé fait
chaque semaine, c’est ce que j’ai effectivement fait pendant les vacances. Bon,
je n’étais pas à 35h quand même, c’est vrai, mais j’ai aussi discuté avec des
gens qui faisaient d’autres métiers. Précisément, je leur ai demandé d’estimer
le nombre d’heures par semaine passé en pause, ou sur les réseaux sociaux, etc.
Parce que les heures que j’ai comptées de mon côté sont bien des heures de
travail effectif, si je traînais une demi-heure sur Twitter je n’ai pas compté
l’heure. Et en fin de compte, on est pas si loin que ça.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt;">La
semaine où j’ai le moins travaillé est la semaine avant les vacances de la
Toussaint (27h45) et ça correspond à une semaine où j’étais très fatiguée et où
j’ai repoussé la plupart des choses à faire à la semaine de vacances, donc une
semaine où j’ai activement essayé d’en faire le moins possible. La pire semaine
(39h40), c’était à la rentrée des vacances d’hiver, où j’étais partie quelques
jours en séjour à Paris, donc j’ai pris du retard.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt;">Voilà,
tout est dit. J’ai eu un peu la flemme de faire cet article qui en plus n’est
pas une étude sociologique mais juste mon cas personnel, mais après avoir passé
un an à compter toutes mes heures, je n’ai pas voulu effacer mon fichier sans en
faire quelque chose. L’année dernière, j’ai demandé un temps partiel pour mener
mes autres projets, donc ce ne sera plus le moment de compter des heures. C’était
l’occasion où jamais. Je ne sais pas ce que vous aller faire de ces infos, mais
j’espère que ça vous aura quand même intéressés !<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt;"><o:p> PS : Les vacances d'été étant presque finies, j'ajoute que je me suis imposée 3h de préparation de cours par jour en semaine, donc 3*5=15h, plus une ou deux heures le samedi ou le dimanche de temps en temps, on va donc dire 16h de moyenne. Je n'ai pris que dix jours de vacances sur le mois et demi d'été. Voilà !</o:p></span></p>Carolinehttp://www.blogger.com/profile/04668068891769603817noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8483214527744058505.post-46117548788597336372022-05-29T13:48:00.001+02:002022-05-29T13:48:29.368+02:00Metz'Torii ! (2 jours de tentation)<p> Hello ! Une semaine après ma première intervention à la Metz'Torii (une semaine malade ! C'est ça le retour à la sociabilisation) voilà un petit compte-rendu.</p><p></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhDQZBjpLPf40rkXvpkvkX4zM__A8s3tWjDSTqDPV0XUsa7bCUs3ngqs-iMd9ePIJHBGxMzqmJ7gH_kg_CH5PLBpMA8MBTEVsl1DgyUzqx7Sb3oe6c4xZAbw7bdx4B4fjkxa9h-ZEt1WJ0PPPaCwZedI8vuKgLxS29rDsSwFBHeN7XedJ6066AYgT-H4w/s4608/pub%20pikachu.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="3456" data-original-width="4608" height="240" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhDQZBjpLPf40rkXvpkvkX4zM__A8s3tWjDSTqDPV0XUsa7bCUs3ngqs-iMd9ePIJHBGxMzqmJ7gH_kg_CH5PLBpMA8MBTEVsl1DgyUzqx7Sb3oe6c4xZAbw7bdx4B4fjkxa9h-ZEt1WJ0PPPaCwZedI8vuKgLxS29rDsSwFBHeN7XedJ6066AYgT-H4w/s320/pub%20pikachu.JPG" width="320" /></a></div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><br /></div>J'étais invitée par la librairie Momie, spécialisée dans les BD et qui se trouve à Metz (allez-y tous !) pour d'une part dédicacer mes livres de pop'philo sur Pokémon, Death Note et Disney, mais aussi pour faire une conférence sur le sujet : La société serait-elle meilleure si le souverain possédait le Death Note ?<p></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEitOonRYJWO6u7ysCsEen1EiHmjYAaVazdKqeVrIqn6LzEbsVl84_bt9S1MnMBsTUZnu8yKPEyOOh9WBkQ4bPohKWCV_rwj_i2NkW_pLzA8O3VZfDcD8RM7sSj1UAb7il85fFXZu_5IIlZd_VlfcIeHnl4k27ktruE-znXBgr2myaAdnbUPDiVWgZS0Cw/s4608/conf%202.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="3456" data-original-width="4608" height="240" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEitOonRYJWO6u7ysCsEen1EiHmjYAaVazdKqeVrIqn6LzEbsVl84_bt9S1MnMBsTUZnu8yKPEyOOh9WBkQ4bPohKWCV_rwj_i2NkW_pLzA8O3VZfDcD8RM7sSj1UAb7il85fFXZu_5IIlZd_VlfcIeHnl4k27ktruE-znXBgr2myaAdnbUPDiVWgZS0Cw/s320/conf%202.JPG" width="320" /></a></div><br /><p><br /></p><p>Si vous voulez entendre cette conférence, j'en ai fait une vidéo sur Geekosophie Magazine, donc vous pouvez la voir, <a href="https://youtu.be/cK6G9gqQs-A">juste là</a> :</p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><iframe allowfullscreen="" class="BLOG_video_class" height="266" src="https://www.youtube.com/embed/cK6G9gqQs-A" width="320" youtube-src-id="cK6G9gqQs-A"></iframe></div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><br /></div><div class="separator" style="clear: both; text-align: justify;">J'ai réussi l'exploit assez incroyable de repartir avec plus d'argent que j'en avais en arrivant. Ce qui n'était vraiment pas gagne vu qu'on m'avait positionnée juste en face d'un énorme stand de peluche Pokémon (d'ailleurs, j'en ai quand même ramené deux...) Sans trop de surprise, le livre que j'ai le plus vendu est celui sur Death Note (normal après la conférence), suivi de Pikachu. C'est la première fois que Disney arrive en dernier, mais ce n'était pas vraiment l'ambiance.</div><div class="separator" style="clear: both; text-align: justify;"><br /></div><div class="separator" style="clear: both; text-align: justify;">J'ai hâte d'y retourner l'année prochaine pour une conférence, cette fois... sur Pokémon, pourquoi pas ?</div><div class="separator" style="clear: both; text-align: justify;"><br /></div><br /><div class="separator" style="clear: both; text-align: justify;"><br /></div><br /><p><br /></p>Carolinehttp://www.blogger.com/profile/04668068891769603817noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8483214527744058505.post-48746609798207613772022-04-02T18:19:00.003+02:002022-04-02T18:19:52.584+02:00Le racisme est-il une opinion ? (titre putaclic, je parle surtout d’opinions)<p> <span style="font-size: 12pt; text-align: justify;">Je
vois régulièrement, sur les réseaux sociaux, cette phrase lancée en réponse à
ceux qui font des remarques ouvertement racistes : « </span><i style="font-size: 12pt; text-align: justify;">Le racisme n’est
pas une opinion, c’est un délit !</i><span style="font-size: 12pt; text-align: justify;"> » J’avais envie de faire un
article au sujet de cette phrase depuis pas mal de temps, sans jamais oser
vraiment, car certains sujets sont malheureusement trop chargés
émotionnellement pour qu’on puisse en parler calmement sans entrer aussitôt
dans des réponses enflammées. En fait, je ne vais pas vraiment parler de
racisme : je voulais surtout profiter de ce phénomène pour interroger la
notion d’opinion. Je sais aussi que cette précision sera inutile, que certains
liront de travers et s’empresseront de conclure que je défends le racisme. Ce n’est
pas le cas, parce que je ne vais même pas en parler, le but de mon article est
surtout d’expliquer ce qu’est une « opinion ».</span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">En
effet, cette réponse souvent faite pour reprocher l’étalage de propos racistes
sur les réseaux (reproche que je soutiens évidemment) me semble découler d’un
raisonnement fallacieux. Concrètement : vous avez sans doute raison de ne
pas accepter que des individus tiennent publiquement des propos racistes, mais
la justification selon laquelle « ce n’est pas une opinion » me
semble erronée. C’est pourquoi je reviens aujourd’hui sur la notion d’opinion :
parce que la mécompréhension de cette notion est à l’origine d’un mauvais raisonnement,
et que la philosophie présente dans toutes les classes de terminale a justement
pour but d’apprendre à reconnaître un raisonnement fallacieux d’un bon
raisonnement, alors c’est une bonne occasion de prendre un exemple.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">Malgré
mon titre putaclic, je le répète donc : je ne vais pas parler de racisme,
ce n’est pas mon sujet.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">Quand
une personne, certainement bien intentionnée, dit que « le racisme n’est
pas une opinion, c’est un délit », il me semble qu’elle fait (pas
forcément consciemment) le raisonnement suivant :<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">Prémisse
1 : Avoir des opinions, c’est bien<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">Prémisse
2 : Le racisme, c’est mal<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">Conclusion :
Donc le racisme n’est pas une opinion<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">Ce
raisonnement est parfaitement valide. Quand on parle de démonstration <i>valide</i>
en logique et en philosophie, on veut dire qu’il n’y a aucune erreur de
raisonnement dans la démonstration. Les deux premières propositions débouchent <i>nécessairement
</i>sur la troisième. Pourquoi ? Parce que, par définition, le « bien »
est le contraire du « mal », <i>qu’une chose ne peut pas être et ne
pas être dans le même temps et sous le même rapport</i> (il s’agit du principe
de non-contradiction, que vous trouverez notamment chez Aristote), donc le
racisme ne peut pas être à la fois bien et mal. S’il était une opinion, d’après
la prémisse 1, il serait bien. Mais d’après la prémisse 2, il est mal :
donc le racisme n’est pas une opinion.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">Puisque
ce raisonnement est valide, en quoi, me direz-vous, la conclusion me
pose-t-elle un problème ? Il faut savoir que la validité d’un raisonnement
ne garantit nullement sa vérité. Je vais prendre un exemple simple et évident :<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">La
Terre est une crêpe<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">Les
crêpes sont plates<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">Donc
la Terre est plate<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">Ce
raisonnement est tout aussi valide que le premier : il ne contient aucune
erreur logique et la conclusion découle bien des deux prémisses. Le problème,
vous l’avez sûrement tous compris, c’est que la prémisse « La Terre est
une crêpe » est fausse : ce qui amène à une conclusion fausse. De la
même façon, je pense que l’une des prémisses du raisonnement précédent est
fausse, ou du moins très discutable : <i>« avoir des opinions, c’est
bien »</i>. Etant donné qu’une prémisse fausse, avec un raisonnement
valide, amènera probablement à une conclusion tout aussi fausse (même si ce n’est
pas nécessaire, mais je ne développerai pas ce point ici), pour qu’un
raisonnement soit bon, il faut s’assurer que les prémisses soient vraies. Or,
le fait que les opinions soient quelque chose de bien n’est ni évident, ni
démontré par ceux qui produisent ce type de raisonnement. D’où la question que je
veux poser aujourd’hui : une opinion est-elle forcément bonne ? <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">Avant
d’y répondre, je voudrais proposer deux autres raisonnements qui peuvent
conduire à la conclusion que le racisme n’est pas une opinion, et montrer
rapidement quels sont les problèmes :<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><u><span style="font-size: 12.0pt;">Raisonnement 1 :<o:p></o:p></span></u></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">On
a le droit d’avoir des opinions<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">On
n’a pas le droit d’être raciste<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">Donc
le racisme n’est pas une opinion<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">Il
y a quelque chose qui me semble poser problème et c’est la deuxième prémisse :
dans l’absolu, vous avez le droit <i>« d’être »</i> raciste, au sens
où de toute façon, on ne pourra pas vous contraindre à ne pas l’être : le
droit ne peux pas contraindre votre pensée. En revanche, ce que vous n’avez pas
le droit de faire, c’est <i>d’exprimer </i>votre racisme. On peut donc en
arriver au raisonnement suivant :<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><u><span style="font-size: 12.0pt;">Raisonnement 2 :<o:p></o:p></span></u></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">Selon
la liberté d’expression, on a le droit d’exprimer n’importe quelle opinion<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">On
n’a pas le droit d’exprimer un propos raciste<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">Donc
le racisme n’est pas une opinion<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">Ce
qui me semble très tiré par les cheveux ici, c’est que j’ai dû, assez artificiellement,
remplacer « opinion » par « propos » dans ma deuxième
prémisse, pour éviter la contradiction entre « <i>on a le droit d’exprimer
n’importe quelle opinion</i> » et « <i>on n’a pas le droit d’exprimer
une opinion raciste</i> » et ainsi garder un raisonnement valide. Mais est-ce
qu’il y a vraiment une différence entre une opinion formulée et un « propos » ?
Il me semble que la contradiction est toujours là ; tout simplement parce
que la prémisse « on a le droit d’exprimer n’importe quelle opinion »
est fausse : vous n’avez justement pas le droit d’exprimer une opinion
raciste. <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">J’en
arrive donc bien à la conclusion qu’il existe des « opinions racistes »
et donc, si le racisme est mal, toutes les opinions ne sont pas bonnes. Ce que
je dis là n’a rien d’exceptionnel. En fait, historiquement, « l’opinion »
est ce dont il faut se débarrasser quand on cherche à établir un discours vrai.
Dès l’origine de la philosophie (et donc de la science, puisque la distinction
entre les deux n’existe pas dans l’Antiquité), Platon explique clairement que sa
pratique consiste à dépasser l’opinion pour établir la vérité. Voilà comment on
peut définir simplement (mais précisément) l’opinion : il s’agit d’un
avis, un jugement porté sur un sujet, et qui dépend de notre système de
valeurs. Une opinion est donc par définition <i>subjective</i> et elle dépend
de celui qui l’énonce : c’est pourquoi tout le monde n’a pas la même
opinion sur les choses et que les opinions peuvent être en conflit. C’est
justement pour dépasser ce conflit et se mettre d’accord qu’il faut rechercher
la vérité. A aucun moment il n’y a l’idée qu’il serait noble d’avoir des
opinions : au contraire, le stade de l’opinion est celui qu’il faut
dépasser. Définie ainsi, je vois mal comment on peut défendre que le racisme n’est
pas une opinion : si vous êtes de l’avis que « certaines races sont
supérieures à d’autres », c’est bien un jugement porté sur quelque chose.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">Le
philosophe Kant distingue d’ailleurs trois types de croyances (la croyance
étant simplement le fait de tenir une idée pour vraie) : l’opinion, la
science et la foi. L’opinion est une croyance qu’il caractérise « d’insuffisante
objectivement et subjectivement » (cela signifie que nous n’avons pas de
preuve de notre opinion, nous sommes donc conscients de sa fragilité) ; la
science est une croyance « suffisante subjectivement et objectivement »
(nous avons des preuves rationnelles et, justement parce que nous avons ces
preuves, nous sommes convaincus de notre croyance) ; la foi est une
croyance « suffisante subjectivement mais insuffisante objectivement »
(nous n’avons pas de preuve, mais notre croyance est très forte quand même). Par
conséquent, si l’opinion est subjective et ne repose pas sur des preuves, nous
sommes toutefois conscients de cette insuffisance, ce qui devrait nous pousser
à chercher des preuves, pour transformer notre opinion en connaissance scientifique.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">Mais
il est vrai qu’il y a aujourd’hui une valorisation de l’opinion. La liberté d’opinion
est une valeur que beaucoup trouvent fondamentale. L’éducation civique et
morale de l’école apprend à défendre ses opinions et ce n’est pas forcément un
mal (contrairement à Platon, je ne vais pas soutenir non plus que <i>toutes</i>
les opinions sont mauvaises) et j’ai encore un souvenir très désagréable de ma
prof d’anglais de seconde qui martelait « <i>You must have an opinion ! »</i>
chaque fois que je n’avais pas d’avis particulier sur un sujet. La liberté d’opinion
est effectivement bénéfique en société : avoir le droit de partager son
avis avec d’autres peut avoir de très bonnes conséquences. Elle est d’ailleurs
défendue par un philosophe anglais dont je suis idéologiquement très proche :
John Stuart Mill, dans <i>De la liberté</i><span style="mso-bidi-font-style: italic;">. Il défend fermement l’idée selon laquelle il faut laisser libre court
à la discussion dans la société, parce qu’interdire les opinions contraires à l’opinion
majoritaire serait prendre le risque de passer à côté d’une bonne idée, voire
de la vérité, si l’opinion majoritaire se trompe. Mais si cette partie des
propos de Mill ont été bien retenus, puisqu’on en a fait une loi, ce qu’il
explique ensuite a été oublié. En effet, après avoir dit en quoi il était
important d’assurer une liberté d’opinion dans la société, il ajoute :<o:p></o:p></span></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt; mso-bidi-font-style: italic;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><i style="mso-bidi-font-style: normal;"><span style="font-size: 12.0pt;">« Il existe une différence extrême
entre présumer vraie une opinion qui a survécu à toutes les réfutations et
présumer sa vérité afin de ne pas en permettre la réfutation.</span></i><span style="font-size: 12.0pt; mso-bidi-font-style: italic;"> » (Mill, </span><i style="mso-bidi-font-style: normal;"><span style="font-size: 12.0pt;">De la liberté</span></i><span style="font-size: 12.0pt; mso-bidi-font-style: italic;">, chapitre II)<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt; mso-bidi-font-style: italic;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Qu’est-ce que cela signifie ? L’opinion est,
nous l’avons dit, une croyance « insuffisante » subjectivement et
objectivement, c’est-à-dire que nous n’avons pas de preuve, et que pour cette
raison nous ne sommes pas absolument certains de ce que nous croyons. Mais un
défaut consiste à poser notre opinion pour vraie afin d’interdire à quiconque
de la réfuter. Or, c’est justement ce que Mill voulait éviter : en
permettant la liberté de discussion, il espérait que la confrontation des opinions
permettrait de réfuter les mauvaises et de consolider les bonnes. Mais lui-même
reconnaît le risque à en arriver à la position inverse : chacun va
affirmer son opinion comme une vérité et rester sur sa position. Le « débat »
n’est donc plus, comme le dit Etienne Klein dans sa conférence sur l’ultracrépidarianisme
(ou le fait de donner son avis sur des sujets où on n’est pas compétent pour le
faire), ce qu’il était d’un point de vue étymologique : comme « faire »
est le contraire de « défaire », « battre » est le
contraire de « débattre ». Débattre serait donc le fait de tout faire
pour éviter de se battre : exactement le contraire de ce qui se passe dans
les « débats » télévisés, où on met ensemble des gens avec les
opinions les plus contradictoires possibles pour qu’ils (pardonnez-moi l’expression)
se </span><i style="mso-bidi-font-style: normal;"><span style="font-size: 12.0pt;">foutent
sur la gueule</span></i><span style="font-size: 12.0pt; mso-bidi-font-style: italic;">
au maximum et faire de l’audience. Par la discussion défendue par Mill, je
pourrais, non pas essayer de consolider mon opinion, mais la mettre en doute :
essayer de la réfuter, pour voir si elle résiste, ou s’il faut l’abandonner. <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt; mso-bidi-font-style: italic;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt; mso-bidi-font-style: italic;">En fait, si on reprend les mots de Kant, on peut
dire que le problème de l’opinion est qu’elle est devenue une sorte de « foi » :
elle ne repose sur aucune preuve rationnelle (sinon, ce serait une connaissance
scientifique) mais notre croyance en notre opinion est extrêmement forte. Etienne
Klein va jusqu’à dire, dans son texte « Le goût du vrai » (que vous
pouvez trouver chez Gallimard), jusqu’à remarquer que, moins on s’y connaît,
plus on parle avec aplomb de ce qu’on ne connaît pas, parce que celui qui a des
connaissances solides sait aussi l’étendue de tout ce qu’il ne connaît pas
encore.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt; mso-bidi-font-style: italic;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Je me suis un peu éloignée du sujet à la fin, mais
j’ai quand même en partie montré d’où venait le problème de départ : l’idée
selon laquelle « les opinions sont un bien. » Les opinions en soi ne
sont ni un bien ni un mal : c’est qui est bien, c’est de pouvoir les
partager pour les mettre à l’épreuve et affiner notre pensée ; ce qui est
mal, c’est de les présenter comme des vérités indubitables et donc de refuser
toute remise en question. Et c’est généralement l’attitude que l’on remarque
sur les réseaux sociaux : il ne s’agit pas « de partager ses opinions »,
mais de les affirmer sous prétexte que « j’ai le droit d’exprimer mon
opinion quelle qu’elle soit et personne n’a le droit de me contredire. »
Mais justement, la liberté de discussion suppose aussi qu’autrui peut venir la
contredire, et plus encore : que j’exprime mon opinion </span><i style="mso-bidi-font-style: normal;"><span style="font-size: 12.0pt;">dans le but</span></i><span style="font-size: 12.0pt; mso-bidi-font-style: italic;"> de la mettre à l’épreuve.
Le fait est qu’une opinion n’est pas faite pour être « exprimée »
juste pour la beauté du geste, ce qui n’aurait aucun intérêt. <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt; mso-bidi-font-style: italic;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Vous pourriez me faire remarquer que, pour être
vraiment très rigoureux, il faudrait que je justifie aussi la deuxième prémisse :
« le racisme est un mal. » C’est vrai, un raisonnement très rigoureux
demanderait de le faire, et c’est possible. Mais j’ai aussi dit que ce n’était
pas mon sujet, puisque mon sujet est l’opinion, et que mon article est déjà
suffisamment long. J’espère quand même avoir pu présenter quelque chose de
clair sur le statut de l’opinion. Ce qui est important, c’est de réfléchir aux
présupposés de ce qui est énoncé : toute proposition, même toute opinion
se fonde forcément sur certaines prémisses et il convient de vérifier à la fois
les prémisses, et le raisonnement basé sur celles-ci.<o:p></o:p></span></p>Carolinehttp://www.blogger.com/profile/04668068891769603817noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8483214527744058505.post-69694783710228882182022-02-19T15:52:00.003+01:002022-02-19T15:52:17.219+01:00MangaCafé V.2 : 2 jours de mangas non-stop !<p><br /></p><p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">Bonjour
à tous ! <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">Me
voilà rentrée de mes 3 jours improvisés à Paris (improvisés, parce qu’ils ont
été décidés au dernier moment, à la suite de l’annulation de ce qu’on aurait
vraiment dû faire cette semaine…) et sur 3 jours, j’en ai passé deux au
MangaCafé V.2 ! (oui c’est son nom…)<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">Qu’est-ce
que le MangaCafé V.2 ? Un endroit génial : au rez-de-chaussée, immense
boutique qui fait à la fois librairie (mangas et livres sur le japon) et
épicerie japonaise ; au premier étage, un bibliothèque spécialisée dans
les mangas (18 000 références d’après leur site). Pour accéder à la bibliothèque,
c’est 3 euros l’heure (20 euros le pass journée si vous comptez y rester), avec
boissons à volonté. Avant le covid, ils faisaient même restaurant japonais. Ce
n’est malheureusement plus le cas, mais on peut quand même y passer la journée
et manger dans la bibliothèque, puisqu’on peut acheter dans l’épicerie des
ramen instantanés et prendre de l’eau chaude au distributeur de boissons pour
les préparer. <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">Voilà
pour la présentation générale ! J’y suis donc restée deux jours, j’ai eu
le temps de lire plein de mangas et même si vous pouvez déjà trouver mes avis
sur mon bookstagram (Instagram : @carolinegiraud_lectures), je vais tout
rassembler dans cet article. Voici donc mes lectures des deux jours, entourée
de café, ramen et chips Demon Slayer.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;"><o:p> <table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><tbody><tr><td style="text-align: center;"><a href="https://scontent-frt3-1.xx.fbcdn.net/v/t1.15752-9/p1080x2048/273541888_486772599466753_177495465719829666_n.jpg?_nc_cat=107&ccb=1-5&_nc_sid=ae9488&_nc_ohc=Bsm2A26x7BkAX9LWVYA&_nc_ht=scontent-frt3-1.xx&oh=03_AVLqv4HN6tsXDr0yUudVsB9v56JrlftM3Xi2ZpWnPxs91A&oe=6237E90E" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="800" data-original-width="800" height="320" src="https://scontent-frt3-1.xx.fbcdn.net/v/t1.15752-9/p1080x2048/273541888_486772599466753_177495465719829666_n.jpg?_nc_cat=107&ccb=1-5&_nc_sid=ae9488&_nc_ohc=Bsm2A26x7BkAX9LWVYA&_nc_ht=scontent-frt3-1.xx&oh=03_AVLqv4HN6tsXDr0yUudVsB9v56JrlftM3Xi2ZpWnPxs91A&oe=6237E90E" width="320" /></a></td></tr><tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Ne mangez pas ces ramen, c'est beaucoup trop pimenté, <br />je sentais plus ma bouche</td></tr></tbody></table><br /></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">Puisqu’on
parle de Demon Slayer, j’ai lu trois tomes supplémentaires (du 12au 14). C’était
la fin du combat contre la 6<sup>e</sup> lune supérieure et la riposte des
autres lunes. Le combat a un peu trainé, mais la suite était amusante, et de
toute façon, ce manga se lit bien.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;"><o:p> </o:p></span></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://scontent-frx5-1.xx.fbcdn.net/v/t1.15752-9/p1080x2048/273553543_5055665664493804_7484953930060177465_n.jpg?_nc_cat=100&ccb=1-5&_nc_sid=ae9488&_nc_ohc=2SfguuZ0HcIAX9z-4mV&_nc_ht=scontent-frx5-1.xx&oh=03_AVJhkjFOcYKnXcdsz258G0tPHMcPnOWAwNCOKkoLue1vzw&oe=62355235" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="800" data-original-width="800" height="320" src="https://scontent-frx5-1.xx.fbcdn.net/v/t1.15752-9/p1080x2048/273553543_5055665664493804_7484953930060177465_n.jpg?_nc_cat=100&ccb=1-5&_nc_sid=ae9488&_nc_ohc=2SfguuZ0HcIAX9z-4mV&_nc_ht=scontent-frx5-1.xx&oh=03_AVJhkjFOcYKnXcdsz258G0tPHMcPnOWAwNCOKkoLue1vzw&oe=62355235" width="320" /></a></div><br /><p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">Passons
à la série horreur gore. J’en ai lu deux différents. Les histoires m’intriguaient
et comme ce n’est pas mon style, je ne les aurais pas achetés, alors j’en ai
profité pour les lire sur place. Il s’agit de Dead Tube, une course aux vues
dans un Youtube alternatif où celui qui obtient le moins de vues devra assumer
les conséquences des crimes que tous les autres DeadTubers ont commis pour
faire leurs vidéos. Le concept est assez sympa, le style est moins dans mon
genre. J’ai quand même bien aimé le deuxième axe avec un assassin caché parmi
les joueurs, comme un loup-garou taille réelle, mais j’ai abandonné au
troisième. Ma deuxième lecture horreur est Killer instinct, où plusieurs
individus se retrouvent prisonniers d’un bâtiment avec seulement de l’eau, un
hachoir et une marmite. Pas de nourriture. Qui sera le premier à craquer et
manger un des sept autres ? Il n’y avait malheureusement que les trois
premiers tomes, et c’est dommage parce que je suis quand même intriguée par la
façon dont ça finira.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">Et
le coup de cœur de la semaine, c’est Real Account (que j’avais déjà repéré avant,
et j’espérais justement le trouver ici pour le lire). C’est un énième jeu de
survie, mais dans celui-là, les jeux s’inspirent des réseaux sociaux. Ça va de
la course aux likes à Pokémon go, dans le dernier tome que j’ai lu. A cela s’ajoute
des intrigues secondaires assez sympa sur le clonage humain. <span style="mso-spacerun: yes;"> </span><o:p></o:p></span></p>
<br />
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">J’ai
également lu le premier tome de Seraph of the end. Le premier seulement parce
que c’était juste avant de partir : je me suis retrouvée coincée dans Real
account parce qu’ils n’avaient pas le 10. Je lirai peut-être la suite si j’en
ai l’occasion. J’ai beaucoup l’ambiance et le design des personnages, mais le
personnage principal est particulièrement pénible (comme je l’ai dit sur
instagram, on dirait un gosse de 7 ans qui fait semblant d’en avoir 15).<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><b><span style="font-size: 12.0pt;"><o:p> </o:p></span></b></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">Un
très bon moment donc, et je continue ma lecture de Real Account. Je regrette
vraiment de ne pas avoir ça à côté de chez moi… j’ai quand même un livre sur
les mangas à écrire, alors j’aurais vraiment aimé en avoir toujours 18 000
sous la main !<o:p></o:p></span></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://scontent-frt3-1.xx.fbcdn.net/v/t1.15752-9/p1080x2048/273765051_528323125206747_6143445517162544981_n.jpg?_nc_cat=104&ccb=1-5&_nc_sid=ae9488&_nc_ohc=L2MWW1_o8zkAX_UnxdC&_nc_ht=scontent-frt3-1.xx&oh=03_AVJofXvPNoFCiNa9N1p55U0222QzhoEoDVrELD4NubQw-A&oe=62375F99" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="800" data-original-width="800" height="320" src="https://scontent-frt3-1.xx.fbcdn.net/v/t1.15752-9/p1080x2048/273765051_528323125206747_6143445517162544981_n.jpg?_nc_cat=104&ccb=1-5&_nc_sid=ae9488&_nc_ohc=L2MWW1_o8zkAX_UnxdC&_nc_ht=scontent-frt3-1.xx&oh=03_AVJofXvPNoFCiNa9N1p55U0222QzhoEoDVrELD4NubQw-A&oe=62375F99" width="320" /></a></div><br />Carolinehttp://www.blogger.com/profile/04668068891769603817noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8483214527744058505.post-42849088192951062582022-02-13T18:59:00.001+01:002022-02-13T18:59:01.501+01:00Je veux manger ton pancréas : un incroyable « fusil de Tchekhov »<p> </p><p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">Lecture
commune proposée par le club manga que j’anime au lycée, j’ai lu pendant ce
vacances le petit manga en deux tomes « Je veux manger ton pancréas »
<s>(pour me mettre à jour et ne pas me ridiculiser devant mes élèves)</s><o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><b><span style="font-size: 12.0pt;"><o:p> </o:p></span></b></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">Comme
pour toutes mes lectures, j’ai écrit un petit avis sur mon compte Instagram
(@carolinegiraud_lectures) mais pour les coups de cœur, j’ajoute toujours un
article sur le blog. Je vais donc parler aujourd’hui du détail qui m’a le plus
marquée dans cette lecture : le fusil de Tchekhov.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;"><o:p> <br /></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">Rassurez-vous,
aucun fusil dans ce manga. Contrairement à ce que le titre laisse penser, pas
de cannibales non plus (juste une petite mention au début !) C’est l’histoire
d’une fille atteinte d’une maladie du pancréas qui vit ses derniers mois en
compagnie de son nouvel ami. La première page mentionne ses funérailles, le
reste est en flah-back. Aucun suspense, donc ! Et pourtant… j’ai été très
surprise par la fin. Je vais essayer de ne pas spoiler, mais vu le thème de l’article,
si vous avez peur de comprendre quelque chose trop vite, ne lisez pas l’article.
Mais je ne dirai même pas quel est ce fameux fusil de Tchekhov, seulement qu’il
y en a un. Après il y a un risque que vous le deviniez à la lecture… Fin des
avertissements !<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;"><o:p> </o:p></span></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://media.senscritique.com/media/000018315636/1200/Je_veux_manger_ton_pancreas.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="450" data-original-width="800" height="180" src="https://media.senscritique.com/media/000018315636/1200/Je_veux_manger_ton_pancreas.jpg" width="320" /></a></div><p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">Pour
ceux qui ne connaissent pas, le fusil de Tchekhov est un procédé dramaturgique
(attribué à l’écrivain Anton Tchekhov, mais vu le nom, vous vous en doutez)
selon lequel chaque détail mémorable dans un récit de fiction doit être
nécessaire. Concrètement, ça veut dire que si un élément dans une scène est
assez visible et remarquable pour ne pas être oublié par le spectateur, cet
élément <i>doit</i></span> <span style="font-size: 12.0pt;">avoir une utilité
dans la suite de l’histoire. Pourquoi parler de fusil ? Parce que c’est l’exemple
que prend Tchekhov : « <i>si dans le premier acte vous dites qu’il y
a un fusil accroché au fur, alors il faut absolument qu'un coup de feu soit
tiré avec au second ou au troisième acte. S'il n'est pas destiné à être
utilisé, il n'a rien à faire là.</i> »<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">La
situation est claire : si un élément vous semble assez important pour que
vous vous demandiez « pourquoi on me parle de ça ? », ça
signifie qu’il aura un rôle important à jouer dans la suite. Or, ce « fusil
de Tchekhov », il y en a bien un dans <i>Je veux manger ton pancréas</i>.
J’ai même eu exactement la réaction que je vous décris : je me suis
demandé pourquoi, parce que ça ne semblait pas être dans le thème. Et ça avait
son rôle… et malgré une fin annoncée dès la première page, j’ai été surprise.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 14.0pt;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">Malgré
le coup de cœur, je veux quand même préciser que je n’ai pas tout aimé dans le
manga. En particulier, j’ai tendance à être vite agacée par des niaiseries du
type « sens de la vie » et « vivons tous heureux c’est merveilleux »
etc., peut-être (et sûrement !) parce que j’imagine déjà quinze personnes
derrière moi en train de marteler « eeeeh c’est philosophiiiique heeeeeein ! »
(par pitié, laissez la philosophie tranquille, et double par pitié, si vous
aimez la philosophie de l’existence tant mieux pour vous, mais c’est une toute petite
partie et que je trouve totalement inintéressante, autant qu’un sixième qui
joue de la flûte dans le domaine de la musique en général). Je reconnais quand
même avoir été assez prise par l’histoire pour passer outre. A vrai dire, je
sais que ces passages y sont, mais je n’ai même plus d’exemples précis à
donner. J’ai presque envie de vous dire de ne pas avoir peur de la niaiserie :
elle passe assez bien même quand on ne peut pas le supporter.<o:p></o:p></span></p>Carolinehttp://www.blogger.com/profile/04668068891769603817noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8483214527744058505.post-92091971695678247092021-12-30T18:41:00.003+01:002021-12-30T18:41:54.452+01:00Platinum End : l’anti-Death Note ou sa suite ?<p> </p><p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Dernier article de l’année
2021 ! <o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">J’aurais bien aimé que ce soit
ma découverte manga de l’année, mais non, <i>Platinum End</i>, que j’ai
beaucoup aimé, ne détrônera pas <i>Alice in Bordrland</i> qui reste mon énorme
coup de cœur 2021 (pas seulement en manga, en toute fiction confondue).<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><i>Platinum End</i> est écrit
et dessiné par le même duo que <i>Death Note</i>. Argument immédiat pour que
je le lise, mais aussi pour espérer une intrigue intéressante et des réflexions
profondes et bien amenées. Je n’ai pas été déçue : dans cette série, on
trouve une très longue réflexion sur le bonheur, une autre sur la religion et
son lien avec la science, et enfin une dernière sur le suicide. Oui, on passe
du bonheur au suicide. Mais ce décalage brusque fait partie de la trame du
manga. <o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">L’intrigue est simple :
Dieu est sur le point de mourir, il envoie donc sur Terre treize anges choisir
treize candidats à sa succession. Les anges choisissent parmi les humains qui
sont sur le point de se donner la mort : puisqu’ils veulent quitter cette
Terre, c’est sans doute qu’ils ne sont pas satisfaits de l’œuvre de Dieu, ils
sont donc les mieux placés pour la changer. Chaque ange, selon son rang, peut
donner à son candidat soit des ailes, soit une flèche rouge rendant amoureux
quiconque est touché, soit une flèche blanche donnant la mort. Dieu observera
ces treize candidats pendant plus de deux ans, avant de choisir. Mais il n’aura
pas besoin d’attendre si longtemps : dès les premier jour, un des
candidats pense pouvoir facilement devenir Dieu en éliminant tous ses
concurrents.<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://scontent-frx5-2.xx.fbcdn.net/v/t1.15752-9/p1080x2048/268108241_982736522597099_8434947575506792109_n.jpg?_nc_cat=109&ccb=1-5&_nc_sid=ae9488&_nc_ohc=TT4Q5EZKwokAX-DGXWl&_nc_ht=scontent-frx5-2.xx&oh=03_AVJtASXE9guSssNLPyeuymIhwBCo4lk0plGj9SEKTRSwxQ&oe=61F54189" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="800" data-original-width="800" height="320" src="https://scontent-frx5-2.xx.fbcdn.net/v/t1.15752-9/p1080x2048/268108241_982736522597099_8434947575506792109_n.jpg?_nc_cat=109&ccb=1-5&_nc_sid=ae9488&_nc_ohc=TT4Q5EZKwokAX-DGXWl&_nc_ht=scontent-frx5-2.xx&oh=03_AVJtASXE9guSssNLPyeuymIhwBCo4lk0plGj9SEKTRSwxQ&oe=61F54189" width="320" /></a></div><br /><p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">On retrouve très vite les
créateurs de <i>Death Note</i>, à la fois dans les dessins, les personnages et la
façon dont les thèmes sont abordés. Si <i>Death Note</i> annonçait un débat
évident sur la justice, dès le premier tome, avec deux personnages opposés se
réclamant tous deux de cette même justice, ici nous avons, de façon un peu
lourde mais pas désagréable, le thème du bonheur vite amené. On retrouve aussi
plusieurs personnages très semblables : les dieux qui accompagnent les
humains, le personnage qui veut tuer ceux qui s’opposent à lui, l’asocial
ultra-intelligent mais incapable de comprendre les sentiments humains, etc. On
est donc à la fois dans une histoire originale (au sens de nouvelle, par
rapport à ce qu’on connaît de ces auteurs) et dans un milieu où on reconnaît
les codes et où on a ses repères. Le mélange marche bien. <o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Vous me verrez sûrement en
reparler d'un point de vue plus philosophique, parce qu'il y a beaucoup de choses à en dire. Suffit-il d’obtenir tout ce que l’on
désire pour être heureux ? Le bonheur est-il le but de la vie, ou comme le
disait Aristote, le « souverain bien », l’objectif de toutes nos
actions ? Est-ce l’homme qui a créé Dieu ou Dieu qui a créé l’homme ?
Dieu rejette-t-il le suicide parce que le suicide est immoral ou considère-t-on
que le suicide est immoral parce que Dieu l’a interdit ? Et bien sûr, d’autres
questions que l’on connaît déjà, comme : peut-on sacrifier un million de
personnes pour le bien des 7 milliards restant ?<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">J’ai vu une vidéo intitulée :
Platinum end : l’anti-Death Note ? C’est pourquoi j’ai intitulé ainsi
mon article. Mais je ne pense pas que ce soit un « anti » Death Note.
Au contraire, on pourrait y voir sa suite : Kira voulait devenir Dieu. Mais
que se serait-il passé s’il avait été l’un de ces candidats ? Que se
serait-il passé s’il avait vraiment atteint le rang de Dieu ?<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Une belle découverte, dans un
format que j’apprécie (14 tomes, à peu près autant que <i>Death Note</i>, et c’est
vraiment bien, parce que je n’aime pas les fictions qui s’étendent
artificiellement sur trop de tomes, je finis toujours pas m’ennuyer). Et vu qu’il
n’est pas très long, je peux vous le recommander sans aucune réserve !<o:p></o:p></p>Carolinehttp://www.blogger.com/profile/04668068891769603817noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8483214527744058505.post-59330099528460271112021-12-23T07:00:00.001+01:002021-12-23T07:00:00.203+01:00Black Mirror, S4E6 : Suis-je dans mon corps comme un pilote dans son navire ?<p> </p><p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Notre série d’articles touche
à sa fin ! J’espère qu’elle vous aura plu… mais avant de vous prononcer,
nous avons encore un sujet de dissertation à traiter, un épisode à analyser, et
pas des moindres : <i>Black Museum</i>, épisode qui clôt la saison 4. L’épisode
est particulier, puisque le gérant de ce « musée noir » raconte trois
petites histoires en lien avec les objets du musée : il y a donc trois
scénarios en un, mais chacun d’eux traite le thème de la conscience.<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Le sujet « Suis-je dans
mon corps comme un pilote dans son navire ? » ne tomberait pas tel
quel au bac, car il y a une métaphore et que pour la comprendre, il faut savoir
d’où elle vient. C’est Descartes qui, dans les <i>Méditations Métaphysiques</i>,
en réfléchissant au lien entre l’âme et le corps, conclut que je ne suis pas
dans mon corps « comme un pilote dans son navire. » Si la comparaison
a un sens, c’est parce que Descartes remarque que l’âme (ou l’esprit, ou la
conscience, appelez-la comme vous voulez) contrôle les mouvements du corps (si
ma conscience veut lever le bras, le corps lève effectivement un bras), de la
même façon que le pilote choisit les mouvements et la destination du navire. Le
navire seul n’ira nulle part et un corps sans âme (un corps mort, donc) n’ira
nulle part non plus. Mais pour Descartes, le lien entre l’âme et le corps ne se
réduit justement pas à celui d’un pilote et de son navire : il y a un lien
beaucoup plus fort entre les deux, une union complète. Si le navire a un
problème, par exemple s’il y a une fissure quelque part, le pilote ne s’en
rendra pas nécessairement compte. Il faudra qu’il se promène dans son navire et
l’observe de l’extérieur pour identifier le problème. En revanche, quand le
corps a un problème, la conscience le sait immédiatement (la plupart du
temps) : une coupure, une maladie, un os cassé va aussitôt conduire l’âme
à ressentir la douleur. <o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Cela a pour conséquence le
fait que, si n’importe qui peut venir remplacer le pilote et voir les défauts
du navire, je suis le seul à pouvoir dire ce que je ressens vraiment. La
douleur intérieure de mon corps ne peut pas être observée : on peut
comprendre la douleur d’autrui par analogie, mais elle sera toujours unique.
Or, ce caractère unique du vécu de l’union de l’âme et du corps fera l’objet de
la première histoire racontée dans <i>Black Museum</i>. Cependant, les trois
histoires répondent à cette question sous différents angles : la première
pose la question du partage de la conscience d’autrui, quand celui-ci est
incapable de décrire par les mots (communs) ce qu’il ressent personnellement et
de façon unique (la douleur) ; la deuxième se demande ce que serait
l’expérience d’une conscience qui serait, en quelque sorte, l’inverse d’un
pilote dans son navire (le pilote dirige mais ne ressent rien ; le
personnage de la deuxième histoire ressentira tout ce qui vient du corps mais
n’en a pas le contrôle) ; enfin, la troisième revient sur cette question
dans la douleur, en se demandant si une âme privée du corps pourrait ressentir
une douleur physique. <o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">L’épisode commence sur une
autoroute déserte. Une jeune femme s’arrête sur une aire qui semble fermée, sur
laquelle se trouve un « Black Museum. » Elle dit au propriétaire
qu’elle était en route pour faire une surprise à son père, car c’est le jour de
son anniversaire. Elle prend tout de même le temps de s’arrêter au musée, dont
chaque objet est le témoin d’une histoire triste ou horrible. L’attraction
principale se trouve derrière le rideau, tout au fond. Mais avant d’y arriver,
ils s’arrêtent sur les autres objets.<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Le premier est ce que le
propriétaire appelle un « cerveau artificiel. » L’histoire se passe dans
un hôpital où les plus pauvres, essentiellement des étrangers, se font soigner
gratuitement en échange de tests expérimentaux. Comme beaucoup parlent une
langue différente, le médecin qui y travaille a parfois beaucoup de mal à
comprendre ce qui les fait souffrir et ainsi leur proposer un traitement ou une
opération adapté. Grâce à cette fabrication, le cerveau artificiel, il devient
possible de transférer sa conscience dans le corps du patient : le médecin
le met et aussitôt, il se retrouve conscient de ce que l’autre corps vit. Il
peut faire lui-même l’expérience de cette douleur, reconnaître le trouble et le
traiter. Bien sûr, quand le médecin se rend compte qu’il peut, en quelque
sorte, dédoubler sa conscience pour être à la fois dans son corps et dans celui
d’un autre, il s’en sert aussitôt pendant un rapport sexuel avec sa femme.
Ainsi commence les dérives de cette invention technique (mais pour ce qui est
de notre rapport à la technique, je vous renvoie à notre <a href="https://carolinegiraud.blogspot.com/2021/12/black-mirror-s4e2-sommes-nous-maitres.html">article précédant sur Arkange</a>). <o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Les vrais problèmes commencent
quand un sénateur arrive, inconscient. Le médecin met son cerveau artificiel,
et se trouve face à une douleur inconnue, très violente, mais qu’il n’arrive
pas à identifier. Il attend, essaie de comprendre, attend trop longtemps et le
sénateur meurt tandis que le médecin partage toujours sa conscience.
L’improbable se produit alors : le médecin fait l’expérience subjective de
la mort. Il voit ce qu’il y a après la mort, reste inconscient pendant cinq
minutes puis se réveille (même s’il partage la conscience du corps d’autrui, il
a toujours la sienne : son corps n’étant pas mort, sa propre conscience
est toujours là). Mais cette expérience l’a changé : désormais, le médecin
prend du plaisir à ressentir la douleur. Il prend son temps pour diagnostiquer
les malades, ce qui les met parfois en danger. Il veut se connecter aux corps
blessés et amputés alors qu’ils n’ont pas besoin de lui pour le diagnostic,
quitte à laisser les patients souffrir plus longtemps. Il est donc renvoyé.
Mais bien sûr, son addiction à la douleur (mais aussi à la peur de la mort, qui
était également présente dans la conscience des patients de l’hôpital) le
conduit à torturer des gens dans la rue, jusqu’à son arrestation. Il finira
dans le coma, où il est toujours, le visage marqué d’une expression d’extase.<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Ainsi se termine la première
histoire. Le propriétaire du musée conduit donc à l’objet suivant, un petit
singe en peluche, qui serait derrière l’histoire la plus triste du musée. Une
famille se fait faucher par une camionnette et la mère se retrouve dans le coma
pendant plusieurs années. Son mari peut continuer à communiquer avec elle grâce
à une pastille télépathique. Une nouvelle invention technique va venir sauver
ce couple : comme le corps de la femme ne se réveillera jamais, on propose
au couple de mettre la conscience de la femme dans le cerveau du mari :
elle pourra voir, entendre et ressentir tout ce qu’il voit, touche ou ressent.
Il y aura deux consciences dans un même corps, même si seul l’homme aura le contrôle
de ses actions. Mais grâce à ce procédé, elle pourra de nouveau sentir son fils
dans ses bras. <o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Ils ne mettent pas longtemps
pour se rendre compte de l’inconfort de cette situation : l’homme a la
voix de sa femme dans sa tête en permanence, mais en plus, il ne peut plus
manger les aliments qu’elle n’aime pas, faire ses besoins naturels en
solitaire, encore moins commencer à se rapprocher d’une autre femme. Le
créateur de ce transfert de conscience lui propose donc une solution : lui
donner la possibilité de mettre la conscience de sa femme sur
« pause » pour ne plus l’entendre. Quand la femme est mise en pause,
sa conscience disparaît purement et simplement (il ne s’agit pas de lui couper
toute sensation extérieur et la laisser seule dans le noir, ce qui serait une
véritable torture) : elle passe brusquement d’un champ de vision à un
autre, remarque que la maison est décorée pour Halloween, et comprend qu’elle a
été mise sur pause pendant plusieurs semaines.<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Comme l’homme a une nouvelle
vie avec sa voisine, mais qu’il ne peut se résoudre à la tuer en supprimant
complètement sa conscience, il transfère cette conscience dans le fameux singe
en peluche du musée. Le singe restera avec leur fils et la mère continuera à
pouvoir le sentir et entendre sa voix. Si le singe est toujours dans le musée,
c’est parce qu’il leur serait illégal de supprimer la conscience de cette
femme, ce qui reviendrait à la tuer. Mais le singe en peluche doué de
conscience lui-même est illégal également : cette invention n’a pas été
suivie.<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Enfin, nous arrivons au
« clou du spectacle » : la version téléchargée de la conscience
d’un assassin condamné à la peine capitale, que l’on peut voir dans un
hologramme. Alors qu’il attendait son exécution, cet homme a accepté la proposition
du gérant du musée contre de l’argent envoyé à sa femme et à sa fille :
quand il passe sur la chaise électrique, sa conscience est téléchargée et
ramenée dans le musée sous forme d’hologramme. Le clou du spectacle est le
suivant : les visiteurs peuvent s’amuser à activer la chaise électrique
pour recréer la condamnation de l’assassin. Même si ce n’est qu’un hologramme,
la conscience du condamné est bel et bien ici et il ressent véritablement la
douleur de l’exécution, alors qu’il n’a pas de corps. Plus encore, chaque
visiteur peut repartir avec un porte-clé souvenir qui repasse en boucle la
reproduction de l’exécution : mais ce n’est pas une simple vidéo, un
double de la conscience de l’assassin est bel et bien dans le porte-clé et
souffre véritablement. C’est un nouveau vertige métaphysique qui nous attend à
la fin de l’épisode, le même que celui de l’épisode de Noël de la saison 3 que
nous avons évoqué <a href="https://carolinegiraud.blogspot.com/2021/11/black-mirror-s3e2-le-temps-est-il-en.html">dans cet article</a>. <o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">A la fin, nous apprenons que
la jeune femme qui visite le musée n’est autre que la fille de l’homme de
l’hologramme, condamné à tort à la peine capitale, venue pour le venger. Mais
ce détail n’est pas ce qui nous intéresse ici. Posons-nous plutôt à nouveau la
question de l’âme et du corps : comment une âme séparée du corps pourrait-elle
ressentir une douleur physique ? N’est-ce pas l’atteinte au corps qui
provoque une telle douleur ? On peut rapprocher la conclusion de cet
épisode avec l’expérience du membre fantôme : certains patients amputés
d’un membre continuent à sentir ce membre, à ressentir de la douleur ou l’envie
de se gratter, alors que le bras ou la jambe n’est plus là. Un neurologue
indien, Ramachandran, raconte dans son livre <i>Le fantôme intérieur</i>
comment un de ses patients avait hurlé de douleur quand le médecin lui avait repris
sa tasse de thé, car il sentait nettement ses doigts fantômes accrochés à
l’anse et qu’on la lui avait arrachée des mains. Ce genre de troubles médicaux
montrent que la sensation de douleur est bien dans la conscience et que l’on
pourrait donc très bien imaginer une âme séparée du corps qui continuerait à
ressentir de la douleur physique.<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Et voilà, notre série
d’articles sur <i>Black Mirror </i>est terminée. Si ce format vous a plu et que
vous voulez continuer à philosopher en série, allez voir la série d’articles
sur <a href="https://carolinegiraud.blogspot.com/search/label/Buffy%20contre%20les%20vampires%20%28analyses%29">Buffy contre les vampires</a>. Une autre série d’articles est prête,
elle n’attend que la sortie de la saison 2 sur Netflix… il s’agira d’<i>Alice
in Borderland.<o:p></o:p></i></p>Carolinehttp://www.blogger.com/profile/04668068891769603817noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8483214527744058505.post-1925541918107175132021-12-07T07:00:00.001+01:002021-12-07T07:00:00.212+01:00Black Mirror, S4E2 : Sommes-nous maîtres de la technique ?<p> </p><p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">On approche de la fin, avec
l’avant-dernière saison de <i>Black Mirror</i>, et l’avant-dernier article
d’analyse à partir d’un sujet de dissertation. J’ai envie de dire que je
« reviens » à cet épisode 2 de la saison 4, « Arkange »,
parce que c’est cet épisode qui m’a lancée dans la série. Ce n’est pas le
premier que j’ai vu, j’ai bien regardé tous les épisodes dans l’ordre, mais
c’est le premier dont j’ai entendu parler. En fait, j’ai vu cet épisode cité
plusieurs fois dans des manuels de philosophie de terminale, quand les nouveaux
programmes sont sortis et que j’en ai reçu une vingtaine chez moi ! (Eh
oui, les profs reçoivent des manuels gratuitement chez eux, la chance
hein !)<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">C’est un épisode qui interroge
le transhumanisme, la technologie, l’éducation et la liberté. Dans les manuels
où il était cité, c’était tantôt pour la technique, tantôt pour la liberté.
J’ai choisi l’angle technique, parce que je ne l’ai quasiment pas traité dans
cette série d’articles, alors que c’est quand même le thème principal de toute
la série. J’ai joué la facilité, je l’avoue, puisque « Sommes-nous maîtres
de la technique ? » est le titre de mon cours sur <i>le Livre de la
jungle</i>, donc je le traite tous les ans. <o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Commençons, comme d’habitude,
par une rapide analyse du sujet pour bien en comprendre les enjeux. Un
« maître » peut désigner deux choses : on parle d’un maître
d’école, ou d’un maître et son esclave. Les deux « maîtres » n’ont
pas le même rôle : le maître de l’esclave est celui qui le contrôle, qui
lui donne des ordres, qui le possède. Le maître d’école n’a pas le même rapport
avec ses élèves : il est celui qui les instruit, celui qui possède le
savoir et le transmet. Nous pouvons donc comprendre la question en deux sens,
qui ont deux implications différentes :<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">- Sommes-nous ceux qui
possèdent le savoir technique et sont capables de le transmettre ?
Autrement dit, la connaissance technique est-elle propre à l’être humain, et
partagée par tous ? <o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">- Sommes-nous ceux qui contrôlent
pleinement la technique ? Autrement dit, avons-nous le contrôle total des
objets techniques que nous fabriquons ou ne peut-on pas se retrouver dépassé
par nos inventions techniques ? <o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Pour ce qui est de la première
question, que nous n’allons pas traiter dans cet article, une bonne
dissertation développerait la façon dont la technique permet à l’homme de
survivre dans une nature où il n’est pas adapté. Pour la deuxième question,
l’épisode Arkange va montrer une mère incapable de résister à sa tablette
tactile, comme si c’était la tablette qui la contrôlait plus que l’inverse.<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Marie, une mère célibataire,
est immédiatement présentée comme très angoissée pour sa fille Sarah :
elle craint que le bébé n’aille pas bien à la naissance, puis s’inquiète
tellement quand elle disparaît après avoir voulu suivre un chat qu’elle lui
implante un nouveau logiciel, Arkange, qui permet non seulement de la
géolocaliser mais aussi de voir ce que Sarah voit de son point de vue, de
contrôler son état de santé, l’oxygène dans son sang, le stress, etc. Et
surtout, une fonction permet de flouter les images violentes pour la préserver.
Le père de Marie ne se gêne pas pour se moquer d’elle, en repensant au bon vieux
temps où « on se contentait d’ouvrir la porte et laisser les enfants
s’amuser. » Certes, Marie s’est cassé un bras un jour : mais elle va
bien, aujourd’hui, donc où était le mal ? <o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Au début, les utilisations
d’Arkange semblent innocentes, peut-être même bénéfiques : Marie s’amuse à
surveiller ce que fait sa fille à distance, active le contrôle parental quand
un chien l’effraie, et sauve même la vie de son père lors d’une crise
cardiaque, quand le contrôle parental l’informe qu’une scène trop violente pour
Sarah se produit sous ses yeux. <o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Puis arrivent les premiers
problèmes, notamment dans le cadre du développement personnel de
l’enfant : à cause du contrôle parental, Sarah ne connaît pas la peur, ni
le dégoût, ni même la tristesse. Lors de l’enterrement de son grand-père
quelques années plus tard, elle ne peut pas voir sa mère pleurer. A l’école,
ses amis se moquent d’elle parce qu’à chaque fois qu’il veulent lui montrer ou
lui parler de violence, tout est flouté. Jusqu’au point cuminant, qui va
décider Marie à ranger sa tablette pendant plusieurs années : incapable de
se rendre compte de ce qu’elle fait vraiment à cause du contrôle parental,
Sarah se taillade la main avec un crayon. Marie l’emmène voir un psychologue,
qui regrette que Sarah soit très en retard sur le plan émotionnel : elle
n’est pas capable de reconnaître les émotions et essaie d’expérimenter des
choses. Arkange n’est d’ailleurs jamais sorti et a été interdit en
Europe : l’implant que possède Sarah est un prototype. S’il est impossible
d’enlever ce dernier, Marie peut toujours désactiver le contrôle parental et
ranger la tablette. Sarah ne sera plus sous l’emprise d’Arkange et pourra
reprendre la maîtrise de sa vie ; en revanche, Marie va désormais faire
l’expérience de cette perte de contrôle, c’est alors son tour d’être soumise à
l’objet technique.<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Loin que la technique nous
libère, on voit ici que c’est une fois débarrassée de la technique que Sarah va
faire l’expérience de la liberté. En revanche, Marie n’a pas réussi à s’en
défaire même si, pendant des années, elles réussira à ne pas toucher à la
tablette. Une fois Sarah adolescente, elle va commencer à se comporter comme
n’importe quelle adolescente : en mentant à sa mère parfois, en sortant
avec un garçon, en testant alcool et drogue. C’est à ce moment que Marie sera
incapable de résister à la technique plus longtemps : elle ressort la
tablette, voit que sa fille est en plein rapport sexuel, puis qu’elle prend de
la drogue, puis qu’elle est tombée enceinte. Comme le lui aurait dit son père
de son vivant, ce sont des choses qui arrivent, des choses que font les jeunes,
et heureusement la plupart s’en sortent malgré tout. Elle-même prisonnière de
l’emprise de la technique, Marie va alors tenter de contrôler entièrement la
vie de sa fille : elle menace le garçon avec qui elle sort de porter
plainte contre lui s’il la revoit, fait prendre à sa fille une pilule abortive à
son insu. C’est d’ailleurs ce dernier évènement qui va permettre à Sarah de
découvrir la vérité : si sa mère a su avant elle qu’elle était enceinte,
c’est qu’Arkange le lui a dit. <o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">En rentrant chez elle, elle
découvre effectivement que la tablette est allumée et comprend tout ce qui
s’est passé ces derniers jours, comme le fait que son petit ami ne lui parle
plus. Une dispute éclate, Sarah frappe Marie avec la tablette et le contrôle
parental s’active par erreur, ce qui empêche Sarah de voir et d’entendre
qu’elle manque de peu de tuer sa mère. Finalement, la tablette se brise et
Sarah peut fuir, libérée de la technique. Marie, elle, est désespérée et n’a plus
aucun moyen de savoir où se trouve Sarah : sa libération de la technique,
de son point de vue, ressemble plutôt à l’arrêt d’une drogue. Elle était si peu
maîtresse de sa tablette qu’une fois qu’elle ne l’a plu, elle est complètement
perdue, ne sait plus quoi faire, ne sait plus comment agir. Peut-on encore
considérer qu’elle avait la maîtrise de la technique ? Il semble plutôt
évident que la technique était le dominant, auquel tous les personnages étaient
soumis. Sarah pace que sa mère utilisait la technique pour la soumettre et
Marie parce qu’elle ne pouvait plus s’en passer. La technique les a donc
privées de liberté en deux sens : une liberté d’agir d’un côté, puisque
Sarah était privée de certaines actions à cause de l’effet d’Arkange sur
elle ; une liberté métaphysique de l’autre côté, puisque si Marie était
pleinement libre de ses actions au sens où rien ne l’empêchait de choisir
d’user Arkange ou de ne pas le faire, elle était trop influencée pour vraiment
faire le choix du renoncement.<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">La technique n’est donc pas si
innocente. Elle n’est pas un simple moyen à notre disposition, que l’on peut
user ou laisser selon nos envies : elle impose elle-même sa propre fin.
Une fois la technique en notre possession, nous n’arrivons plus à revenir en arrière,
à la laisser tomber pour agir sans les bénéfices qu’elle nous apporte. <o:p></o:p></p>Carolinehttp://www.blogger.com/profile/04668068891769603817noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8483214527744058505.post-21586917590969149482021-11-23T07:00:00.001+01:002021-11-23T07:00:00.209+01:00Black Mirror, S3E4 : Peut-on préférer le bonheur à la vérité ?<p> <span style="text-align: justify;">Bienvenue dans ce nouvel
article consacré à la série </span><i style="text-align: justify;">Black Mirror</i><span style="text-align: justify;"> ! Aujourd’hui je vais
parler d’un épisode que j’ai beaucoup aimé, car je l’ai trouvé très beau et
très touchant. Et pour le mettre en lien avec une question de philosophie, j’ai
choisi un sujet assez classique et en même temps complexe et intéressant quant
à l’analyse qu’il faut en faire. Si je vous dis « analyse du sujet »,
cela vous renvoie peut-être à d’horribles souvenirs de lycée, quand on vous
demandait « d’analyser le sujet » et que vous n’aviez pas la moindre
idée de ce que cela voulait dire. C’est l’occasion de revenir un peu là-dessus.</span></p><p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Le sujet « Peut-on
préférer le bonheur à la vérité ? » peut être compris de plusieurs
façons. Les sujets commençant par « peut-on » ont cette particularité :
nous pouvons l’interpréter comme une possibilité logique ou comme une
permission morale. Si je vous demande « Pensez-vous que je <i>peux</i>
porter un poids de 50 kg ? », cela signifie : pensez-vous que
j’en suis <i>capable</i> ? Mais si je demande « Pensez-vous que je
peux sortir de la pièce ? » je demande en fait : pensez-vous que
j’en ai <i>le droit</i> ? Si on applique cette distinction à notre sujet
de dissertation, nous nous retrouvons avec deux questions en une :
« Sommes-nous capables de préférer le bonheur à la vérité ? »
(ce qui sous-entend : face à la vérité, sommes-nous capables de l’ignorer
pour rester dans une illusion qui nous rend heureux ?) et :
« Est-il moralement permis de préférer le bonheur à la vérité ? »
(par exemple, est-on moralement autorisé à mentir à quelqu’un « pour son
bien », pour ne pas le faire souffrir ?) C’est ainsi que s’analyse un
sujet de philosophie, et que se construit une dissertation : on voit que
grâce à cette distinction entre les deux sens de « peut-on », nous
avons déjà deux questions distinctes sur lesquelles nous pouvons développer une
réponse. Par ailleurs, nous avons aussi mis en avant les présupposés du
sujet : « préférer le bonheur à la vérité » sous-entend un choix
entre un bonheur <i>dans le mensonge</i> et la vérité <i>dans la souffrance</i>.
Tel est le choix auquel sont confrontés les personnages de l’épisode 4 de la
saison 3, nommé « San Junipero. »<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Au début de l’épisode, nous
faisons la connaissance de Kelly et Yorkie dans une soirée, deux jeunes femmes
qui n’ont, semble-t-il, plus que quelques mois à vivre. Dès la première scène,
le garçon qui accompagne Kelly lui dit d’en profiter car il ne leur reste plus
beaucoup de temps. Kelly, pour se débarrasser du garçon, prétend qu’une des
filles de la soirée, Yorkie, n’a plus que cinq mois à vivre et qu’elles ont
plein de choses à sa raconter. C’est un mensonge, mais qu’une jeune femme d’une
vingtaine d’années seulement soit prétendument mourante ne semble surprendre
personne. <o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Cette première surprise est
vite suivie d’une foule de petits détails du même genre qui nous invitent à
nous interroger sur ce qui se passe vraiment dans cette soirée : Yorkie
dit qu’elle ne porte ses lunettes que pour le fun, elle est gênée de danser
avec Kelly mais celle-ci lui répond que les gens sont moins coincés quand ils
viennent « ici », Yorkie dit que c’est sa première fois
« ici » mais Kelly est déjà venue. Encore une fois, il est question
du peu de temps qui leur reste avant minuit. Et quand minuit arrive, le
spectateur ne sait pas ce qui se passe : on se retrouve immédiatement au
début de la soirée du lendemain. « Ici », une boite de nuit, ne
semble pas être une simple boite de nuit. Le doute se renforce quand un garçon
se plaint que toutes les filles d’ici ont l’air de cadavres ambulants, et que
quand Yorkie perd de vue Kelly, on lui conseille d’essayer « d’autres
époques. »<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Et en effet,
« ici », San Junipero, n’est pas une ville comme les autres : il
s’agit d’une ville virtuelle où les personnes âgées peuvent envoyer leur
conscience après leur mort. Avant de prendre cette décision, ils peuvent tester
la ville de leur vivant. Yorkie n’est pas vraiment mourante ; mais elle
est tétraplégique depuis plus de quarante ans. Kelly est bel et bien
mourante : les médecins lui avaient donné trois mois à vivre, six mois
plus tôt. Contre une réalité difficile pour l’une et pour l’autre, il existe
San Junipero, et elles pourraient tout à fait demander l’euthanasie pour être
transférées à San Junipero définitivement. Cette ville virtuelle a tout de la
« machine à expérience » de Robert Nozick : une expérience de
pensée qui vise à tester nos intuitions sur ce que nous préférerions entre une
bonheur illusoire et une réalité moins belle. <o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">L’expérience est la
suivante : imaginez qu’on vous propose d’entrer définitivement dans une
« machine à expérience. » Cette machine est telle qu’une fois branché
à l’intérieur, vous n’avez plus aucun moyen de savoir que vous êtes dans une
machine. Toutes les expériences que vous y faites vous paraîtront parfaitement
réelles. La machine, en lien avec votre cerveau, analyse vos pensées pour
savoir exactement l’existence qui vous rendrait le plus heureux et vous la
construire sur mesure. Mais une fois entré dans la machine, comme ces personnes
âgées qui demandent l’euthanasie pour se rendre à San Junipero, vous ne pourrez
plus en sortir – de toute façon, vous n’en aurez jamais la pensée, puisque vous
ne vous rendrez pas compte que vous êtes dans une machine. Entreriez-vous dans
la machine à expériences ? Selon Nozick, et selon les sondages qui ont été
fait, les gens ont tendance à préférer une vie authentique, quand bien même
elle ne serait pas parfaite, plutôt qu’un bonheur illusoire dans la machine à
expérience. <o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Et qu’en est-il dans l’épisode
de <i>Black Mirror</i> ? San Junipero n’est pas exactement comme la machine
à expérience. Contrairement à la machine de Nozick, les habitants de la ville
virtuelle savent qu’ils se trouvent dans une machine et que ce n’est pas la
réalité. Ils se souviennent de leur autre vie et c’est ce qui pousse Kelly à ne
pas accepter cette proposition : quand sa fille est morte, à trente-neuf
ans, elle n’a pas pu profiter de cette opportunité, car San Junipero n’existait
pas encore. Son mari, quand il est mort, a refusé de s’y rendre à son tour,
pour ne pas être quelque part où sa fille n’est pas. Kelly veut suivre le même
chemin. Mais pour Yorkie, les choses sont différentes : tétraplégique
depuis ses vingt-et-un ans, elle n’a rien vécu dans le monde réel. Elle aime
les femmes mais sa famille conservatrice l’a mise dehors en l’apprenant – c’est
à ce moment qu’elle a eu l’accident qui l’a paralysée. Elle ne peut demander
une euthanasie parce qu’elle est incapable de s’exprimer et que sa famille s’y
oppose évidemment : sa seule solution est de se marier avec son infirmier,
pour qu’il puisse donner son consentement. Finalement, c’est Kelly qui la
demande en mariage et l’épouse. Va-t-elle finalement préférer vivre une
nouvelle vie illusoire, mariée à Yorkie, dans ce « cimetière
virtuel », ou finir paisiblement sa vie réelle ? Après plusieurs mois
de séparation, Kelly semble comprendre que la vie à San Junipero est tout aussi
réelle que celle-ci : qu’est-ce que le réel, au fond, si ce n’est
l’ensemble de nos perceptions ? L’épisode se clôt sur l’image d’un robot
ajoutant les consciences de Kelly et Yorkie à un immense serveur. <o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<span style="font-family: "Calibri",sans-serif; font-size: 11.0pt; line-height: 107%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">Je ne sais pas si c’est également votre cas, mais pour
ma part, cette fin me donne toujours un frisson : et si cette immense
machine s’arrêtait ? S’il y avait une panne de courant ? San Junipero
disparaîtrait, ainsi que tous ses habitants. Ils seraient alors morts. A moins
qu’il ne le soient déjà ? Plusieurs fois dans l’épisode, il a été question
de San Junipero comme d’un cimetière, de ses habitants comme des cadavres. Mais
la mort est-elle la disparition du corps, ou la disparition de toute sensation
consciente ? De nombreux questionnements nous viennent devant le spectacle
de ces mourants qui choisissent de continuer ou de refaire leur vie dans une
immense machine. Un épisode à voir, pour toutes ces raisons, et parce que l’histoire
d’une jeune femme qui n’a rien pu faire à cause des préjugés de sa famille et
qui trouve cette chance après sa mort est une belle histoire. </span>Carolinehttp://www.blogger.com/profile/04668068891769603817noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8483214527744058505.post-12663531602635501662021-11-07T07:00:00.001+01:002021-11-07T07:00:00.206+01:00Black Mirror, S3E2 : Le temps est-il en nous ou hors de nous ?<p> </p><p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Nous voilà de retour pour
continuer à réfléchir à des sujets de dissertation de philosophie à partir des
épisodes de la série <i>Black Mirror</i>. Pour le thème d’aujourd’hui, nous
allons nous appuyer sur deux épisodes de la saison 3. L’épisode qui nous
intéressera en particulier est le deuxième de cette saison, intitulé
« Playtest. » On évoquera également le long épisode de Noël, qui aborde,
en un sens, la même question, celle du temps et de la conscience.<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Le sujet que j’ai choisi pour
ce nouvel article est le suivant : Le temps est-il en nous ou hors de
nous ? La question se pose car le concept de « temps » peut
désigner énormément de choses. Le temps, tout d’abord, est une dynamique de
changement, de progrès ou de dégradation. Cette façon de comprendre le temps se
fait dans le domaine de la géologie ou de la biologie : c’est en ce sens
qu’on parle du passage du temps et il semble évidemment être hors de nous (nous
y sommes d’ailleurs soumis également). Toutefois, quelle réalité aurait ce
changement sans un observateur conscient capable de faire le lien entre le
passé et le présent ? Même si le temps semble exister dans le monde
extérieur, à l’instant présent, il n’y a que le présent : c’est notre
conscience qui nous permet de faire exister le temps en tant que tel. <o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Un premier problème se pose
donc quand on considère cet aspect du temps, mais il y en a un autre, qui sera
illustré par ces deux épisodes de <i>Black Mirror</i> : c’est le vécu de
ce qu’on appelle le temps. Dans la société, le temps est divisé en années, en
mois, en jours, en heures, en minutes et en secondes. Ce découpage est utile
dans la vie pratique, puisqu’il permet de se coordonner et de se donner des
rendez-vous. Mais ce découpage artificiel (qui correspond à certaines réalités
matérielles, comme le mouvement de la Terre dans l’espace) est-il le temps
véritable ? Ou le temps désigne-t-il autre chose ? Selon l’activité
qu’on est en train de faire, cette heure peut durer très longtemps ou passer
très vite : le temps désigne-t-il donc plutôt l’heure objective (qui est
hors de nous puisqu’elle est partagée par tous) ou le vécu subjectif de cette
durée (qui est en nous) ? <o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">L’épisode 2 de la saison 3,
« Playtest », nous plonge dans ce vertige concernant le vécu du
temps. C’est l’histoire de Cooper, un voyageur qui a presque fini son tour du
monde et espère, après avoir vécu toutes ces expériences réelles, se lancer
dans les expériences virtuelles. C’est ce qu’il raconte à Sonja, journaliste
spécialisée dans les nouvelles technologies, rencontrée par l’intermédiaire
d’une application. Pendant ce temps, sa mère, à qui il ne parle plus beaucoup,
essaie plusieurs fois de l’appeler, mais il ne décroche pas. <o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">A cause d’un piratage de son
compte en banque, Cooper se retrouve dans l’incapacité de prendre l’avion pour
rentrer. Il recontacte Sonja, qui le dépanne et lui montre une petite annonce,
par laquelle une boite spécialisée dans le jeu vidéo d’épouvante recherche un
amateur de sensations fortes. Sonja insiste pour qu’il accepte ce travail et
prenne en photo tout ce qu’il y voie, car leurs innovations top secrètes
vaudront très cher. Une fois sur place, il rencontre Katie, responsable des
tests. Elle lui explique que tout est strictement confidentiel et qu’il doit
donner ton téléphone et tout ce qui permet de communiquer. Alors qu’elle quitte
momentanément la pièce, Cooper rallume son portable que Katie avait
préalablement éteint pour prendre une photo et l’envoyer à Sonja. Quand Katie
revient, le test de réalité augmentée commence : elle lui injecte une puce
derrière la tête. Après une petite séquence avec une taupe virtuelle qui
apparaît devant lui, elle le conduit au créateur du jeu, qui lui explique en
quoi celui-ci va consister : un jeu vidéo d’horreur personnalisé. La puce
qu’on lui a implantée analyse l’activité cérébrale du joueur pour en déduire la
meilleure façon de lui faire peur. Un mot d’alerte est choisi pour qu’il puisse
arrêter la partie si cela devient trop difficile.<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">La grande partie de l’épisode
va alors se concentrer sur les moyens de reconnaître la réalité et le monde
virtuel. Une fois plongé dans l’univers du jeu, toujours en contact avec Katie,
Cooper va voir et sentir des choses extrêmement réalistes, qui sont pourtant
produites par le jeu. Il va même en arriver à douter que ce soit bien une
simulation informatique, et croire que tout est réel. Je n’ai pas choisi cet
angle pour mon article, parce que je pense que vous trouverez d’autres analyses
qui s’intéresse à cet aspect et que j’ai préféré parler du temps. En effet, la
fin de l’épisode va être extrêmement perturbante. Alors qu’on vient de voir
Cooper se débattre avec ses peurs pendant une longue demi-heure, on découvre
qu’à peine le test commencé, son téléphone portable (qu’il avait rallumé contre
l’indication de Katie) a sonné, comme sa mère essayait encore de l’appeler.
Cela a provoqué une interférence avec la puce qu’on lui avait injectée pour le
jeu, et il est mort. L’expérience totale a duré moins d’une seconde. Une
seconde qui, pour Cooper, a duré plus d’une demi-heure. <o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">En général, quand on joue à un
jeu vidéo, c’est plutôt l’effet inverse qui se produit : on croit n’avoir
joué que quelques minutes, alors que ça fait déjà une heure. Ce vécu du temps
est ce que nous avons appelé plus haut la « durée » : ce terme
est en réalité celui de Bergson dans les <i>Essais sur les données immédiates
de la conscience</i>, où il remarque que le temps des horloges, le temps social
et objectif, ne représente pas un passage du temps véritable mais plutôt une
simultanéité des mouvements. Dire : je te donne rendez-vous à telle heure
signifie : quand l’aiguille de nos deux montres, qui sont simultanées, sera
à tel <i>endroit</i> du cadran, il faudra que nous soyons également à tel <i>endroit</i>.
Il s’agit de lieu de d’espace, non de temps, car le temps est un vécu : le
temps véritable est plutôt celui que Bergson appelle la durée, et qui peut
varier d’un individu à l’autre. <o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Mais le fonctionnement de
cette expérience virtuelle semble fonctionner plutôt comme un rêve : on
sait que la durée d’un rêve est toujours beaucoup plus longue que le temps
objectif pendant lequel nous avons rêvé. Cette pensée est assez vertigineuse –
du moins, à moi, elle me donne le vertige – car nous avons le sentiment très
clair d’avoir fait un certain nombre d’actions, ce qui a forcément pris un
certain temps, alors qu’il ne s’est passé que quelques secondes.<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Nous retrouvons ce traitement
de la durée dans l’épisode de Noël, « Blanc comme neige », où l’idée
que deux consciences vivront différemment un temps objectif identique est
poussée à son paroxysme. Dans cet épisode, il est possible de séparer une
partie de sa conscience pour la mettre dans une machine : comme cette
machine sera un autre nous, elle sera parfaitement adaptée à satisfaire nos
besoins : elle sait ce que nous voulons pour le petit déjeuner et peut le
préparer à l’avance, de même pour les vêtements, le programme télévisé, etc. Un
autre vertige métaphysique concerne justement ce traitement qui est fait de la
conscience : c’est <i>moi</i> qui suis soit dans mon corps, soit dans la
machine. Mais il est aussi question de temporalité : face à la révolte
quasi inévitable de la moitié de conscience qui se retrouve dans la machine, le
programmateur est en capacité de la déconnecter et de la laisser seule aussi
longtemps qu’il veut. Pour être plus précise : le programmateur peut
décider de faire en sorte que la conscience reste seule pendant ce qui lui
paraîtra être dix ans, alors que cela n’aura duré que quelques minutes de son
point de vue à lui.<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">C’est assez difficile à
décrire, alors je vous invite plutôt à regarder ces deux épisodes, et surtout
l’épisode de Noël. Il est assez long (une heure et demie me semble-t-il) et
plusieurs histoires se superposent, de telle sorte qu’on y traite non seulement
du temps et de la conscience, mais aussi de la justice, des interactions
sociales, etc. Bref, un épisode intéressant qui vous occupera bien jusqu’à
notre prochain article ! <o:p></o:p></p>Carolinehttp://www.blogger.com/profile/04668068891769603817noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8483214527744058505.post-12902660161285054262021-10-23T07:00:00.002+02:002021-10-23T07:00:00.248+02:00Black Mirror, S2E2 : Suis-je responsable de ce dont je n’ai pas conscience ?<p> </p><p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Continuons notre parcours
philosophique au sein de la série <i>Black Mirror</i> avec, aujourd’hui, l’étude
d’un épisode de cette saison que j’ai personnellement beaucoup aimé, le numéro
2 : « La chasse. » Pour ceux qui connaissent l’épisode, vous
vous attendez sans doute à ce que nous parlions de justice, puisque cet épisode
décrit entièrement un châtiment. Ce sera vrai, en partie, puisque notre sujet
exact sera le suivant : « Suis-je responsable de ce dont je n’ai pas
conscience ? » <o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">L’épisode dont nous allons
parler est assez mystérieux au départ et toutes les révélations n’arrivent qu’à
la fin : on comprend alors que l’heure qui vient de passer est une immense
mise en scène à visée cathartique. Pour rappel, la <i>catharsis</i> est un
concept grec qui désigne le fait de purger son âme de toutes ses passions
négatives. Aristote disait que c’est cet effet qui rend la tragédie si
populaire : en regardant, sur scène, les histoires fictives de personnages
immoraux et châtiés, en éprouvant le temps d’une pièce la crainte et la pitié
pour ces héros, nous prenons de la distance avec nos propres vices et
ressortons de là purifiés. La spectacle joué dans cette « chasse »
est encore plus tragique, puisque le héros de la pièce, ou plutôt l’héroïne, ne
sait pas qu’elle joue un rôle : comme le personnage tragique (qui, dans le
cas d’une pièce de théâtre, se distingue de l’acteur), elle ne comprend pas ce
qui lui arrive, pourquoi le destin semble s’acharner sur elle, et n’obtient ces
révélations qu’à la fin (alors que les spectateurs et les autres acteurs, eux,
savent très bien ce qu’il en est).<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Je pense qu’il serait très
intéressant de faire un parallèle beaucoup plus approfondi sur la
représentation du théâtre tragique dans cet épisode, mais cela sort de mes
compétences. Disons que cette introduction sert de petite annonce : si un
spécialiste de la littérature ou de l’Antiquité passe par là et qu’il veut
compléter ma première analyse, je lirai son article avec grand plaisir !<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Maintenant, passons à des réflexions
philosophiques et, surtout, revenons plus précisément à ce qui se passe dans
l’épisode en question. Une femme se réveille dans une maison, totalement
amnésique. Elle ne connaît même plus son nom mais, pour mieux raconter
l’épisode, nous allons le rappeler immédiatement : elle s’appelle Victoria
Skillane. Elle est attachée à une chaise mais parvient à se libérer et explore
la maison. A l’extérieur, elle voit des individus qui la regardent et la
filment avec leur téléphone, accompagnés par des enfants. Peu après, un homme
masqué arrive, sort une arme et se met à lui tirer dessus. Commence alors la
chasse, qui fait le titre de cet épisode. <o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Quelques flashs du passé lui
apparaissent, mais elle reste amnésique tandis qu’elle s’allie avec deux
passants qui n’ont pas l’air de vouloir la filmer, ni la tuer. L’un d’eux
meurt, l’autre fuit avec elle. Son alliée explique qu’un signal envoyé sur les
écrans a rendu les gens fous et que ce serait pour cette raison qu’ils sont
tous en train de filmer. Les deux seules catégories de personnes n’étant pas
affectées sont les chasseurs, ceux qui essaient de les tuer, et elles-mêmes,
qui essaient de fuir. Alors qu’elles tentent d’échapper à un chasseur, un homme
en camionnette passe par-là et les conduit jusqu’à un bois où, selon lui, elles
seront en sécurité. En réalité, cet homme fait partie des chasseurs et les a
amenées dans un piège : des cadavres sont pendus aux arbres et les
spectateurs, avec leurs téléphones portables, sont de retour pour les filmer.<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Après une énième fuite,
Victoria se retrouve dans un lieu sombre où elle arrive à voler le fusil du
chasseur. Elle tente de lui tirer dessus ; mais, à la place du coup de
feu, surgissent des confettis : c’est la fin de la partie de chasse, les
rideaux s’ouvrent et elle se retrouve devant un public qui applaudit. Aussitôt,
on l’attache à une chaise et on lui révèle toute la vérité : Victoria
Skillane avait enlevé une petite fille avec la complicité de son fiancé. Ils
l’ont torturée puis tuée, tout cela en filmant la scène. Le cadavre de la
petite fille a été retrouvé dans la forêt précédemment visitée par Victoria
lors de la chasse. Si son complice a, selon l’opinion, « échappé à la
justice » en se donnant la mort, Victoria est condamnée à revivre
éternellement le calvaire de la fillette : chaque soir, elle supplie qu’on
la tue et, chaque matin, elle se réveille amnésique dans une chambre, parce
qu’on lui a effacé la mémoire.<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Pendant le générique de fin,
nous voyons de quelle façon cette attraction est préparée grâce à l’accueil du
nouveau public. Ils ne doivent pas parler pour donner l’impression qu’il sont
hypnotisés et que ce soit conforme avec le scénario élaboré. Il faut également
garder ses distances, car Victoria est un individu dangereux : bien sûr,
ils seront là pour intervenir avec un taser si besoin, mais cela leur feraient
perdre une journée puisqu’il faudrait alors tout recommencer. Les séquences
durant lesquelles Victoria est à l’écart du public (quand elle est à
l’intérieur de la maison notamment) sont retransmis en direct sur les
téléphones des spectateurs, ce qui leur permet de suivre l’intégralité du
spectacle. <o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Tout ce spectacle n’est donc
qu’un châtiment pour punir un crime. Pour en revenir au lien avec la tragédie,
on peut remarquer que ce châtiment est très proche des représentations des
enfers grecs. Les châtiments mythologiques sont toujours en rapport avec le
crime commis : Tantale, qui a voulu nourrir Zeus avec la chair de son
propre fils, est condamné à une faim éternelle, entouré de nourriture qu’il ne
peut attraper. Pour avoir filmé une fillette en train de se faire torturer dans
les bois, Victoria devrait tous les jours survivre à une course-poursuite la
menant dans les bois, sous les caméras des spectateurs. Toutefois,
contrairement à Tantale qui sait pourquoi il est condamné et peut ressentir sa
peine comme une punition, Victoria n’en a pas la moindre idée. Tous les jours,
elle subit des malheurs dont elle ignore la cause : c’est ce qui rend la
chasse, à ses yeux, fondamentalement injuste. Lorsqu’elle est dans la forêt,
torturée par l’un des chasseurs, elle demande ce qu’elle a fait pour mériter ça
et s’écrie « Je suis un être humain ! »<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Cela nous amène à nous poser
des questions sur la responsabilité, la justice, mais aussi l’identité. La
Victoria Skillane qui a commis le crime et celle qui subit le châtiment
sont-elles encore la même personne ? La Victoria amnésique est-elle
vraiment <i>responsable</i> du meurtre, sachant que la responsabilité désigne
le fait de pouvoir répondre de ses actes, de pouvoir se reconnaître comme
l’auteur de son acte ? Par conséquent, la peine choisie est-elle
juste ? <o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Si le châtiment ressemble
fortement à un châtiment grec, il ne semble donc pas proportionné au crime.
Dans la mythologie, ce genre de châtiment, qui nous condamne à une répétition
éternelle des mêmes gestes, étaient le châtiment suprême donné pour le crime
suprême : l’<i>hybris</i>, qu’on traduit par démesure, et qui consiste,
pour un homme, à se croire supérieur aux dieux. Le cosmos grec est fondé sur
l’équilibre, qui fut atteint au prix de nombreux combat de Zeus contre les
monstres et les titans. Toute tentative de quitter sa place est donc un danger
pour le cosmos entier : un humain qui se prend pour un dieu peut entraîner
le retour du chaos. C’est pour cette raison que les peines administrées sont si
sévères. Bien que le crime de Victoria soit grave, il ne menace pas non plus
l’ordre cosmique. <o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">L’autre problème est celui de
l’identité du criminel. Pour qu’une peine soit juste, il faut évidemment que la
personne punie soit la même personne que celle qui a commis le crime. Dès lors,
nous devons nous poser la question : où se trouve notre identité
personnelle ? Qu’est-ce qui fait que je suis la même personne
qu’hier ? Est-ce mon corps, mon esprit, ma personnalité, mes
souvenirs ? La définition même de la responsabilité semble faire pencher
cette identité vers la mémoire : je suis la même personne qu’hier parce
que je me souviens que c’est bien moi qui ai fait telle ou telle action hier.
C’est pourquoi, dans un scénario comme celui de <i>Freaky Friday</i>, la
véritable Anna n’est pas le corps d’Anna, mais l’esprit d’Anna qui est dans le
corps de Tess. Du point de vue de cette définition de l’identité personnelle,
on ne peut pas dire que la Victoria qui est punie est bien celle qui a commis
le crime : on punit le <i>corps</i> de Victoria. Reste que c’est ce qu’on
fait dans le domaine juridique : on cherche des empreintes, des fragments
d’ADN, pour retrouver non pas l’esprit du criminel mais bien le corps qui a commis
le crime et c’est ce même corps qui ira en prison. Evidemment, la plupart du
temps, le corps et l’esprit sont ensemble.<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Le problème se pose dans les
cas extrêmement rares de troubles de la personnalité multiple. Dans un tel cas,
nous parlons bien de « personnalité multiple », nous considérons donc
bien qu’il y a plusieurs personnes dans un même corps. Si l’une de ces
personnalités commet un crime et que l’autre n’en a non seulement aucune
intention, mais aucun souvenir, est-il juste de mettre ces deux personnes en
prison ? Peut-on punir le corps du criminel, ce qui supposerait qu’au
moins un innocent rejoindrait la prison ? Je vous laisse sur ces
réflexions, et on se retrouve la prochaine fois pour un nouveau vertige
métaphysique…<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>Carolinehttp://www.blogger.com/profile/04668068891769603817noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8483214527744058505.post-24666502464049471132021-10-07T07:00:00.006+02:002021-10-07T07:00:00.171+02:00Black Mirror, S2E1 : Peut-on concevoir l'homme comme une machine ?<p> </p><p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">De retour pour notre nouvelle dissertation illustrée par la série <i>Black
Mirror</i>, dont la saison 2 s’ouvre avec un épisode extrêmement populaire et
marquant (du moins il me semble être populaire et marquant, parce que j’ai eu
beaucoup d’élèves qui l’ont déjà cité dans une dissertation sur la
technique !)<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">« Bientôt de retour » est l’histoire tragique d’Ash et Martha,
un jeune couple qui va se retrouver dramatiquement séparé lors de la mort
d’Ash. Heureusement, dans l’univers de cet épisode, il existe une application
qui permet de parler avec les morts. Ou plutôt, avec un robot qui, grâce aux
informations que nous postons sur les réseaux sociaux, est capable de
reproduire une image fidèle de celui qu’on était de notre vivant, pour nous
imiter une fois qu’on n’est plus là. Plus encore, il est désormais possible de
déplacer ce robot dans un corps artificiel et ainsi ramener complètement celui
qu’on a perdu. <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">Pendant tout l’épisode, un parallèle est fait avec le mythe du vampire.
Même si ce n’est pas ce qui va nous intéresser aujourd’hui, je voudrais quand
même en dire quelques mots parce que je trouve très originale cette idée de
reconstruire le mythe du vampire à partir de la technologie. Au tout début de
l’épisode, Martha reproche à Ash d’être « vampirisé » par son
téléphone. Métaphore intéressante, quand on pense que le vampire est celui qui
aspire notre vie (le sang) pour revenir d’entre les morts. Le téléphone d’Ash,
l’usage qu’il en fait et sa façon d’y exposer toute sa vie sont bien ce qui va
lui permettre de revenir sous une autre forme après sa mort. Vient alors une
copie de lui-même, un être qui a l’air vivant mais ne l’est pas vraiment, un
véritable mort-vivant technologique. Comme le vampire souvent décrit comme très
séduisant, ce nouvel Ash est parfait : Martha remarque qu’il ressemble à
Ash dans ses bons jours. Le robot Ash lui explique que c’est normal, puisqu’il
a été fait à partir des photos en ligne, et que sur les réseaux on ne met que
les photos les plus flatteuses. Il n’a pas besoin de dormir, ni de respirer. Il
peut faire semblant : mais ce n’est plus une nécessité biologique.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">Passée la métaphore vampirique, nous pouvons nous intéresser à la
question de « l’homme-machine », un concept initié au XVIIème siècle
par philosophie La Mettrie, à la suite de la célèbre théorie de
« l’animal-machine » de Descartes. Dans le <i>Discours de la méthode</i>,
Descartes compare les productions techniques de l’homme avec celles de la
nature, qu’il considère comme les productions de Dieu. L’homme est capable de
fabriquer des automates, des machines qui fonctionnent par elles-mêmes. On
pourrait très bien donner à ces automates la figure d’un singe ou d’un oiseau.
Bien sûr, le singe-robot se distinguerait facilement d’un singe réel, mais
l’homme est un être imparfait, sa copie sera donc imparfaite. Dieu, en
revanche, est parfait et omnipotent : il a donc très bien pu produire
également des automates, comme les hommes, mais des automates parfaits,
c’est-à-dire les animaux. Descartes propose ainsi une explication purement
matérialiste du vivant : nul besoin de la notion d’âme pour expliquer le
comportement des animaux, dont on peut entièrement rendre compte de façon
mécanique.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">Cependant, Descartes n’ose pas aller jusqu’à une explication mécanique de
l’être humain. En bon chrétien, il considère que Dieu a donné à l’homme une âme
et surtout le libre-arbitre, la capacité de choisir entre le bien et le mal. C’est
La Mettrie, à la même époque, qui prolongera la réflexion de Descartes en
soutenant que l’homme peut tout aussi bien être expliqué de façon matérielle,
et créera ainsi le concept d’« homme-machine ». <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">Face à un automate parfait à figure humaine, pourrait-on se rendre compte
qu’il s’agit d’un robot et non d’un humain<span style="mso-spacerun: yes;">
</span>véritable ? Pour Descartes, il est clair que non : aussi
ressemblant soit-il, il manquera toujours quelque chose à l’automate qui fera
que nous ne pourrons être dupes, alors qu’un automate parfait à figure animale
fera totalement illusion. Voyons ce qu’en dit notre épisode, « Bientôt de
retour » : la copie de Ash pourra-t-elle faire office de remplaçant ?
<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">La réponse sera clairement non : malgré les similitudes, Martha ne
cessera de se plaindre de ces petits détails qui prouvent que ce n’est pas le
vrai Ash qui est devant elle. Bien sûr, il y a les problèmes purement
physiques : le fait qu’il n’ait besoin ni de manger, ni de respirer, ni de
dormir. Au début, quand elle parle avec lui par chat ou téléphone, elle est
impressionnée par la ressemblance et dit même : « C’est tout à fait
le genre de truc qu’il aurait dit. » Mais très vite, on se rendra compte
que si le robot arrive à imiter une partie de la personnalité d’un être humain,
ce ne sera toujours qu’une partie. Les problèmes commencent alors qu’elle n’en
est encore qu’au stade du téléphone : alors qu’elle s’approche d’une
falaise où ils sont déjà allés ensemble, elle lui rappelle que ce jour-là, il
lui avait dit qu’à l’époque victorienne, des couples maudits avaient sauté de
cette falaise pour se donner la mort. Le robot-Ash du téléphone la
corrige : en fait, tous ceux qui ont sauté de cette falaise ont sauté seuls,
il n’était pas question de couple. Comment le sait-il ? Il vient de
vérifier l’information sur Wikipédia. Martha est gênée. Pourquoi une simple
vérification en ligne la met dans cet état ? Parce que c’est un signe
évident que la « personne » avec qui elle parle n’est pas humaine. Un
être humain est limité : il ne peut pas tout savoir, il se trompe parfois,
comme le vrai Ash s’est trompé au sujet de cette falaise. Seul un robot peut
tout savoir ainsi. En revanche, si le robot est capable de tout savoir en ce
qui concerne la culture générale, il ne possède pas tous les souvenirs qu’un
petit ami est censé avoir. Quand la sœur de Martha vient lui rendre visite, il
ignore que c’est sa sœur et la prend pour une amie : une erreur que
n’aurait jamais pu faire le vrai Ash. <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">Cependant, le vrai problème du robot vient du fait qu’il est totalement
incapable d’improviser à la manière de Ash. A chaque fois que Martha est
perturbée, il demande « Ce n’est pas le genre de chose que j’aurais
dit ? » : programme inclus dans le robot pour être encore plus
ressemblant. Mais le problème vient justement du fait qu’il cherche une
logique. Il cherche un moyen de savoir à coup sûr ce qu’aurait fait Ash dans
n’importe quelle situation. Malheureusement, cela est impossible : alors
que le robot vise une rationalité sans faille, l’être humain est parfois
illogique, irrationnel, imprévisible. Et face aux situations nouvelles, il est
totalement incapable de réagir : quand Martha, en colère, lui dit de
quitter la chambre et qu’il le fait spontanément alors qu’elle aurait attendu
du vrai Ash qu’il essaie de discuter avant ; quand elle le frappe, elle
est certaine que Ash n’aurait pas réagi comme lui, même si elle est incapable
de dire précisément ce qu’il aurait fait ; quand elle l’emmène sur la falaise
des couples maudits et qu’il attend de savoir ce qu’elle a dans la tête, elle
sait que Ash aurait deviné.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">La capacité d’improvisation et d’adaptation face à des situations
nouvelles semble un propre du vivant. Un robot extrêmement perfectionné peut
apprendre à intégrer de nouvelles données par lui-même, mais on a le sentiment
qu’il manquera toujours quelque chose. C’est ce qui faisait dire à Descartes
que la raison et le langage étaient le propre de l’homme : le langage au
sens fort, c’est être capable de produire du contenu nouveau à partir des mots.
Mais pour développer ce sujet, je vous renvoie plutôt à un épisode de mon
podcast Geekosophie Magazine sur la méchante sorcière de l’ouest du Magicien
d’Oz, que vous trouverez sur un de ces liens (et toutes les autres plateformes
d’écoute) :<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: center;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><a href="https://www.youtube.com/watch?v=WojQPJEjS4U&list=PLnvfdIDPlEcwxkSuO3PX5oEW_yENbS738&index=1">YOUTUBE</a><o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: center;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><a href="https://open.spotify.com/episode/2PnM3cFfm5XYRcdNPGWrUj?si=-REOfHudTsefDYzc9j9AmQ&dl_branch=1">SPOTIFY</a><o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: center;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><a href="https://podcasts.apple.com/us/podcast/elphaba-et-descartes/id1564071330?i=1000525705825">APPLE PODCAST</a><o:p></o:p></span></p><p class="MsoNoSpacing" style="text-align: center;"><a href="https://deezer.page.link/zYZmpmuvxqB2ZdVn9">DEEZER</a><br /></p>Carolinehttp://www.blogger.com/profile/04668068891769603817noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8483214527744058505.post-21272103747638246462021-09-23T07:00:00.001+02:002021-09-23T07:00:00.216+02:00Black Mirror S1E3 : Y a-t-il une vertu de l'oubli ?<p> </p><p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">Nous voilà de retour pour notre série de dissertations illustrées par des
épisodes de la série <i>Black Mirror</i>. On zappe un épisode, pour passer
directement à l’épisode 3 de la saison 1, appelé « Retour sur
image », que nous allons utiliser pour répondre à la question
suivante : y a-t-il une vertu de l’oubli ? <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">Si la question se pose, c’est parce qu’on considère immédiatement l’oubli
comme quelque chose de négatif. Le terme négatif peut s’entendre de deux
façons. Le sens que vous avez probablement perçu en premier quand j’ai dit que
l’oubli était négatif, c’est le sens « mauvais » : l’oubli est
quelque chose qui n’est pas bien, qu’on ne veut pas et qu’on préfèrerait
éviter. Effectivement, l’oubli est souvent compris comme une limite à la
faculté humaine qu’est la mémoire. Ce serait la marque d’une imperfection de l’être
humain, de ses capacités : si l’homme est doué de cette faculté
exceptionnelle de se souvenir du passé, cette faculté reste limitée par
l’oubli. Par ailleurs, « négatif » peut aussi s’entendre en son sens
mathématique : négatif signifie que l’on retire quelque chose. Nous serons
toujours d’accord pour dire que l’oubli est une façon de supprimer des éléments
de notre mémoire. L’oubli ne fait qu’enlever et ne nous apporte rien (ce qui
apporte quelque chose, ce sera le « positif », toujours à comprendre
en son sens mathématique). <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">Que l’on prenne l’une ou l’autre de ces définitions, il semble évident
que l’oubli est négatif. L’épisode « Retour sur image » va nous
amener à nous interroger sur ces deux points : d’une part, l’oubli est-il
vraiment une limite aux facultés humaines ? N’est-il pas plutôt une
condition nécessaire à l’existence ? n’avons-nous pas, au fond, besoin
d’oublier ? Est-ce vraiment un défaut de ne pas pouvoir se souvenir de
tout ? D’autre part, l’oubli n’est-il qu’une faculté négative, au sens où
il n’est que disparition de souvenirs et ne nous apporte rien ? L’oubli ne
serait-il pas plutôt une faculté active, une façon dont notre conscience
rejette ce dont nous n’avons pas besoin ou, plus encore, ce qui nuit à notre
existence ? <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">Dans notre épisode, les êtres humains ont désormais la possibilité (bien
que cette possibilité soit presque une obligation sociale, puisqu’on apprend
que ce sont essentiellement les prostituées qui ne le font pas, et que l’on
voit très vite que montrer la rétrospective des semaines précédentes est
nécessaire pour prendre l’avion ou obtenir un emploi) de s’installer une puce
qui enregistre tout ce que l’on voit, entend et ressent. On peut ensuite
facilement, grâce à une petite télécommande, revoir ses souvenirs, au ralenti,
en accéléré, en agrandissant l’image et même en utilisant des mécanismes comme
le fait de lire sur les lèvres. Il est également possible de projeter ses
souvenirs sur un écran pour les montrer à autrui. Cette puce a évidemment comme
premier objectif la compensation de ce handicap naturel que serait l’oubli.
Comme le dit le slogan de la pub pour la mise à jour de la puce :
« La mémoire, c’est pour la vie. » <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">Le personnage principal de l’épisode, Liam, commence sa journée par un
entretien d’embauche, avant de se rendre à une soirée entre amis. Obsédé par
cet entretien, il passe tout le trajet du retour à visionner les images dans sa
mémoire, jusqu’à analyser le moindre mouvement de sourcil ou de bras de
l’employeur pour essayer de trouver des indices. Cette obsession continuera
même pendant la soirée, où ses amis lui proposeront de partager son souvenir
pour qu’ils puissent tous lui donner son avis. Mais si tout l’épisode montre la
façon dont l’obsession de Liam pour le détail va se développer, son entretien
d’embauche va vite être occulté par un autre problème : l’attitude de sa
femme, pendant la soirée, avec un certain Jonas.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">Dans une telle société où personne n’oublie rien, où tout peut être revu,
agrandi ou interprété, plus rien ne peut être laissé au hasard. Au quotidien,
je n’ai pas continuellement la crainte de dire un mot de travers ou d’avoir,
par exemple, une réaction d’ennui ou de dégoût lors d’un entretien ou d’une
soirée. D’une part, parce que je sais ce sera vite oublié. Le terme
« oubli » ne désigne pas seulement ce qui disparaît de la mémoire.
Dire « c’est oublié » peut aussi bien signifier « c’est
pardonné ». Or, l’oubli au sens du pardon est également rendu impossible
par cette mémoire amplifiée : on voit une scène de dispute entre Liam et
sa femme, pendant laquelle une insulte lui échappe. Insulte enregistrée dans la
puce de sa femme, qui ne manque pas de lui repasser l’extrait de ce qu’il vient
de dire pour lui signifier que cette erreur ne sera jamais effacée. D’autres
exemples sont utilisés dans l’épisode : plus de dispute sur qui a dit
quoi, il suffit de repasser le souvenir ; plus de mensonge possible ou de
mauvaise foi sur ce qui s’est passé tel ou tel jour, puisque toutes les preuves
sont conservées. Plus moyen de dire « c’est une histoire passée »
puisque, comme le fait remarquer Liam lui-même, le passé sera toujours présent
grâce à la puce. <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">D’autre part, si je ne fais pas attention au moindre de mes gestes, c’est
parce que je sais qu’on ne va pas forcément remarquer tout ce que je fais. La
puce qui a d’abord pour but la conservation de la mémoire a donc un autre
effet : l’amélioration de la perception. De même qu’on ne peut pas se
souvenir de tout, on ne peut pas tout remarquer : on ne voit que ce que
l’on regarde directement, ce sur quoi on se concentre. La perception, comme la
mémoire, est sélective. Est-ce, à nouveau, une limite de l’humain ? On
pourrait l’interpréter ainsi. Cependant, le philosophe John Locke, dans les <i>Essais
sur l’entendement humain</i>, remarque que si notre perception était
« plus parfaite », nous ne pourrions plus percevoir du tout. Quand je
regarde une horloge, je ne vois pas tous les détails qui la compose : de
loin, je ne vois pas forcément toutes ses fissures et imperfections. De près,
je ne vois pas l’ensemble des molécules et atomes qui la constituent. Mais si
je pouvais voir cet ensemble de molécules, je ne pourrais plus lire
l’heure : parfois, face à trop de détails, je ne vois plus l’objet dans
son ensemble et je dois reculer pour mieux voir. Notre perception n’est donc
pas parfaite, mais adaptée à l’action. Or, grâce à cette puce, ma perception
est encore améliorée et je peux revoir tout ce que je n’ai pas eu le temps de
voir sur le moment. <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">Dès lors, je ne peux plus, de mon côté, me dire que mon ennui manifeste
ne sera pas perçu parce que je reste dans mon coin : je suis comme
continuellement filmé. Or, quand je me sais filmé, je fais attention à mes
gestes. C’est ce qui conduit, entre autres, l’hôte de la soirée à rire bêtement
tout au long de l’apéritif et du dîner, parce qu’elle sait qu’elle sera jugée,
que le moindre de ses comportements sera interprété pour savoir si elle a
apprécié les invités ou non. Et c’est justement ce qui se passe quand Liam et
sa femme rentrent chez eux : ils analysent son comportement et en tirent
des conclusions. <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">Pendant la soirée, Liam ne remarque pas tout. Il ne perçoit pas tout. Ce
n’est qu’au matin, en regardant soigneusement le vidéo de ses souvenirs, en
utilisant la perception améliorée (lecture labiale, agrandissement, ralenti qui
permet de s’attarder sur l’ensemble de la scène et non sur un point précis du
champ visuel), qu’il comprend que sa femme est bien l’amante de Jonas.
Découverte qu’elle ne peut pas nier, puisqu’il peut la forcer à montrer ses
souvenirs. Et si les gens ont bien le contrôle de leurs souvenirs, s’ils
peuvent effacer ceux dont il ne veulent pas se rappeler, cela laisse un trou
dans leur historique : alors, il n’est plus possible de douter du fait que
quelqu’un soit en train de cacher une information. <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">Que faut-il donc conclure de cet épisode ? L’oubli est-il une limite
de notre faculté qu’est la mémoire ? L’oubli est-il négatif, au sens
ordinaire, c’est-à-dire au sens de mauvais ? Sans oubli, plus d’erreur
possible. Difficile de mentir puisque la moindre de nos expressions peut être
analysée. Mais sans oubli, pas de pardon. Pas de sincérité possible : tout
ce que je fais fera toujours partie d’un rôle joué pour qu’on ne puisse jamais
rien me reprocher. <o:p></o:p></span></p>Carolinehttp://www.blogger.com/profile/04668068891769603817noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8483214527744058505.post-66369835263923928442021-09-07T07:00:00.017+02:002021-09-09T07:29:23.306+02:00Black Mirror S1E1 : Peut-on être insensible à l'art ?<p> </p><p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">Bonjour et bienvenue dans cette nouvelle série d’articles de philosophie
sur des séries. Après <i>Buffy contre les vampires </i>(dont vous trouverez
tous les articles sur <a href="https://carolinegiraud.blogspot.com/search/label/Buffy%20contre%20les%20vampires%20%28analyses%29">cette page</a>), nous allons étudier la série <i>Black Mirror</i>.
Il y a évidemment beaucoup de choses à dire sur cette série et tous les
épisodes pourraient donner lieu à une réflexion philosophique. Je ne vais pas
parler de tous les épisodes, ce serait répétitif dans les thèmes abordés. A la
place, et pour changer de la dernière série d’articles, je vais plutôt proposer
à chaque fois un sujet de dissertation (qui sont de véritables sujets de bac)
et le traiter à partir de l’épisode choisi. Cela permettra aux éventuels
lycéens qui passent par-là de voir de quelle façon on peut utiliser les
épisodes de <i>Black Mirror</i> pour illustrer un argument dans un sujet de
dissertation. <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">Evidemment, cette série d’articles sera 100% spoils, surtout qu’un
certain nombre d’épisodes de la série restent mystérieux jusqu’aux révélations
finales. <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">Pour ce premier article, je vais parler du très frappant premier épisode
de la série, qui s’appelle « l’hymne national ». Nous traiterons le
sujet : « Peut-on être insensible à l’art ? » Avant de
parler de l’épisode, une rapide analyse du sujet : être « insensible »
à l’art peut se comprendre en deux sens. Insensible peut signifier
indifférent : autrement dit, on peut se demander s’il est possible de
n’éprouver aucun intérêt pour le domaine artistique. Cela semble évidemment
possible. L’autre façon de comprendre « insensible », c’est le fait
de n’éprouver aucune sensation quand on est mis face à une œuvre d’art. De ce
point de vue, on peut se demander si l’art ne provoquer pas nécessairement
quelque chose sur le spectateur (ne serait-ce que l’indifférence elle-même, qui
reste un sentiment). <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">Maintenant que le sujet est éclairci, parlons un peu plus précisément de
cet épisode, qui commence par le visionnage d’une vidéo trouvée sur YouTube. La
très populaire princesse Susannah a été enlevée et le ravisseur accepte de le
libérer à condition que le premier ministre britannique ait un rapport sexuel
consommé et non simulé avec un porc, sans trucage, diffusé en direct sur tous
les médias du Royaume-Uni. Même si nous ne l’apprenons qu’à la fin, le
ravisseur est en réalité Carlton Bloom, un artiste dont l’exposition
controversée a récemment été annulée : la rançon demandée est pour lui une
façon de mettre en scène une performance artistique. La vidéo de la princesse
dictant les consignes, mise sur YouTube, et tout le débat médiatique sur ce que
doit faire ou non le ministre, débat qui occupera la télévision toute la
journée, font également partie du spectacle. <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">Même si c’est une révélation finale, plusieurs indices laissent entendre,
au cours de l’épisode, qu’il s’agira bien d’une performance artistique.
Premièrement, le nom de Bloom est évoqué en tout début d’épisode. La vidéo
YouTube a évidemment été vue par beaucoup de monde et un couple s’étonne que la
télévision ne parle pas de cette affaire. Ils allument le journal et on entend
alors dire qu’on a mis fin à l’exposition controversée de Carlton Bloom.
L’information laisse évidemment indifférents les deux amants, qui ne s’intéressent
qu’à cette histoire de rapport sexuel avec un porc. Le domaine artistique les
laissent donc bien <i>insensibles</i>. L’art, en effet, est de l’ordre de l’inutile
ou de l’imaginaire. Alors que la politique, ce dont ce couple veut entendre
parler à la télévision, affronte directement la réalité. On voit ici très vite
que l’on peut très facilement être insensible, au sens d’indifférent, à l’art. La
force de cet enlèvement tient justement au fait que l’on soit indifférent à
l’art : personne ne le soupçonne, car tout le monde cherche un opposant
politique ou un terroriste. Personne ne cherche un artiste, trop ignoré dans la
société. <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">Comme pour s’opposer justement à toute représentation qui serait vue
comme artistique, les médias, en préparant ce qu’ils vont dire pour présenter
l’affaire en cours, font en sorte que sa présentation soit la plus formelle
possible. Il est demandé, notamment, à ce qu’il n’y ait pas de cochon en
arrière-plan mais que l’image soit la plus simple possible. Même si les médias
réfléchissent bien sûr à leur arrière-plan et aux détails de ce qu’ils vont
présenter, cette attention à tout ce qui entoure l’acteur, à tous les détails,
cette construction d’un lieu précis et au service de l’histoire relève bien du
domaine artistique. Ils veulent s’en séparer pour éviter justement que cette
rançon soit donnée en spectacle, mais ils ne savent pas qu’ils sont déjà dans
le spectacle. <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">Un autre indice apparaît dans une scène où les soignants d’un hôpital,
dont la jeune femme du couple apparu au début, regardent la télévision et
entendent le détail des conditions de tournage de la vidéo du ministre. Un des
infirmiers remarque que ces règles (à savoir l’absence de trucages, l’absence
de musique, le réalisme) correspondent au « Dogme 95 », un ensemble
de règles cinématographiques proposées par Lars von Trier. Pendant ce temps,
les réalisateurs essaient de contourner ces règles en embauchant un acteur sur
lequel ils pensent artificiellement faire apparaître le visage du ministre. Une
actrice est invitée au journal télévisé pour donner son avis. La place du
cinéma est importante, et pourtant personne ne soupçonne un artiste d’être à
l’origine du chantage. C’est à ce moment qu’une nouvelle vidéo est envoyée par
le ravisseur, accompagné d’un doigt coupé : il leur a interdit de faire
usage de trucages quelconques, façon pour lui de rappeler que l’art ne devrait
pas avoir besoin de trucages, mais plutôt être authentique. <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">Arrive alors la fin de l’épisode et la libération de la princesse une
demi-heure avant la fin de l’échéance. Pendant ce temps, le ministre et son
équipe se préparent à affronter la rançon. Evidemment, toute la ville a les yeux
braqués sur la télévision. Personne ne remarque donc que la princesse est libre
et qu’il n’y a plus aucune raison de tourner cette scène. Carlton Bloom savait
parfaitement que personne ne serait dans la rue à ce moment, parce que si l’on
peut être indifférent à l’art en général, <i>personne</i> n’aura été insensible
à la diffusion en direct de ce coup de tonnerre artistique. Mais quand la
conseillère du ministre apprend la vérité, sa réaction est de dire :
« Il ne s’agissait que de ça : faire passer un message. » La
tournure de la phrase indique que pour elle, il n’y a rien de sérieux dans une
performance artistique. D’ailleurs, elle montre clairement qu’elle n’y a rien
compris : il n’y a pas de « message » à l’art. L’art exprime des
choses, certes, mais ce sont les médias qui font passer des messages. Le
problème est là : tous ont cherché un sens à ce qui était en train de se
passer. Tous ont voulu que cela signifie quelque chose, alors qu’il n’y avait
d’autre sens que la performance elle-même. C’est bien pour cette raison qu’on
peut être indifférent à l’art : il est inutile. Tout ce qui s’est passé
dans l’épisode n’aura effectivement servi à <i>rien</i> : c’est cette dure
réalité qu’ils choisissent de cacher au ministre à la fin, pour qu’il
n’apprenne jamais que cet acte traumatisant était inutile.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">Par cette mise en scène, Carlton Bloom combat trois choses.
Premièrement, la censure de ses œuvres : cette fois, son « œuvre »
sera diffusée partout et en direct. Deuxièmement, le fait que personne ne
s’intéresse à ses productions, ce qui était visible en début d’épisode, quand
la télévision parlait de la fin de son exposition et que le couple attendait
d’autres informations : cette fois, tout le monde regarde. Même si, au fur
et à mesure de la scène, les spectateurs montrent soit leur choc, soit leur
peine, reste que tout le monde continue à regarder : y-compris quand
l’infirmière veut éteindre la télévision et que son collègue l’en empêche.
Troisièmement, il combat le fait que l’art ne soit pas pris au sérieux :
même si c’est le cas au début, et que parmi les spectateur on voit un groupe
en rire, bière à la main, comme s’il ne s’agissait que d’un vulgaire
divertissement, cette première attitude va vite laisser place à des expressions
beaucoup plus graves. <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">Carlton Bloom mourra le même jour (probablement un suicide) et un célèbre
critique d’art considèrera que cette mise en scène est « la plus grande
manifestation artistique du XXIème siècle ». Bloom aura réussi à montrer
que personne n’est insensible à l’art, grâce à cette œuvre auxquels tous, y-compris
les spectateurs en participant activement (puisque le fait qu’ils soient tous
devant leur télévision faisait partie des conditions pour la réussite de cette
performance), auront participé. <o:p></o:p></span></p>Carolinehttp://www.blogger.com/profile/04668068891769603817noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8483214527744058505.post-57407590249641118782021-08-22T15:07:00.002+02:002021-08-22T15:07:42.688+02:00Le Bug humain : neurologie, écologie et philosophie<p> </p><p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">Les
vacances se terminent, occasion d’une chronique sur un livre de neurologie. J’ai
déjà parlé de Sébastien Bohler, dont j’ai lu les deux romans <a href="https://carolinegiraud.blogspot.com/2020/08/neuroland-science-ou-politique.html">Neuroland</a> et <a href="https://carolinegiraud.blogspot.com/2020/09/lhomme-qui-haissait-le-bien-neuroland.html">L’homme qui haïssait le bien</a>. C’est parce que j’ai adoré ces romans
qu’on m’a recommandé <i>Le bug humain</i>, un essai cette fois, sur la pollution
et l’environnement. J’avoue que j’avais un peu peur au début, parce que j’ai du
mal avec la propagande « écologiste » très à la mode, bien que ces
questions m’intéressent quand elles sont traitées d’un point de vue
scientifique – ce qui était exactement le cas avec ce livre, d’où le fait que
je le recommande !<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">Bien
qu’il soit présenté comme un livre sur l’écologie (marketing…), il s’agit bel
et bien d’un traité de neurologie. Il explique le fonctionnement d’une zone
particulière du cerveau, le striatum, et montre que cette petite zone de notre
cerveau est entièrement responsable du cycle production-consommation excessif
dans lequel nous vivons. Les explications sont très simples et accessibles (c’est
le premier livre de neurologie que je lis et j’ai tout compris) et elles
mettent en avant le fait que la science actuelle réfléchi à des questions vieilles
de plusieurs siècles. <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">Plutôt
qu’une chronique qui n’apporterait pas grand-chose, je vous en propose une
petite synthèse, en espérant que cela vous donnera envie d’en savoir plus en
lisant directement le livre. Bohler commence par exposer les objectifs primaires
du cerveau humain, objectifs liés à la survie : manger, se reproduire et
acquérir du pouvoir avec un minimum d’effort. Tels sont les trois buts de notre
cerveau, gérés par ce qu’on appelle le striatum : c’est une partie du
cerveau qui n’est, chez l’homme, pas plus développée que celle d’un rat ou d’un
singe. Autrement dit, le striatum de l’homme n’a pas évolué ; en revanche,
le cortex de l’homme est devenu immense : c’est ce déséquilibre qui va
poser problème.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><b><span style="font-size: 12.0pt;"><o:p> </o:p></span></b></p><p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><b><span style="font-size: 12.0pt;"></span></b></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><b><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhK0j39cHdBFNGXBmxaYXaY6_RZU1gpX4E-XzBhOOhKF9H7DCkXFeVmaEa_HemlnNVPLgla2_ZHXaYHiXAscw6x7zXkMJCBXElpNzgrIYbn-d6IdDptBcsqP928bjEF1bRcrYPEQpJDxeqX/s2048/238552825_3045704158980935_7106084351528569714_n.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="2048" data-original-width="2048" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhK0j39cHdBFNGXBmxaYXaY6_RZU1gpX4E-XzBhOOhKF9H7DCkXFeVmaEa_HemlnNVPLgla2_ZHXaYHiXAscw6x7zXkMJCBXElpNzgrIYbn-d6IdDptBcsqP928bjEF1bRcrYPEQpJDxeqX/w320-h320/238552825_3045704158980935_7106084351528569714_n.jpg" width="320" /></a></b></div><b><br /><o:p><br /></o:p></b><p></p><p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><b><span style="font-size: 12.0pt;"><o:p><br /></o:p></span></b></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">Le
livre est construit en trois parties : dans un premier temps, l’auteur
explique le fonctionnement de ce striatum. Dans un deuxième temps, il explique
en quoi il est responsable de notre incapacité à maîtriser le cycle de
production-consommation dans lequel nous sommes pris au piège et qui conduit à
la destruction de la planète. Enfin, dans une troisième partie, il propose deux
solutions pour essayer d’y remédier malgré tout.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">Voici,
de façon très résumée, le fonctionnement du striatum : les neurones du
striatum libèrent de la dopamine, la molécule qui produit le plaisir, chaque
fois qu’un des objectifs primaires listés précédemment est satisfait. C’est ce
phénomène qui nous pousse à l’action, ce qui n’est pas un mal puisque ces
objectifs sont tous nécessaires à la survie générale de l’espèce. Bohler cite
même une expérience faite sur des souris à qui on a enlevé les neurones qui
produisent la dopamine : une fois l’opération effectuée, les souris
cessaient de s’alimenter, même si elles avaient faim (ce qui peut se mesurer
objectivement à partir des réactions de leur estomac). En effet, malgré la
faim, les souris n’avaient plus l’<i>envie</i> de manger et se laissaient
mourir. Le striatum humain fonctionne comme celui des souris puisqu’il n’a pas
évolué : c’est donc aussi lui qui nous pousse à l’action. <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">La
différence, comme je l’ai évoqué avant, c’est que l’être humain est doué d’un
cortex beaucoup plus développé que celui des autres animaux. Le cortex est ce
qui permet le langage, l’intelligence, l’imagination ou encore les
constructions techniques. Le problème, c’est que cet outil formidable de notre
cerveau est sous le contrôle du striatum : il sera donc essentiellement
utilisé pour assouvir ces mêmes objectifs primaires, de façon totalement disproportionnée.
Pour expliquer cette disproportion, Bohler approfondit l’étude du striatum,
dont le fonctionnement est plus complexe qu’une simple production de plaisir
quand nous avons à manger. <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">En
fait, le striatum utilise un système de récompenses : il anticipe le résultat
de l’action que nous allons faire et réagit différemment selon si le résultat réel
est conforme ou non à l’anticipation. Si le résultat est inférieur à ce qui a
été anticipé, le striatum nous envoie un « châtiment », qui peut se
traduire par un sentiment de peine ou une baisse de l’estime de soi. Si le
résultat est supérieur à ce que le striatum avait anticipé, il libère de la
dopamine, provoquant du plaisir. Enfin, si le résultat est conforme à l’anticipation,
il ne se passe rien. Or, là est tout le problème : on ne peut se contenter
de ce que l’on a, ou de rester au même niveau de vie, car dans ce cas nous n’obtenons
pas la récompense de notre cerveau. C’est pourquoi il nous en faut toujours
plus : plus d’argent, plus de <i>like</i> sur les réseaux sociaux, plus de
nourriture, plus de confort (n’oublions pas que le cerveau cherche aussi à
faire le moins d’efforts possibles).<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">Cette
idée m’a particulièrement intéressée parce qu’elle reprend, dans le langage
scientifique contemporain, une thèse très célèbre du philosophe Schopenhauer du
XIXème siècle. Schopenhauer est connu pour son pessimisme et sa vision plutôt
déprimante de l’existence humaine. Selon lui, l’homme ne peut pas trouver le bonheur,
parce qu’il est prisonnier du désir. Le désir est une souffrance, parce qu’il
est l’expression d’un manque (en effet, je désire uniquement ce que je n’ai
pas) ; c’est une souffrance infinie, car à peine un désir est satisfait,
un nouveau renaît. On voit à présent l’explication neurologique de ce phénomène :
à chaque fois que j’ai obtenu ce que je désirais, le striatum augmente son
niveau d’exigence et, pour le même niveau de plaisir, il m’en faudra plus la
prochaine fois. <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">Dans
la troisième partie du livre, Bohler propose deux solutions pour essayer de
contrer malgré tout ce phénomène inconscient qui nous force à agir et désirer.
Les deux solutions sont très proches de celles proposées, entre autres, par
Platon ou Bergson. Il commence par remarquer que les religions ont toujours été
des tentatives de détournement de ces besoins primaires (notamment sexuels,
même s’il remarque que les sept péchés capitaux ont bien tous un lien avec les
objectifs primaires du cerveau), ce qui fait écho à un autre livre que j’ai lu
en parallèle, <i>De la démocratie en Amérique</i>, où Tocqueville rappelle l’importance
de la religion dans ce nouveau système politique qu’est la démocratie : si
l’égalité conduit les hommes à faire excès des biens matériels (parce qu’il
savent pourvoir posséder plus, ils en attendent plus), la religion
ultra-présente aux Etats-Unis du XIXème siècle leur permet de garder en vue
quelque chose de spirituel, qui temporise cette frénésie de la jouissance. Cependant,
la religion n’a pas réussi, à long terme, à s’opposer complètement au striatum,
car la force de la volonté est insuffisante face à des millions d’années d’évolution
de notre cerveau.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">La
première solution consiste à prendre le striatum à son propre jeu : non
pas s’y opposer, ce qui serait vain (refuser tout désir ne fonctionne pas),
mais détourner ses efforts vers l’altruisme ou la connaissance plutôt que vers
les besoins primaires. Les études montrent que le système de récompense du striatum
s’active également avec la connaissance (apprendre quelque chose, réussir un
exercice de maths, obtenir les félicitations de ses parents ou un bon point à l’école
libère également de la dopamine) et avec l’altruisme, pourvu que l’éducation
ait été en ce sens (quand un parent félicite son enfant d’avoir partagé son
gâteau avec son voisin, il conditionne le striatum de l’enfant à s’activer
quand il fait quelque chose de bien). Dans un dialogue appelé le <i>Phèdre</i>,
Platon décrit l’âme humaine comme un attelage composé d’un cocher et de deux
chevaux : un cheval, la raison, est calme et obéit au cocher, tandis que l’autre,
la passion, est un cheval fou qui court dans tous les sens. A la place du
cocher, il ne faudrait pas essayer de retenir le cheval fou, car nous n’aurions
pas assez de force (de même que je ne peux m’opposer à mon striatum
indéfiniment, quand il provoque chez moi l’envie de manger). Ce qu’il convient
de faire avec ce cheval fou, c’est de l’amener à suivre la même voie que le
cheval calme : il faut que nos passions s’alignent sur la raison. Ainsi,
je n’ai pas de sentiment de frustration, puisque j’assouvis mes passions ;
il n’y a pas non plus de danger, puisque ces passions sont dirigées sur ce qui
est bien.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">L’autre
solution proposée consiste à essayer de prendre conscience de ce qui est
inconscient. Le fonctionnement du striatum et les actions qu’il nous conduit à
faire sont en effet inconscientes (au sens de Bergson, c’est-à-dire mécanique) :
la plupart du temps, nous mangeons en discutant, en regardant la télé, en pendant
à autre chose, mais nous ne prenons jamais pleinement conscience de notre
action de manger. Peut-être faudrait-il alors reprendre conscience de nos
actions : réfléchir à ce que nous sommes en train de faire quand nous
mangeons, y penser, profiter pleinement de notre action et prendre du plaisir à
cela au lieu de rester dans l’automatisme.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">J’espère
que ma synthèse est fidèle au livre (il me semble avoir bien compris, mais
malheureusement, on n’est jamais à l’abri d’une erreur…) et surtout qu’elle vous
donnera envie de vous y plonger. Si cela vous effraie, sachez que ce n’est pas
un pavé (il fait moins de 200 pages) et qu’il est assez amusant : il évoque
des expériences personnelles et des expérimentations scientifiques, on ne s’y
ennuie pas. <o:p></o:p></span></p>Carolinehttp://www.blogger.com/profile/04668068891769603817noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8483214527744058505.post-4781687245694252832021-07-30T09:18:00.002+02:002021-07-30T09:18:18.358+02:00La Communauté des esprits, Philip Pullman et moi<p> </p><p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">Je vais profiter de cette chronique sur <i>La Communauté des esprits</i>, deuxième tome de la trilogie de la Poussière de Philip Pullman (préquel et suite de
<i>A la croisée des mondes</i>), pour parler un peu plus précisément de
l’auteur et de son rôle (majeur) dans le début de ma vie d’auteur mi-romancière
mi-philosophe. <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">J’ai découvert Philip Pullman à 13 ans avec <i>Les Royaumes du Nord</i>,
comme beaucoup d’autres. Pour être très<span style="mso-spacerun: yes;">
</span>précise, c’est ma prof de latin qui me l’avait prêté parce que j’étais
sur le point de publier mon premier livre dont l’histoire lui avait un peu
fait penser à ça et qu’elle pensait que je m’en étais inspirée. Enorme
compliment, ce que j’ignorais à l’époque bien sûr. Je ne peux donc pas dire que
c’est Pullman qui m’a donné l’envie d’écrire puisque je l’ai découvert
trop tard. En revanche, je peux dire que cet auteur est mon modèle absolu.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><i><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">Les Royaumes du Nord</span></i><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">
n’ont pas été un coup de cœur. Loin de là. C’est un livre que j’ai lu et bien aimé, sans
plus. Je me l’explique clairement puisque, contrairement à la quatrième de
couverture qui indique « à partir de 10 ans », je pense sincèrement
qu’il est<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>impossible de comprendre
correctement ce livre à cet âge-là. J’avais lu l’histoire d’une petite fille
qui se promenait avec son animal de compagnie, qui rencontrait des ours et des
sorcières. A aucun moment je n’y ai vu des enfants mutilés par l’Eglise parce
que ces derniers craignent de voir apparaître le désir sexuel chez eux. <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">Pourtant, certains éléments de cette lecture m’étaient restés en tête. Et
c’est quelques années plus tard, en découvrant la philosophie, que beaucoup de
choses ont commencé à s’éclairer : la Poussière et le désir, que les
stoïciens ou la morale chrétienne visent à supprimer comme s’il était la source
de nos malheurs ; le concept d’<i>aletheia</i>, la révélation de ce qui est
caché, que dévoile l’aléthiomètre, lecteur de vérité ; le démon de
Socrate, qui lui indique ce qu’il doit faire ou non, que nous avons tous même
s’il est caché, comme le daemon de Will ; le <i>pharmakon</i>, qui désigne
un objet dont on peut avoir un bon et un mauvais effet, qui reflète parfaitement les effets du poignard subtil. Je n’ai pas pu dire que Pullman
m’avait donné envie d’écrire, mais je crois que c’est grâce à lui que je me suis
spécialisée dans le roman YA « philosophique ». <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><o:p> </o:p></span></p><p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"></span></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhx1U_ZahmfrTajLo9Sm7SE0QBj-bNTUJq_ZeoxERsxToJAmenmVBRJBCINYj8A8j48Riw3HHGZTfIz_cwBpLIaAJxtZRSKqUkSDFLUDb3H5_yNI5ARanfqMbbKQw6IXbbQZn8-doWU8T1s/s960/226591552_5856827887722742_567349796537546841_n.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="960" data-original-width="960" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhx1U_ZahmfrTajLo9Sm7SE0QBj-bNTUJq_ZeoxERsxToJAmenmVBRJBCINYj8A8j48Riw3HHGZTfIz_cwBpLIaAJxtZRSKqUkSDFLUDb3H5_yNI5ARanfqMbbKQw6IXbbQZn8-doWU8T1s/w320-h320/226591552_5856827887722742_567349796537546841_n.jpg" width="320" /></a></div><br /><o:p><br /></o:p><p></p><p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><o:p><br /></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">Ça a commencé avant que je connaisse la philo. Je ne pouvais pas vraiment
mettre de mot-là dessus mais, inconsciemment, je crois que j’avais compris
comment fonctionnaient ses romans : on le lit à un certain âge, on ne
comprend pas tout. Puis, au fur et à mesure de l’existence, des études ou
d’autres lectures, on découvre tout ce qui y était caché. Quand j’étais en
seconde, j’ai écrit un roman où un personnage se retrouvait dans un livre. J’y
avais dissimulé beaucoup de notions qu’on voyait en cours de français, parce
que je trouvais ça amusant, et que je voulais que le roman résonne dans la tête
de ceux qui suivent leurs cours de français. Un peu comme ça a été le cas avec
Pullman et les cours de philo pour moi. Je pense que quand j’ai commencé à
écrire <i>Masques</i>, en 2011 (il est sorti en 2017, gros travail !),
c’était clairement lui que j’avais en tête. C’est un roman fantastique <i>young
adult</i>, une quête de reliques religieuses à la Indiana Jones, que l’on peut
lire simplement pour l’histoire, ou que l’on peut lire pour réfléchir sur la
liberté d’être ce que l’on veut, contre un déterminisme social qui nous enferme
dans un rôle et dans le regard des autres. <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">Je n’aime pas particulièrement la fantasy, alors <i>A la croisée des
mondes</i> ne sera jamais un modèle en ce sens-là. Je n’écrirai pas plus de
fantasy. Mais, avec mes goûts, mes domaines de spécialité et mes connaissances,
je continuerai à écrire des romans autour de réflexions philosophiques. Et en
parlant de réflexion philosophique, il est temps d’aborder la complexité
exceptionnelle du dernier tome sorti de la saga, <i>la Communauté des esprits</i>.
<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">On y retrouve Lyra qui a vingt ans et désormais la capacité de se séparer
de son daemon, Pantalaimon. Entre eux, ça ne va pas fort : depuis que Lyra
s’est mise à lire le roman d’un philosophe matérialiste, elle en vient à croire
que tout ce qui relève de l’esprit, de l’âme, de l’interprétation n’existe pas.
D’autres philosophes de la même branche vont jusqu’à prétendre que les daemons
n’existent pas, qu’ils ne sont qu’une projection du cerveau visant à combler un
manque. Ils détruisent de façon apparemment très rationnelle toutes les preuves de
leur existence. <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">Vous l’aurez compris, c’est sur ce sujet que le livre va porter (d’où son
titre) : l’esprit existe-t-il ou tout peut-il s’expliquer matériellement ?
Entre les gitans qui croient à une communauté des esprits, parfois maléfique,
parfois faite pour nous guider, et les philosophes matérialistes qui nient l’existence
d’autre chose que de la matière, Lyra doit faire son chemin, séparée de
Pantalaimon qui est convaincu qu’on lui a volé son imagination. <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">Le livre est<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>très épais, il se
passe énormément de choses et on y suit plusieurs personnages. Il est beaucoup
plus complexe que ne l’était le tome précédent, <i>La Belle sauvage</i>, et
rejoint en cela <i>Le miroir d’ambre</i>, qui était rempli de considérations
théologiques que j’ai encore du mal à comprendre aujourd’hui. Un texte dans l’ensemble
passionnant qui m’a donné envie d’enfin comprendre cette saga, et d’acheter un
livre d’analyse (en anglais, malheureusement, mais je suppose que j’arriverai à
comprendre deux trois trucs quand même !)<o:p></o:p></span></p>Carolinehttp://www.blogger.com/profile/04668068891769603817noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8483214527744058505.post-27542973938704697152021-07-19T18:18:00.002+02:002021-07-19T18:18:17.018+02:00Et ils meurent tous les deux à la fin <p> </p><p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">J’ai
beaucoup entendu parler de ce livre (merci Bookstagram !) et c’est assez
difficile de m'y mettre parce que c'est un livre excellent dont je ne veux dire que du bien, mais il y a tout un aspect qui ne m’a pas plu. Cependant, je ne peux pas vraiment m’en plaindre parce que l’aspect en question est
spécifiquement celui qui apparaît non seulement sur la couverture, mais aussi
sur la quatrième de couverture : le fameux « Que feriez-vous s’il ne vous
restait qu’un jour à vivre ? » et les développements un peu niais à
mon goût sur : « il faut faire plein de trucs trop bien pour rien
regretter et des expériences et des voyages et la fête etc. » Clairement,
même si ce n’est pas mon truc, je pense que beaucoup adoreront cet aspect et ce
n’est donc absolument pas quelque chose qu’il faut prendre en compte dans ma
chronique. Après tout, ce que je n’ai pas aimé peut être précisément ce qui
fera qu’un autre aimera et sur ce point, vu les autres critiques que j’ai lues,
je pense que c’est le cas.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">L’histoire
a lieu sur un fond dystopique qui est extrêmement léger : on ne se
préoccupe absolument pas de question politique. Par exemple, à aucun moment ne
sera posée la question du bienfondé de Death-Cast, cette application qui vous
prévient si aujourd’hui, vous allez mourir. Ce n’est pas un problème, je le dis
seulement pour éviter que des attentes soient déçues. L’objectif n’est pas de
présenter un système politique à renverser mais plutôt de suite intimement deux
personnages qui vivent leur Jour Final, Mateo et Rufus. L’absence de révolte
contre un système politique participe d’ailleurs à l’originalité du récit, parce
que ce n’est pas le modèle le plus en vue actuellement.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;"><o:p> </o:p></span></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhJ4zk7L2XaBgKaLRvZGMVcQHkuc_dQ03sEDBXcqFXQEH-i9rl5l-QA88725oH2X09cTS-hDjkVsTPdtypF7TyoQOdUBHCTlu1seB18yD3QxcF-z1hZxDeLBeERLtVm9wfuLq7bYtyurz3j/s888/et+ils+meurent.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="888" data-original-width="888" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhJ4zk7L2XaBgKaLRvZGMVcQHkuc_dQ03sEDBXcqFXQEH-i9rl5l-QA88725oH2X09cTS-hDjkVsTPdtypF7TyoQOdUBHCTlu1seB18yD3QxcF-z1hZxDeLBeERLtVm9wfuLq7bYtyurz3j/w320-h320/et+ils+meurent.jpg" width="320" /></a></div><br /><p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">La
première partie tourne surtout autour de la question de savoir comment rendre
sa dernière journée plus intense. Ce n’est que plus tard dans le livre qu’on
voit apparaître quelque chose qui m’a beaucoup plus intéressée, bien que ce ne soit pas posé explicitement. Même si nous suivons en particulier la journée de Matéo
et Rufus, qui se sont rencontrés grâce à l’application « Dernier Ami »,
qui sert justement à trouver une personne dans le même cas que nous pour
partager cette journée, quelques chapitres intercalés parlent d’autres
personnages. Certains ont reçu l’alerte, d’autres non. Certains vont mourir
aujourd’hui et ne l’acceptent pas, font alors comme si ce n’était pas leur
dernier jour ; certains ne vont pas mourir mais voudraient prouver que l’application
peut se tromper et se donner la mort. Car le point le plus intéressant du livre
est là : d’après ce que les personnages en disent, Death-Cast ne s’est <i>jamais</i>
trompé. <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">Si
l’on vous dit que vous allez mourir aujourd’hui, c’est que vous allez mourir.
Viennent alors toutes sortes de questionnements (dont certains sont posés dans
le roman, d’autres sont facilement déduits par le lecteur) : Comment
peuvent-ils le savoir ? Est-ce une conclusion tirée d’un enchaînement de
causes, comme on prévoirait qu’il va pleuvoir, ou est-ce une sorte de message
divin ? Pourquoi, sachant qu’on va mourir, personne n’a jamais réussi à se
mettre à l’abri ? Et surtout : est-ce que je serais vraiment mort si
on ne m’avait pas dit que j’allais mourir ? Comme plusieurs histoires sont
évoquées dans le récit de cette journée, il y a plusieurs hypothèses. <span style="mso-spacerun: yes;"> </span>Concernant la dernière question, c’est
vraiment une impression que l’on peut avoir grâce à la construction du roman.
Plusieurs fois, on a réellement l’impression que c’est le fait de savoir que
notre mort arrive qui la provoque. <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">Je
ne dirai évidemment pas quelle réponse le livre y apporte, mais il nous plonge
dans le problème passionnant qu’on appelle les prophéties auto-réalisatrices.
La plus connue est celle d’Œdipe, que je rappelle rapidement : comme il
est dit à Laios et Jocaste que leur fils tuerait son père et épouserait sa
mère, ils l’abandonnent. Recueilli par un couple, Œdipe grandit en croyant que
ce sont ses vrais parents. Lorsqu’il apprend la prophétie dont il est victime,
il décide de fuir ses parents adoptifs (qu’il prend pour ses vrais parents)
pour empêcher la prophétie de se réaliser. En chemin, il tue un homme (son
père) et sauve une ville dont il épouse la reine veuve (sa mère). Il est
évident que si ses parents, à l’origine, n’avaient pas connu la prophétie, elle
ne se serait jamais réalisée, puisque c’est justement l’ignorance de ses
origines qui pousse Œdipe à agir. <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">Je
reparlerai bientôt du problèmes de telles prophéties dans un épisode de
<a href="https://carolinegiraud.blogspot.com/p/geekosophie-magazine.html">Geekosophie Magazine</a>. En attendant, bonne lecture ! <o:p></o:p></span></p>Carolinehttp://www.blogger.com/profile/04668068891769603817noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8483214527744058505.post-78410607371573369652021-07-12T10:39:00.004+02:002021-07-12T10:39:39.019+02:00Jurassic Park (est-ce que j'ai besoin d'en dire plus ?)<p> </p><p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">Ca
faisait longtemps que je n’avais pas eu un vrai coup de cœur à chroniquer,
alors je me réjouis de pouvoir faire cet article sur <i>Jurassic Park</i> de
Michael Crichton. Je me doute que vous connaissez l’histoire de Jurassic Park,
au moins l’histoire, ou au moins le film, mais pas forcément le livre. Au cas
où vous seriez enfermé dans une grotte depuis un million d’années, je le
précise quand même : c’est l’histoire d’un gars qui clone des dinosaures
pour faire un parc d’attraction. C’est vrai que le film est génial mais je n’ai
jamais été une énorme fan non plus. En revanche, je n’ai pas peur de dire que
le livre va se retrouver vite fait bien fait dans un cours l’année prochaine,
probablement sur la nature, la technique ou la science (Futurs élèves, vous
êtes prévenus).<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">Il
y a plusieurs petites différences de scénario avec le film mais je ne pense pas
que ce soit utile de les préciser, d’autant plus que ça risque de dévoiler bien
plus que de servir ce que j’ai à en dire. La fin m’a surprise, je ne dirai pas
en quel sens, mais j’ai beaucoup aimé. En fait, je crois même que connaître le
film m’a aidée à être surprise parce que je ne m’y attendais pas alors que j’aurais
pu mis attendre avec le livre seul.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;"><o:p></o:p></span></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://th.bing.com/th/id/OIP.dnhy7zgqAMNovr504NZZ_AHaEK?pid=ImgDet&rs=1" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="266" data-original-width="474" height="180" src="https://th.bing.com/th/id/OIP.dnhy7zgqAMNovr504NZZ_AHaEK?pid=ImgDet&rs=1" width="320" /></a></div><br /> <p></p><p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt;">Il
y a deux points que j’ai particulièrement adoré. Tout d’abord, le fait que l’objectif
du roman est très clairement de proposer une réflexion sur les limites de l’humain ;
notamment de la technique face à la nature. Contrairement à Descartes qui
disait que la technique nous rend « comme maître et possesseur de la
nature », tout le roman va viser à démontrer qu’on ne l’est pas et que la
nature finit toujours par nous échapper, parce qu’elle est d’une puissance
totalement indomptable. Le débat que Crichton a indirectement avec Descartes
est repris au travers de deux personnages :</span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">-
John Hammond, le créateur du parc, qui prend la place de Descartes, et refusera
jusqu’au bout d’admettre qu’il y a un problème avec son parc et qu’il en a
perdu le contrôle. Il restera intiment persuadé jusqu’à la fin que tout ce qui
se passe n’est qu’un petit indicent, que son parc pourra ouvrir, que ce sera
une attraction formidable et que les dinosaures lui appartiennent pleinement.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">-
Ian Malcolm, le « Cassandre » de l’histoire, qui dès le début (même
avant le début du livre puisqu’on apprend qu’à l’origine du projet il était
déjà là) dit qu’une catastrophe va se produire mais que personne ne veut
croire. Parce que c’est un mathématicien, un peu philosophe, et que de l’avis
de tous il est « perché », comme dirait mes élèves. <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">Et
l’opposition de ces deux personnages est le deuxième point que j’ai adoré. Par
ailleurs, la construction générale du roman est tout aussi intéressante, avec
les petits problèmes qui s’accumulent au fur et à mesure, entrecoupés de
chapitres ironiquement intitulés « Contrôle ». J’ai aussi été amusée
de lire les descriptions des dinosaures : toujours représentés dans des
teintes brunes, ici ils sont plein de couleurs, certains ont une peau semblable
à celle du léopard, d’autres ont des couleurs vives comme du rouge ou du bleu. C’est
d’autant plus amusant que quand j’étais en CM1, mon instituteur nous avait dit
que les dinosaures étaient peut-être roses à pois et qu’on ne le saurait
jamais, et je m’en souviens encore aujourd’hui. <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 12.0pt;">Je
ne peux que recommander cette lecture. En tant que thriller, il est captivant. Il
ne faut juste pas avoir peur des passages théoriques sur le fonctionnement de
la nature et les théories mathématiques proposées par Malcolm, qui pourraient
en refroidir certains. Mais ce serait dommage, car l’ajout de cet aspect
scientifique en fait vraiment un ouvrage exceptionnel. <o:p></o:p></span></p>Carolinehttp://www.blogger.com/profile/04668068891769603817noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8483214527744058505.post-67201668771980414402021-06-01T05:30:00.001+02:002021-06-01T05:30:00.224+02:00« A la dérive » : Buffy est-elle dans un hôpital psychiatrique ?<p></p><p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Bonjour à tous et merci
d’avoir suivi la série d’analyses philosophiques de <i>Buffy contre les
vampires</i>. Cette série touche à sa fin et, pour la clôturer, je vais
analyser un épisode qui fait partie de mes préférés. Un épisode qui donne mal à
la tête, qui remet en question l’ensemble de la série, et qui se termine de
façon très énigmatique. Comme le titre de l’article vous l’a peut-être fait
deviner, cet épisode est l’épisode 17 de la saison 6, « A la
dérive ». Le titre anglais, extrêmement parlant, est « <i>Normal
again » </i>(<i>« normale à nouveau »</i>). Il s’agit de cet
épisode très particulier dans lequel un démon injecte un poison à Buffy, poison
qui lui donne des hallucinations : elle se voit, à plusieurs reprises,
dans un hôpital psychiatrique. Dès lors, les aventures de Buffy à Sunnydale,
que l’on suit depuis six saisons, sont-elles réelles, ou ne sont-elles que les
délires d’une malade mentale ?<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://th.bing.com/th/id/OIP.T5ntoE_tfZYLSTvW_BoUlwHaEK?pid=ImgDet&rs=1" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="266" data-original-width="474" height="180" src="https://th.bing.com/th/id/OIP.T5ntoE_tfZYLSTvW_BoUlwHaEK?pid=ImgDet&rs=1" width="320" /></a></div><br /><p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">« <i>Suis-je une malade
mentale enfermée dans un asile ou une espèce d’héroïne qu’on a choisi pour
combattre les démons et sauver le monde ? Comme c’est ridicule.</i> »<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Sachez déjà que les livres ou
films dont la chute est « en fait c’était un rêve » ou « en fait
il est fou » sont des livres qui m’insupportent grandement, et me donnent
toujours l’impression que l’auteur ne savait pas comment finir, alors a utilisé
cette chute comme une sorte de <i>deus ex machina</i>. Emettre l’hypothèse que
toute l’histoire de Buffy ne se passe que dans sa tête, qu’elle est folle,
était un pari risqué, mais la construction extrêmement précise et réfléchie de
l’épisode permet d’installer véritablement le doute dans la tête des
spectateurs. <o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Rappelons le contexte de la
saison 6. Buffy est revenue du monde des morts en début de saison et souffre de
ce qui ressemble à une dépression, même si le mot n’est jamais employé. Même si
elle apprécie la présence de ses amis, elle souffre encore du fait d’avoir été
arrachée du Paradis pour revenir sur Terre où sa vie est un enfer. Après une
relation avec Spike, elle a rompu avec lui en prétextant ne le fréquenter que
pour des mauvaises raisons. Alex vient d’abandonner Anya le jour de leur
mariage. Willow et Tara, si elles recommencent à se parler, ne sont toujours
pas entièrement réconciliées. Bref, tout va mal. Tous les personnages
souffrent, et c’est à ce moment que le Trio (Warren, Jonathan et Andrew, les
trois principaux antagonistes de la saison) envoie sur Buffy un démon qui<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>lui plante un dard dans le bras. Aussitôt,
Buffy a une vision d’elle-même dans un hôpital psychiatrique, où une infirmière
est en train de lui faire une piqûre.<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Tout l’épisode va tourner
autour du doute : Buffy va douter de la réalité, se demander si ce qu’elle
perçoit est réel et donc se demander quelle est la vérité. Commençons par
éclaircir ces deux termes. La réalité désigne ce qui existe effectivement. Si
je dis que la table devant moi est réelle, ça veut dire qu’il y a bien une
table devant moi. Rien de plus. Pourtant, malgré cette apparente simplicité,
cette notion pose bien des problèmes : comment être sûr que ce que l’on
perçoit est bien la réalité ? Je vois la table devant moi. Mais tout le
monde a déjà fait l’expérience de percevoir une chose qui en fait n’est pas
vraiment là : sous l’effet de la fièvre, par exemple, ou encore plus
fréquemment, du rêve. La vérité désigne l’accord de la pensée et de la réalité.
Autrement dit, si vous dites la vérité, ça veut dire que votre phrase décrit
effectivement ce qui est : l’erreur sera le fait de croire que ce qu’on
dit correspond à la réalité, alors que ce n’est pas le cas. C’est pourquoi la
vérité est unique et ne dépend pas des individus. Ça n’a pas de sens de dire
« ma vérité » puisque <i>la</i> vérité sera le propos qui correspond
à la réalité, unique. Concrètement : dans l’épisode, il n’y a pas deux
vérités pour Buffy : il y a deux perceptions de la réalité, et toute la
question de l’épisode est de savoir laquelle est la vraie.<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Un problème similaire a été
posé dans un passage extrêmement connu des <i>Méditations Métaphysiques</i> de
Descartes. Celui dont le nom désigne désormais une personne à l’esprit très
logique et rigoureux (« cartésien ») a, dans cet œuvre, essayé de
trouver un fondement absolument certain à la connaissance. Une vérité sur
laquelle aucun doute n’est possible, une proposition qui serait <i>nécessairement</i>
vraie. Une idée de départ dont le contraire serait impossible. Par exemple, il
suggère de partir d’une idée qui semble évidente à tout le monde : le
monde extérieur existe. Est-ce une affirmation absolument certaine ? Même
s’il semble non seulement difficile, mais aussi complètement absurde de se
mettre à douter de l’existence du monde extérieur, cela reste pour autant <i>possible</i>.
En effet, nous avons tous fait l’expérience d’un rêve particulièrement réaliste
qui nous aura causé joie ou effroi. Et, au réveil, ce soulagement éprouvé quand
on se rend compte que <i>ce n’était qu’un rêve</i> montre à quel point, sur le
moment, on y a cru. Nous n’avons aucune preuve, dans l’absolu, que nous ne
sommes pas actuellement en train de rêver, ou que nous ne sommes pas dans une
simulation informatique à la <i>Matrix </i>; ou encore que nous ne sommes
pas un fou dans un hôpital psychiatrique, en train d’imaginer notre existence.<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Comment Buffy pourrait-elle
savoir quelle version du monde est la vraie ? A ce problème de la
rationalité posé par Descartes, le philosophe Pascal, à la même époque,
reconnaît que certaines propositions sont impossibles à prouver par la raison.
Tel est le cas de la proposition « le monde extérieur existe » ou
« je ne suis pas en train de rêver ». Dans ces cas précis, selon
Pascal, il faut faire confiance à son intuition : je <i>sens</i> que je
suis actuellement éveillé, je dois y croire. Ces vérités intuitives, Pascal les
nomme « vérité de cœur ». Nous pouvons également appeler cela la
foi : hors de son sens religion, la foi désigne une croyance extrêmement
forte en quelque chose dont nous n’avons pas de preuve objective. Il faut donc
avoir foi en l’existence du monde extérieur, avoir foi dans le fait que nous ne
sommes pas en train de rêver. Nous n’avons aucune preuve, mais nous savons avec
certitude que nous sommes dans le vrai monde.<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Toutefois, cette vérité de
cœur concernant le fait que nous ne sommes pas en train de rêver tient au fait,
pour Pascal, que quand nous nous réveillons, nous reprenons notre vie de façon
cohérente avec ce qu’elle était avant de dormir. Alors que chaque rêve est
indépendant, et ne suit pas forcément notre rêve précédent. Comme il le dit
dans les <i>Pensées</i>, « La vie est un songe un peu moins
inconstant. » Ce passage suit un paragraphe qui propose l’expérience de
pensée suivante : si un paysan rêvait toutes les nuits qu’il est roi,
pourrait-il vraiment savoir s’il est roi ou paysan ? Or, c’est justement
ce problème qui va être rencontré par Buffy : à partir du moment où elle
commence à se voir dans un hôpital psychiatrique, ces scènes vont revenir et se
compléter comme s’il s’agissait véritablement d’un réveil, d’un retour à une
existence constante. De son point de vue subjectif, il lui sera donc impossible
de savoir quelle existence, celle de Sunnydale et celle de l’hôpital, est
réelle. C’est ce qui fait que cet ennemi est le plus terrible de la série et
probablement le plus difficile à vaincre : il ne s’agit pas de force
brute, ni même de supporter une douleur psychologique, mais de choisir une voie
parmi deux qui sont également crédibles. <o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Dans les deux mondes, des
explications crédibles et rationnelles sont données au fait que Buffy ait ainsi
des flash qui lui font voir une autre existence possible. Du côté de Sunnydale,
un démon lui a injecté une venin qui lui fait croire qu’elle est à l’hôpital.
Willow trouve même un livre dans lequel le démon et les effets de son venin
sont décrits précisément : rien d’étonnant à ce qu’elle ait ces visions.
Du côté de l’hôpital, le psychiatre qui la reçoit trouve une explication
psychologique rationnelle et crédible à toutes ses aventures, en dévoilant des
symboliques qui sont justement celle du réalisateur de la série. <o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Le discours du psychiatre
constitue la troisième apparition de l’hôpital psychiatrique dans l’épisode. Il
explique à Buffy et à ses parents que Sunnydale est une production de son
imagination dans lequel elle se réfugie depuis son internement, six ans
auparavant : ces six ans correspondent évidemment aux six premières
saisons. Dans ce monde imaginaire, elle se prend pour une héroïne qui sauve le
monde, toutes les intrigues tournent autour d’elle. Elle est la figure
centrale, est entourée d’amis aux pouvoirs surnaturels, se bat contre des
monstres dont certains sont issus de la littérature d’épouvante. A chaque victoire,
d’autres monstres apparaissent : voilà pourquoi elle ne revient jamais
dans le monde réel. Il parvient même à expliquer la courte période où, entre la
saison 5 et la saison 6, elle est morte : ce fut un moment de lucidité,
pendant lequel elle était revenue pleinement dans l’hôpital. Révélation
intéressante, quand on sait que Buffy, du côté de Sunnydale, a dit avoir été au
Paradis. Justement, dans l’hôpital, nombre de ses désirs les plus profonds
semblent être réalisés : sa mère est encore vivante, son père vit encore
avec elle ; elle n’a pas de sœur à protéger d’un danger mortel et est
débarrassée du lourd poids de ses responsabilités. Peut-être que le pouvoir
précis de ce démon qui l’a attaquée est justement de lui faire croire que tous
ses désirs sont réalisés. Depuis le début de la saison 6, Buffy souffre de son
retour à Sunnydale.<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Buffy se retrouve donc devant
ce choix à faire : soit croire en la réalité de Sunnydale, soit en la
réalité de l’hôpital. Son désir premier semble se porter sur Sunnydale :
c’est à ce monde qu’elle est le plus attachée au départ, parce qu’elle en a
l’habitude. Une expérience de pensée proposée par Robert Nozick semble montrer
que nous avons tous, ainsi, une tendance à l’inertie :<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">« <i>Supposez qu’il
existe une machine à expérience qui soit en mesure de vous faire vivre
n’importe quelle expérience que vous souhaitez. Des neuropsychologues excellant
dans la duperie pourraient stimuler votre cerveau de telle sorte que vous
croiriez et sentiriez que vous êtes en train d’écrire un grand roman, de vous
lier d’amitié, ou de lire un livre intéressant. Tout ce temps-là, vous seriez
en train de flotter dans un réservoir, des électrodes fixées à votre crâne.
Faudrait-il que vous branchiez cette machine à vie, établissant d’avance un
programme des expériences de votre existence ?</i> »<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Voici la forme première de
l’expérience de pensée. Les sondages réalisés montrent que dans cette
situation, la plupart des gens disent préférer rester dans le monde réel plutôt
que de se brancher à cette machine et vivre une vie idéale mais imaginaire. Les
arguments fréquents étaient souvent ceux de l’authenticité : mieux vaut
une existence authentique, réelle, même imparfaite, plutôt qu’une existence
simulée. Cependant, des variantes de l’expérience vont conduire à nuancer cette
interprétation première. Dans une autre version, on vous demande d’imaginer que
vous vivez votre vie, normalement, et que brusquement une fenêtre apparaît
devant vous et vous dit : « <i>Bonjour. Vous êtes actuellement dans
une machine à expérience mais vous y avez été branché par erreur. Si vous
voulez revenir dans le monde réel, tapez 1. Si vous souhaitez poursuivre votre
existence dans la machine, tapez 2. Dans ce dernier cas, le souvenir de ce
message sera effacé. Vous pourrez donc continuer votre existence comme vous le
faisiez déjà, sans perturbation.</i> » Or, à cette deuxième expérience, la
majorité des participants a révélé préférer rester dans la machine à
expérience. L’argument de l’authenticité ne tient plus : ce qui apparaît
en revanche, c’est une tendance à l’inertie. Nous préférons généralement rester
dans la situation dans laquelle nous sommes, et les changements trop brusques
sont rejetés.<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Buffy tend donc premièrement à
préférer Sunnydale, dans lequel elle a ses repères. Mais les arguments du
psychiatre sont extrêmement convaincants. Quelle situation est la plus
crédible ? Celle où Buffy souffre d’une forme très grave de schizophrénie
qui lui fait douter de la réalité, ou celle où Buffy est une héroïne
toute-puissante entourée d’amis aux pouvoirs surnaturels qui l’aident à
combattre des démons et sauver le monde ? Même dans le monde où les démons
existent, elle sait que cette idée semble incroyable. A Sunnydale, les démons
sont cachés : pour la plupart des gens, le surnaturel n’existe pas.
D’ailleurs, Buffy raconte que la première fois qu’elle a vu un vampire, ses
parents l’ont crue folle et l’ont emmenée dans une clinique : et si elle
n’en était jamais sortie ? Un nouvel argument semble faire pencher la
balance du côté de l’hôpital. Enfin, quand Willow lu apporte l’antidote et lui
demande de le boire, c’est Spike qui va la faire changer d’avis et désirer
rester du côté de l’hôpital. Dans le monde de Sunnydale, lui dit-il, elle est
tout aussi folle : elle semble rechercher la souffrance et l’obscurité,
elle ne veut pas dire aux autres qu’elle a une relation avec lui et préfère
garder un secret qui la fait souffrir plutôt que d’accepter le bonheur. Suite à
ce discours, elle choisit de ne pas boire l’antidote et, de retour dans
l’hôpital, demande au psychiatre ce qu’elle peut faire pour guérir. La solution
est simple : éliminer ce qui la retient là-bas, c’est-à-dire ses amis. <o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Un dernier moment d’hésitation
va finalement lui faire choisir Sunnydale. Paradoxalement, c’est le discours de
sa mère dans le monde de l’hôpital, qui lui demande d’être forte, de croire en
elle, de ne pas abandonner, qui va lui faire choisir Sunnydale plutôt que
l’hôpital. Le propos de sa mère est simple : il ne faut pas céder à la
facilité. Or, selon sa mère, la facilité serait de retourner dans Sunnydale
avec ses amis. Oui, laisser mourir ses amis est difficile : mais à ce
moment de la série, la facilité serait clairement de choisir l’hôpital. Buffy
est épuisée et seule : comme nous l’avons dit au début, tout va mal à
Sunnydale en ce moment. Elle semble comprendre que le monde réel est Sunnydale,
et que celui de l’hôpital est en fait issu de son désir de retrouver la
tranquillité et de quitter ses responsabilités insupportables. Si elle choisit l’hôpital,
elle retrouvera bien le « Paradis », celui qu’elle a quitté en
ressuscitant : un monde où ses parents sont ensemble et vivants, où elle
ne doit pas risquer sa vie à chaque instant, où elle ne porte pas le poids du
monde sur ses épaules. Contre ce désir, elle choisit donc son devoir et
d’assumer ses responsabilités.<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Pour finir, la force de
l’épisode réside en grande partie sur sa conclusion. Buffy a choisi Sunnydale
et va boire l’antidote. Mais la dernière image de l’épisode n’est pas dans
Sunnydale : nous voyons, dans l’hôpital psychiatrique, le médecin
l’examiner, et conclure que c’est terminé, elle est repartie dans son esprit.
Ses parents pleurent, l’épisode se termine. Cette scène finale fait nettement
pencher la balance du côté de l’hôpital psychiatrique. Si les scènes de
l’hôpital n’étaient que des hallucinations, comment est-il possible que cette
scène ait lieu alors que Buffy n’est plus là pour la voir ? En général,
nous considérons que la « réalité » est ce qui existe indépendamment
de notre pensée : quand je sors de ma chambre, le lit existe toujours,
parce qu’il est réel. Alors que si j’imagine un monde dans ma tête, ce monde ne
continue pas d’exister quand j’arrête d’y penser. Si le monde de l’hôpital
psychiatrique continue d’exister indépendamment de Buffy, peut-être est-ce bien
celui-là qui est réel… <o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">J’espère que cette série
d’article vous aura plu. J’ai pris beaucoup de plaisir à revoir certains
épisodes pour en parler. Ça faisait un moment que je voulais faire ce genre
d’analyse philosophique. Les études de philosophes sur la série <i>Buffy contre
les vampires</i> sont fréquentes aux Etats-Unis, mais nous en avons peu de
traductions, et moi-même je n’ai pas vraiment les moyens de les lire en
anglais. J’espère donc que les quelques idées que j’ai partagées avec vous vous
permettra de voir la série sous un œil nouveau, et pourquoi pas, si vous lisez
l’anglais, d’aller lire d’autres analyses ! <o:p></o:p></p><br /><p></p>Carolinehttp://www.blogger.com/profile/04668068891769603817noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-8483214527744058505.post-24125536573915845632021-05-22T09:40:00.002+02:002021-05-22T09:40:55.843+02:00Le 100e article !<p> </p><p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">Bonjour à tous et merci d’avoir cliqué sur le lien du… 100<sup>e</sup>
article du blog !<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">Et si vous découvrez le blog, ce sera l’occasion d’avoir un petit
récapitulatif des articles qu’il faut aller lire (ou relire). <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">Commençons par un peu de nostalgie. Le blog a été créé en juin 2016 (ce
qui signifie qu’il m’a fallu 5 ans pour écrire 100 articles, exactement… mais
aussi qu’en plus des 100 articles nous fêtons les 5 ans du blog !) Le tout
premier article était un récapitulatif de quelques thèses d’auteurs par thème
pour aider au bac de philo. En effet, en 2016, je venais d’avoir le CAPES (le 8
juin pas encore, je ne sais même pas si j’avais déjà passé les oraux !) et
je venais de publier mon premier roman en autoédition complète.
(Traduction : c’était le premier livre entièrement autoédité, pour lequel
j’avais fait la mise en page, la couverture, la quatrième de couverture…) Il
s’agit bien sûr… non pas de <i>La Loi de Gaia</i> qui est sorti un mois plus
tard, mais de <i>Si la parole était d’or</i>.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">Aujourd’hui, je peux l’avouer, le roman que je voulais publier, c’était <i>La
Loi de Gaia</i>. Mais j’avais mis tellement de passion dans son écriture que je
ne voulais surtout pas qu’il soit mal édité. J’avais eu de mauvaises
expériences avec mes romans précédents, alors j’ai lancé un lièvre. Le lièvre <i>Si
la parole était d’or</i> n’a en fait servi qu’à « tester » Bookelis.
Je voulais voir si j’allais apprécier la plateforme et son fonctionnement pour
ne pas gâcher <i>La Loi de Gaia</i>. Test réussi, puisque je suis toujours chez
eux cinq ans plus tard !<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">De <i>La Loi de Gaia</i><span style="mso-spacerun: yes;"> </span>à <i>Philosophe
Pikachu !</i> il y a eu un roman, deux essais et 6 nouvelles. Trois
passages dans le top 10 d’Amazon (pour <i>La Loi de Gaia</i>, et les
nouvelles : <i>Les étudiantes fauchées ne prennent pas le taxi</i> et <i>Le
tatouage d’Amanda</i>). La création d’un podcast, Geekosophie Magazine. <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">Mais ne parlons plus de mes livres, j’aimerais plutôt mettre en avant
ceux des autres. Pendant ces cinq ans, j’ai fait de belles découvertes que je
repartage avec vous (je me force à n’en choisir que 5, de toute façon
toutes mes chroniques sont sur <a href="https://carolinegiraud.blogspot.com/p/chroniques.html">cette page</a>) :<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><a href="http://carolinegiraud.blogspot.com/2018/12/la-locataire-penelope-evans.html">La Locataire</a><o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><a href="http://carolinegiraud.blogspot.com/2019/03/reincarnation-blues-quoi-ressemble-le.html">Réincarnation Blues</a><o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><a href="https://carolinegiraud.blogspot.com/2020/08/neuroland-science-ou-politique.html">Neuroland</a><o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><a href="https://carolinegiraud.blogspot.com/2020/12/murder-entre-rire-et-effroi.html">#Murder</a><o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><a href="https://carolinegiraud.blogspot.com/2020/04/les-poetes-morts-necrivent-pas-de.html">Les poètes morts n’écrivent pas de romans policiers</a><o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">Ensuite, je vous propose la liste des 5 articles les plus lus du blog :<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">1 - <a href="https://carolinegiraud.blogspot.com/2017/05/le-texte-de-la-semaine-5-le-cheval-et.html">"Le cheval et l'âne" de La Fontaine</a><o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">2 - <a href="https://carolinegiraud.blogspot.com/2017/10/mes-10-livres-preferes.html">Mes 10 livres préférés</a><o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">3 - <a href="https://carolinegiraud.blogspot.com/2017/05/le-texte-de-la-semaine-1-les-mains.html">"Les Mains sales" de Jean-Paul Sartre</a><o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">4 - <a href="https://carolinegiraud.blogspot.com/2017/04/des-etoiles-dans-le-caniveaux-anna-circe.html">"Des étoiles dans le caniveau" d'Anna Circé</a><o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">5 - <a href="https://carolinegiraud.blogspot.com/2017/05/le-texte-de-la-semaine-3-notre-dame-de.html">"Notre Dame de Paris" de Victor Hugo</a><o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">Et pour finir, quelques articles que je veux remettre en avant, soit
parce que je les aime bien, ou parce qu’ils représentent bien l’esprit de mon
blog :<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">- La série d’articles : <a href="https://carolinegiraud.blogspot.com/2016/06/les-footballeurs-et-autres-passent-le.html">Les footballeurs passent le bac</a> dont voici
le premier.<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">- « <a href="http://carolinegiraud.blogspot.com/2017/04/contre-la-mode-du-commentaire.html">Contre la mode du commentaire constructif</a> », que je ressors
chaque fois que revient sur le tapis la question des « conseils pour
progresser » donnés à des auteurs déjà publiés et affirmés dans le milieu.<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">- <a href="http://carolinegiraud.blogspot.com/2020/12/la-pop-philo-est-elle-serieuse.html">Une définition de la pop-philo</a>, ou du moins ce que j’entends
personnellement par pop-philo.<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">Merci à tous ceux qui me suivent depuis le départ (je ne vous cite pas
parce que j’ai peur d’oublier quelqu’un, mais vous vous reconnaîtrez) et aux
petits nouveaux. On se retrouve bientôt pour de nouveaux articles ! <o:p></o:p></span></p>Carolinehttp://www.blogger.com/profile/04668068891769603817noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8483214527744058505.post-34372732310690861192021-05-20T12:13:00.003+02:002021-05-20T12:15:30.505+02:00La Sirène, sans queue de poisson, mais avec une belle voix !<p> </p><p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">Si cette lecture (<i>la Sirène</i> de Kiera Cass) me faisait envie depuis des années parce que j’aime bien
les histoires de sirènes et que c’est assez rare dans les livres et les films,
j’avais quand même peur que ce soit très niais. Une histoire d’amour entre ados
qui se sont rencontrés une fois à la fac et pour qui c’est brusquement l’amour
fou, je ne le sentais pas trop. Pourtant, j’ai été très agréablement surprise.
J’avoue que je n’étais clairement pas le public visé et je maintiens ce que
j’ai dit sur l’histoire d’amour. Si l’histoire avait été celle de personnages
plus adultes, ça aurait clairement été un coup de cœur. Malgré tout, j’ai quand
même vraiment bien aimé et je regrette peut-être un peu de ne pas l’avoir lu
plus jeune… mais pas sûr que ça aurait réglé le problème, parce que plus jeune
j’étais totalement insensible aux romances aussi.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><o:p> </o:p></span></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://scontent-frt3-1.xx.fbcdn.net/v/t1.15752-9/189757050_374802117397100_2537670545649782146_n.jpg?_nc_cat=106&ccb=1-3&_nc_sid=ae9488&_nc_ohc=-kfsSfk20H0AX8x91Kj&_nc_ht=scontent-frt3-1.xx&oh=56c80af08b56928855b29bf541ccbd5f&oe=60CAAF3C" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="800" data-original-width="794" height="320" src="https://scontent-frt3-1.xx.fbcdn.net/v/t1.15752-9/189757050_374802117397100_2537670545649782146_n.jpg?_nc_cat=106&ccb=1-3&_nc_sid=ae9488&_nc_ohc=-kfsSfk20H0AX8x91Kj&_nc_ht=scontent-frt3-1.xx&oh=56c80af08b56928855b29bf541ccbd5f&oe=60CAAF3C" width="317" /></a></div><br /><p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">Ce qui m’a beaucoup plus dans ce roman, c’est la création mythologique,
l’adaptation qui a été faite du mythe des sirènes. Celles-ci reprennent l’idée
d’attirer les marins dans l’eau grâce à leur voix pour les tuer. Toutefois, ce
n’est pas pour se nourrir elles-mêmes des humains mais pour l’océan. Il s’agit
en fait d’un sacrifice qui est fait pour le bien de l’humanité entière :
les hommes ont besoin de l’océan pour survivre, mais l’océan se nourrit aussi
des humains pour se maintenir. Une fois par an, ses sirènes provoquent donc un
naufrage dont personne ne survit. Ainsi, l’océan reprend des forces et se
maintient, ce qui permet la survie de tous les autres. C’est un cycle naturel,
horrible mais en même temps indépassable. De temps en temps, une jeune femme
victime d’un naufrage supplie qu’on lui laisse la vie sauve : elle peut
alors rejoindre les sirènes pour cent ans. Une fois son devoir envers l’océan
et le reste de l’humanité accompli, elle oublie tout et reprend une vie d’humaine
dans de bonnes conditions. <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">Alors qu’elle a déjà servi l’océan pendant quatre-vingt ans, Kahlen
rencontre Akinli. On a déjà, juste là, la première chose qui me fait
sérieusement décrocher de la lecture d’un livre. J’ai vraiment du mal avec les
romans qui ne mettent que des prénoms inventés ou originaux (sans doute une des
raisons qui me détourne de la fantasy). Ça me donne toujours l’impression que
l’auteur veut être original et qu’il n’a pas trouvé de meilleure façon de le
faire. Bon, clairement, c’est ultra personnel et ça n’a aucune influence sur
votre future lecture du livre. Ils tombent amoureux, un peu trop niaisement et
rapidement à mon goût, après avoir parlé deux fois dans une résidence
étudiante… enfin, Akinli a parlé, parce que Kahlen n’en a pas le droit :
tous ceux qui entendent la voix d’une sirène sont irrémédiablement attirés par
l’océan et meurent noyés. Un autre point assez sombre qui m’a beaucoup plu.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">En conclusion, même si vous avez peur d’une histoire un peu trop
jeunesse, je le recommande. Après tout, ce n’est pas parce que les personnages
ont dix-neuf ans que ça ne peut pas vous plaire ! Et si jamais vous avez
le même genre d’histoire à me conseiller, mais pour un public adulte, je suis
preneuse ! <o:p></o:p></span></p>Carolinehttp://www.blogger.com/profile/04668068891769603817noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8483214527744058505.post-62281254750776214242021-05-07T09:26:00.004+02:002021-07-13T12:53:52.572+02:00Cinder, la Cendrillon du futur !<p> </p><p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">Aujourd’hui, je viens présenter un gros coup de cœur pour le premier tome
d’une saga de science-fiction. Oui, vous avez bien lu : une saga. Et oui,
une fois n’est pas coutume, je vais la lire ! Une fois n’est <i>vraiment</i>
pas coutume, je crois même pouvoir dire que je suis contente qu’il y ait
d’autres tomes, parce que j’ai envie d’en lire d’autres comme celui-là !<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">Les réécritures modernes de Cendrillon ne sont pas rares. Après
l’affreuse comédie musicale de Lââm, Cindy la Cendrillon des banlieues, voilà <i>Cinder</i>,
la Cendrillon du futur ! Le scénario est assez classique de la
science-fiction : un monde futuriste avec des robots, où Cinder est un
cyborg : une jeune fille ayant certaines parties de son corps remplacées
par des machines, suite à un grave accident. Elle est la propriété de sa
belle-mère et vit avec ses deux demi-sœurs. Un bal est organisé par le prince,
son pied-robot est trop petit et a tendance à tomber, et autres références
amusantes que j’ai pris plaisir à reconnaître. Plus encore, un terrible virus
ravage la population et les cyborgs sont utilisés pour tester des vaccins.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><o:p> </o:p></span></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj1imiwMae6DTCNK7szU3tRKMHrO1Z5McLVij8wuCy3xk3AX50N6EoNy1VYuNeueoMIGvgavBLWvdt2p5wkBGM3CiS5hQR3Sjmy8DtZvN7DBMYcv7KK9eDAPLUMNNsWn4U25c8GjUyFD98w/s2048/182457817_6166579376701634_7222826126488044007_n.jpg" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="2048" data-original-width="2048" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj1imiwMae6DTCNK7szU3tRKMHrO1Z5McLVij8wuCy3xk3AX50N6EoNy1VYuNeueoMIGvgavBLWvdt2p5wkBGM3CiS5hQR3Sjmy8DtZvN7DBMYcv7KK9eDAPLUMNNsWn4U25c8GjUyFD98w/s320/182457817_6166579376701634_7222826126488044007_n.jpg" /></a></div><br /><p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">Dans ce monde existe un autre peuple que celui des terriens : les
lunaires, qui ont des pouvoirs magiques et détestent la technologie. Un monde
un peu à la Star Wars, entre la science-fiction et la fantasy, qui mêle les
avancées technologiques et les pouvoirs fabuleux. <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">On retrouve aussi les questionnements classiques d’une œuvre de
science-fiction : où est la limite de l’humain ? Peut-on faire des
tests médicaux sur les cyborgs, puisqu’ils ne sont plus tout à fait humains ?
De même, des questions proches des œuvres de dystopies ou postapocalyptiques
ressortent : est-ce moralement acceptable de sacrifier quelques personnes
pour le bien du plus grand nombre ? Faut-il sacrifier son bonheur
personnel pour le bien de tous les autres ?<span style="mso-spacerun: yes;"> </span><o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-weight: bold;">Bref, rien de très original en fait, puisqu’on ne compte plus les
réécritures de Cendrillon, les questionnements sur le transhumanisme ou les
univers à la Star Wars, mais l’ensemble de tout ça fait quelque chose d’assez
amusant et d’intéressant. Chaque tome reprend un conte en particulier, c’est
pour ça que j’ai bien envie de lire les suivants ! (Mais n’imaginez pas
que je vais me mettre brusquement à lire des sagas, c’est exceptionnel !) <o:p></o:p></span></p>Carolinehttp://www.blogger.com/profile/04668068891769603817noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8483214527744058505.post-37976551250610048752021-05-01T07:00:00.001+02:002021-05-01T07:00:00.251+02:00Buffy, Willow, Dawn : face à la mort<p> </p><p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Bonjour à tous et bienvenue
sur le blog pour notre avant- dernier article sur la série <i>Buffy contre les
vampires</i>. Pour cet avant-dernier article, il ne s’agira pas vraiment d’une
analyse philosophique, mais simplement de quelques mots sur un épisode que
j’aime bien, parce qu’il montre quelque chose d’intéressant. Il ne s’agit pas
d’une vraie réflexion comme dans les deux épisodes que nous avons analysés dans
les articles précédents (<a href="https://carolinegiraud.blogspot.com/2021/03/le-langage-dans-buffy-de-lepisode-muet.html">épisode muet</a> et <a href="https://carolinegiraud.blogspot.com/2021/04/le-langage-dans-buffy-de-lepisode-muet.html">épisode musical</a>). <o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Saison 7, épisode 7 :
« Connivences » en français, mais le titre anglais est bien plus
explicite : <i>Conversations with dead people</i> (conversation avec les
morts). Dans cet épisode, Buffy, Willow et Dawn vont entrer en communication
avec trois personnes décédées peu avant. Buffy, en pleine patrouille, tombe sur
un jeune vampire qui la reconnaît aussitôt : ils étaient ensemble au
lycée. Dawn, seule chez elle, se retrouve en pleine scène de film
d’horreur : l’électricité fait des siennes, la télé refuse de s’éteindre,
les portes claques, des silhouettes apparaissent. Willow, restée seule à la
bibliothèque, voit apparaitre Cassie, une élève du lycée de Sunnydale, qui
prétend venir avec un message de Tara. <o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="http://fr.web.img3.acsta.net/r_1280_720/newsv7/14/06/10/15/07/2333630.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="416" data-original-width="625" height="213" src="http://fr.web.img3.acsta.net/r_1280_720/newsv7/14/06/10/15/07/2333630.jpg" width="320" /></a></div><br /><p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Parallèlement à tout cela,
Jonathan et Andrew, les méchants de la saison 6, reviennent à Sunnydale. Andrew
est manipulé par ce qu’il pense être le fantôme de Warren, le dernier membre du
Trio, tué par Willow à la fin de la saison précédente. Pour ouvrir la bouche de
l’Enfer, Andrew va sacrifier Jonathan sur le sceau présent dans le sous-sol du
lycée. <o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Si cet épisode est
intéressant, c’est parce qu’au travers de ces quatre histoires, l’épisode
illustre quatre attitudes que l’être humain peut avoir face à la mort. Buffy
retrouve Holden, ancien camarade de lycée. Une fois qu’ils se sont reconnus,
leur conversation va vite tourner à leurs souvenirs de lycée. Première réaction
quand on pense à un être disparu : la nostalgie. Se rappeler les bons
souvenirs, c’est une façon de mettre cette dure réalité à l’écart. Buffy et
Holden vont beaucoup rire, avant de reprendre une conversation plus
sérieuse : le rire, qui vient après-coup, quand on repense à des
événements pénibles sur le moment, est une attitude classique de celui qui veut
prendre de la distance avec le malheur. Vous connaissez peut-être le fameux « rire
de Démocrite » : ce philosophe présocratique préconisant le rire
comme remède face au malheur et à la folie du monde.<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Dawn, de son côté, va<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>affronter la peur de la mort (même si dans,
l’épisode, c’est plutôt la peur <i>d’un</i> mort). Les scènes de Dawn, nous
l’avons dit, reprennent les codes d’un film d’horreur : l’électricité saute,
mais la télévision et la radio restent allumées, le son de plus en plus fort.
Des portes claquent et on voit des ombres et des silhouettes apparaître
brusquement. Dawn, terrifiée, essaie de communiquer avec ce qu’elle pense être
le fantôme de sa mère, qui est tourmenté par une présence démoniaque. Dans les
livres de Willow, elle trouve un sortilège d’exorcisme. Après beaucoup de
destructions et de blessures, elle parvient à chasser le démon et voit le
fantôme de sa mère qui la met en garde contre Buffy. Tous les évènements vont
provoquer, chez Dawn, la peur : d’abord l’inconnu, quand elle ne sait pas
ce qui la persécute ; elle connaît ensuite la peur d’échouer à éloigner le
démon, la peur de ne rien pouvoir faire pour sa mère ; enfin, une fois
qu’elle parvient à parler au fantôme de sa mère, elle a peur que Buffy
l’abandonne, comme le fantôme le lui prédit. Inconnu, impuissance, abandon des
autres : trois caractéristiques de la mort, ou du moins de l’image que
nous en avons.<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Le dernier personnage à faire face
à la mort est Willow. Cette fois, l’attitude mise en avant, c’est la tristesse.
Cassie vient parler de Tara, pour qui Willow a tué Warren. Ce meurtre la
trouble encore, elle craint de replonger dans la magie noire. Elle culpabilise,
et Cassie (qui est en fait la Force, le grand méchant de la saison, capable de
prendre l’aspect de n’importe quel mort) encourage cette culpabilité pour la
pousser au suicide. Malgré son chagrin, c’est à cause de ça que Willow comprend
que Cassie est un imposteur : jamais Tara ne l’aurait poussée au suicide,
même pour lui éviter de sombrer dans le mal. Après la nostalgie et la peur, la
tristesse est une attitude commune et évidente face à la mort et au souvenir de
ceux que l’on a perdu. L’attitude de Willow est en fait à l’opposé de celle de
Buffy : en repensant à ceux qui nous ont quittés, on peut soit être
terrassé par le chagrin, comme Willow, soit éprouver de la nostalgie, et en
rire, comme Buffy. <o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://i0.wp.com/www.tor.com/wp-content/uploads/2014/12/btvs-cwdp5.jpg?fit=475%2C%209999&crop=0%2C0%2C100%2C356px" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="356" data-original-width="475" height="240" src="https://i0.wp.com/www.tor.com/wp-content/uploads/2014/12/btvs-cwdp5.jpg?fit=475%2C%209999&crop=0%2C0%2C100%2C356px" width="320" /></a></div><br /><p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Enfin, l’aventure d’Andrew et
Jonathan montre une dernière attitude face à la mort : le meurtre, ou le
fait d’aller la chercher. Pourtant, le meurtrier Andrew va éprouver les mêmes
émotions que celles présentées précédemment : la peur, à la fois de son
geste et du fantôme de Warren qui le pousse à agir (fantôme qui, comme Cassie,
est en fait la Force) puis la tristesse, quelques épisodes plus tard, quand il
se rendra compte de son geste, d’avoir tué son seul ami.<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Cet article sur la mort est
terminé. La dernier article, qui sortira le mois prochain, comportera de
nouveaux des références de philosophie classique, sur un thème qui me permettra
d’introduire la prochaine série d’articles sur une autre série… mais pour
l’instant, suspense !<o:p></o:p></p>Carolinehttp://www.blogger.com/profile/04668068891769603817noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8483214527744058505.post-31573467959830929952021-04-23T19:14:00.002+02:002021-05-22T09:47:53.356+02:00Mme Brown et le Langage de la nuit<p> </p><p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Ceci n’est pas exactement une
chronique. Je vais parler de ma lecture du <i>Langage de la nuit</i> d’Ursula
K. Le Guin, mais je vais me concentrer sur un seul chapitre que j’ai beaucoup
aimé. <i>Le Langage de la nuit</i> est un essai sur la littérature de l’imaginaire.
Ursula Le Guin, si vous ne connaissez pas, est une autrice de fantasy et
science-fiction, une des rares à être véritablement considérée comme une
écrivaine, au même titre que Tolkien. Je n’ai pas lu ses romans parce que je n’aime
pas la fantasy et malgré les réflexions sociologiques, philosophiques et métaphysiques
qui se posent dans ses écrits, je ne pense pas réussir à accrocher pour autant.
En revanche, j’ai bon espoir d’apprécier ses nouvelles de science-fiction.
Parmi elles, la brillante « Ceux qui partent d’Omélas. »<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">J’avais donc très envie de
découvrir ses écrits et comme je ne voulais pas me lancer dans la fantasy, j’ai
choisi cet essai où elle parle du rôle que peut jouer, socialement parlant, la
littérature de l’imaginaire, d’autant plus que je prépare un cours sur le rôle
de l’utopie, la dystopie et la science-fiction dans la représentation du monde.
Je n’ai pas vraiment trouvé de quoi faire mon cours, mais j’ai été passionnée
par un chapitre assez long où elle reprend un concept de Virginia Woolf. Ce
concept a le nom très amusant de « Mme Brown. »<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Le Guin se demande si « Mme
Brown » est compatible avec la science-fiction. Elle remarque que, pendant
des années, elle n’a pas semblé l’être : on ne trouvait pas de Mme Brown
en SF. Mais qui est cette Mme Brown ?<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgjeoygD8gR0fCQYMbIcXlHWD7FBGPeVEZmABYzppGbP6e5_7M9reSPu0gfIdN_K8Drbgoq-njQHgL-i-gpjRPtPpWDuo3QZ7pNjDQsP-E7u4B-ARBtwgH8vIC9arajt6ngrtPnxFHD5Giq/s961/177988231_306119497700769_1524808885254847946_n.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="946" data-original-width="961" height="315" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgjeoygD8gR0fCQYMbIcXlHWD7FBGPeVEZmABYzppGbP6e5_7M9reSPu0gfIdN_K8Drbgoq-njQHgL-i-gpjRPtPpWDuo3QZ7pNjDQsP-E7u4B-ARBtwgH8vIC9arajt6ngrtPnxFHD5Giq/w320-h315/177988231_306119497700769_1524808885254847946_n.jpg" width="320" /></a></div><br /><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><br /></div><br /><p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Ce n’est évidemment pas un
personnage. Ce n’est même pas un archétype de personnage. En fait, Mme Brown
est l’anti-archétype. Pour Woolf, un roman ne se construit pas à partir d’une
intrigue, ni d’un message, ni d’une réflexion (oui, je suis exclue du roman
selon Woolf…) mais d’un personnage. Un roman est la description d’une certaine
expérience du monde, au travers du regard d’un personnage en particulier. Mme
Brown est le nom de ce concept de personnage, qui marque la lecture du roman.
Comme l’écrit Woolf, citée par Le Guin (citée par moi) : « Les grands
romanciers, pour nous montrer ce qu’ils veulent nous montrer, utilisent le
regard d’un personnage. Sinon, ils ne seraient pas romanciers, mais poètes,
historiens ou pamphlétaires. »<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Bien sûr, on peut remettre en
question cette thèse sur la littérature, qui fait du personnage l’essence de
tout véritable roman. Cependant, même si l’on n’est pas d’accord, cette thèse m’a
beaucoup plu en tant qu’elle permet au moins, quand on y pense, de distinguer
un personnage véritable, unique, bien construit, de ce qui ne serait qu’un
archétype. C’est pour cette raison que j’ai dit plus haut que Mme Brown était l’anti-archétype.
Le Guin propose justement un petit exercice (que je n’ai pas arrêté de
reproduire après avoir lu ce chapitre !) pour déterminer si un roman
comporte cette Mme Brown ou non. Repensez à un livre lu il y a longtemps :
avez-vous retenu les noms des personnages, ou ne les désignez-vous, quand vous
parlez du livre, que par des termes génériques comme « le héros », « la
fille », « le robot », « le méchant »… ? Ce test
peut aider à trouver quels personnages sont de vraies constructions, et non de
simples archétypes de personnage.<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Ce qui est drôle, c’est que j’ai
fait le test avec deux livres que j’adore : <i>1984 </i>et <i>Le meilleur
des mondes</i>. Pour le premier, j’ai immédiatement eu les noms de Winston et
Julia, mais ensuite venait « le méchant. » Pour le deuxième, en
revanche, je n’ai que « le sauvage », « la fille », « l’ami ».
Aucun nom ne m’est venu. Et pourtant, je n’ai lu qu’une fois l’un et l’autre.
Je peux même dire que j’ai lu plus récemment <i>Le meilleur des mondes</i>, qui
devrait donc être plus frais dans ma mémoire.<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Ursula Le Guin remarque que la
plupart des livres de SF et de fantasy qu’elle a lus ne comportent pas de Mme
Brown. A une exception près, à l’époque où elle a écrit son essai : <i>Le
Seigneur des anneaux</i> n’est pas l’histoire d’un héros, d’un magicien, d’une
créature bizarre et d’un méchant. Tout le monde connaît bien Frodon, Gandalf,
Gollum et Sauron (même ceux qui, comme moi, ne l’ont jamais lu ni vu en film !)
Mais elle a bon espoir que cela change. Et ça commence effectivement à changer :
qui serait incapable de citer des personnages d’Harry Potter ou Star Wars ?<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Et vous, quelles sont vos Mme
Brown ? Celles dont vous n’oublierez jamais le nom ?<o:p></o:p></p>Carolinehttp://www.blogger.com/profile/04668068891769603817noreply@blogger.com2tag:blogger.com,1999:blog-8483214527744058505.post-59784153879669968932021-04-07T19:18:00.002+02:002021-04-07T19:18:11.494+02:00La Vague – « J’ai préféré le film ! »<p> </p><p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Film et livre sont un peu
lointains dans mon esprit… mais j’en ai reparlé récemment avec d’autres
lecteurs sur les réseaux sociaux et comme beaucoup ont eu l’air surpris que j’annonce
aussi facilement que j’ai préféré le film au livre, je me suis dit que c’était
l’occasion d’en faire un article. Déjà, soyons clairs : ça n’a rien d’exceptionnel,
ça m’arrive régulièrement de préférer le film (ou la série, puisque ce sont
plutôt des adaptations en série qui sont à la mode) au livre. Exemple pour un
film : Stardust, que je n’avais pas trop aimé en livre et beaucoup en
film. Exemple pour une série : <i>13 reasons why</i>, entre autre pour le
parti pris sur la mise en scène (censurée plus tard, malheureusement…) de la
mort d’Hannah qui n’est pas identique dans le livre. Autre précision pour La
Vague : <b>c’est le livre qui est inspiré du film</b>. Le film est inspiré
d’une expérience de psychologie pratique faite aux Etats-Unis. Vous trouverez
peut-être que c’est ce qui explique tout, mais je ne suis pas une puriste de la
version originale. Au contraire, j’aime voir des adaptations ou même des
traductions.<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> <br /></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">La vague, vous connaissez sans
doute, c’est l’histoire d’un prof d’histoire qui, face à une classe qui nie la
possibilité de pouvoir à nouveau tomber dans le totalitarisme (<i>après tout, c’est
bon, on connaît, on nous le rabâche à l’école, on sait que c’est pas bien les
nazis </i>!), décide de faire une petite expérience. Un jeu de rôle dans
lequel on va recréer les bases d’un régime totalitaire. Une expérience
immersive pour bien faire comprendre aux élèves en quoi consiste un
totalitarisme. Très drôle au départ, sauf que l’expérience tourne au drame :
les élèves se prennent un peu trop au jeu, et un véritable régime totalitaire
est mis en place dans le lycée.<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Je vais parler en particulier
d’un détail qui fait que, pour moi, le film est vraiment intéressant, alors que
le livre l’est beaucoup moins. Dans l’un comme dans l’autre (comme dans l’histoire,
qui nous a appris que, comme dit Jean-Jacques Goldman, des « <i>improbables
consciences</i> » arrivent à se dresser face à l’opinion dominante)
quelques personnages vont comprendre ce qui se passe et refuser le système. Le
premier est une fille : Laurie dans le livre, Karo dans le film. Or, la
raison qui fait que Karo va résister au mouvement est infiniment plus
intéressante que celle de Laurie.</p><p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><br /> <o:p></o:p></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://m.media-amazon.com/images/M/MV5BMzc0ZmUyZjAtZThkMi00ZDY5LTg5YjctYmUwM2FiYjMyMDI5XkEyXkFqcGdeQXVyMTMxODk2OTU@.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="738" data-original-width="500" height="320" src="https://m.media-amazon.com/images/M/MV5BMzc0ZmUyZjAtZThkMi00ZDY5LTg5YjctYmUwM2FiYjMyMDI5XkEyXkFqcGdeQXVyMTMxODk2OTU@.jpg" width="217" /></a></div><p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Dans le livre, Laurie est une
bonne élève, elle appartient à une famille cultivée et rationnelle, qui trouve
immédiatement l’expérience du professeur étrange, et lui conseille de prendre
ses distances avec le mouvement. Parti pris qui laisse entendre qu’avec une
bonne éducation, on peut devenir un résistant. Bel idéal mais, malheureusement,
l’histoire lui a donné tort. Les intellectuels à s’être laissés happer par le
nazisme sont nombreux, très nombreux. Pensons notamment à Heidegger, membre du
parti nazi, alors que lui-même avait dénoncé précédemment la « dictature
du on », le fait que l’on préfère se fondre dans le « on » de la
masse indifférenciée plutôt que de construire une existence authentique. Ou
encore Carl Schmitt et sa critique des « guerres justes » ou « guerres
pour le bien de l’humanité » qui deviendra le juriste du droit nazi.<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Dans le film, le personnage de
Karo est très différent. Une des premières propositions du professeur est de
partager un uniforme : tous les élèves devront venir le lendemain en
chemise blanche pour le jeu de rôle. Karo, au matin, essaie sa chemise, mais
trouve qu’elle ne lui va pas et ne se sent pas d’aller au lycée dans cette
tenue. Elle renonce donc à cette règle, arrive avec une tenue ordinaire, et se
fait aussitôt injurier par ceux qui portent l’uniforme. La voilà définitivement
exclue de la vague, qu’elle va pouvoir observer d’un œil extérieur et critique.
C’est donc uniquement le <i>hasard</i> qui fait que Karo résiste. <i>Et c’est
tout</i>. Pas d’intelligence supérieure, pas d’esprit libre, juste un hasard.
Peut-être que si l’uniforme avait été une chemise bleue, elle aurait peut-être
été entraînée avec les autres. Mais un petit détail insignifiant a fait qu’à ce
moment-là, elle n’a pas pu. N’importe qui peut tomber dans le piège du
totalitarisme ; n’importe qui peut aussi s’en retrouver exclu.<o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Je vais raconter une petite
anecdote personnelle pour montrer à quel point il suffit d’un détail pour ne pas
se faire avoir, et nullement d’une intelligence supérieure. Pendant mes études,
j’étais en colocation avec deux autres étudiants. Mes colocataires étaient loin
d’être stupides. Ils faisaient de grandes écoles, alors que j’étais « juste »
à la fac. Un jour, deux ramoneurs sont arrivés en disant qu’ils faisaient le
tour de l’immeuble pour le ramonage des chaudières. Peu informés, nous
commençons par les laisser entrer. Mais deux jours plus tôt, alors que je
cherchais un document dans la paperasse laissée par le propriétaire de l’appartement,
j’étais tombée sur la facture du dernier ramonage qui venait d’être fait. Ça m’a
donc semblé curieux que des ramoneurs viennent ce jour-là. Et c’est ce minuscule
petit détail qui a fait que j’ai eu un doute, et que j’ai cherché le nom de
leur entreprise sur internet. Premier site qui est sorti ? Le forum « lesarnaques.com ».
Si je n’étais pas tombée totalement par hasard sur cette facture deux jours
plus tôt, nous nous serions fait escroquer tous les trois (et peut-être
cambriolés, qui sait ?) <o:p></o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;"><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNoSpacing" style="text-align: justify;">Reste que la Vague, en film ou
en livre, est une histoire terrifiante, surtout quand on connaît l’expérience
réelle dont elle est issue. A lire et surtout, à voir !<o:p></o:p></p>Carolinehttp://www.blogger.com/profile/04668068891769603817noreply@blogger.com0