La philosophie, dans les sciences
humaines, c’est comme la course dans le sport. C’est la base qui peut vous
permettre de mieux y arriver, sans jamais être suffisante. Si vous êtes un
champion de course à pieds, vous ne serez pas nécessairement un bon footballeur :
le football nécessite des techniques et des qualités qui lui sont propres. Mais
être bon en course peut indéniablement aider dans le football. Si vous êtes un
bon philosophe, vous serez peut-être un mauvais historien (comme moi) : il
vous manque les qualités spécifiques à l’histoire. Mais l’historien travaillera
de façon d’autant plus efficace qu’il cumule les qualités de la philosophie.
La philosophie fait donc partie de ce
qu’on appelle les sciences humaines. En science, il ne s’agit donc pas de
donner son opinion, mais d’apporter une solution à un problème. A la question :
la cocaïne a-t-elle des effets sur le cerveau ? Vous ne vous attendez pas
à ce que le médecin donne son opinion personnelle sur le plaisir que lui
procure ou non la cocaïne, mais à ce qu’il dise si, dans les faits, elle a des
effets sur le cerveau ou pas.
De la même façon, on peut vous demander en
philosophie : l’Etat est-il nécessaire à la société ? Il ne s’agit
pas de donner votre impression sur l’Etat ou sur notre société. Il faut répondre
à la question. La différence avec la question précédente sur la cocaïne, c’est
que pour répondre à cette question, vous devrez utiliser une méthode
différente.
La philosophie est donc une méthode
de recherche de la vérité, une méthode qui se distingue de la méthode
expérimentale ou de la méthode historique, et c’est une méthode qui convient
particulièrement bien à un certain type de questions.
La spécificité de la question
philosophique, c’est qu’elle est floue dans sa formulation.
Si je vous demande : La mousse
est-elle vivante ? Vous allez sûrement me dire que vous ne comprenez pas
ma question. Et c’est normal. Mais pourquoi ne comprenez-vous pas la
question ?
Si vous réfléchissez à ce qui pose
problème dans la question telle qu’elle est formulée, vous en arriverez à la
conclusion que vous ne pouvez pas répondre parce que vous ne savez pas de
quelle « mousse » je parle.
Vous ne pouvez pas répondre simplement
« oui » ou « non » à cette question parce que vous ne savez
pas si je parle de la mousse du savon ou de la mousse de l’arbre. Or, l’une est
vivante, l’autre non.
Voilà donc la première chose à faire quand
une question est posée : transformer cette question floue en question
précise. La question générale est : La mousse est-elle vivante ? Vous
pouvez la développer en deux questions plus précises :
La mousse du savon est-elle vivante ?
Et : La mousse de l’arbre est-elle vivante ?
Une fois la question précisée, vous n’avez
donc plus aucun mal à y répondre : la mousse du savon n’est pas vivante
(et apporter toutes les preuves scientifiques que vous voulez pour le prouver),
mais la mousse de l’arbre est vivante (et justifier). La question, une fois
précisée, quitte le domaine philosophique pour devenir une question scientifique :
il convient d’y répondre par des faits. Notre autre exemple :
« L’Etat est-il nécessaire à la société ? », une fois précisé,
peut devenir une question non plus philosophique mais politique ou sociologique,
selon la façon dont on la traite. Mais quel que soit le domaine, la
réflexion sur un problème commence par la définition de notre objet d’étude, ce
qui est un travail de philosophie.
Toutes les questions qu’on vous posera en
philosophie auront le même point commun : pour pouvoir y répondre, il faut
d’abord comprendre l’ensemble des problèmes sous-entendus par la question.
Pourquoi, vous demanderez-vous, pose-t-on
en philosophie des questions qui sont floues ? Pourquoi est-ce qu’on ne
pourrait pas juste poser une question précise, et comme ça, vous pourriez y
répondre simplement, sans avoir besoin de dissertation ?
Parce que la langue est comme ça ! La
philosophie porte sur le quotidien, sur nos activités (du loisir à la recherche
scientifique), sur notre façon de parler… Or, vous l’avez remarqué, dans notre
langue, les mots ont plusieurs sens. Quand vous parlez, vous pouvez être mal
compris. Vous pouvez avoir l’impression que quelqu’un a voulu dire quelque
chose, alors qu’il s’est simplement mal exprimé. Voilà le problème auquel nous
voulons remédier.
Les questions traitées en philosophie sont toutes les questions que vous pouvez vous poser en société, au sujet
desquelles vous avez sûrement beaucoup d’opinions. Mais avant de pouvoir donner
un avis précis, il faut avoir rigoureusement compris la question. Le philosophe
est là pour poser précisément le problème, afin que l’on puisse ensuite donner
un avis précis et éclairé.
Pour poser le problème d’une question,
trois qualités sont indispensables :
Rigueur scientifique : pour
résoudre un problème complexe, il faut le ramener à des choses simples.
Souvenez-vous des équations que vous faisiez (ou faites toujours) en
mathématiques : pour résoudre un long calcul, vous commenciez par mettre
ensemble des éléments, afin simplifier le calcul général. Par exemple :
7 × 2 + 5 − 3 × 6 − 5
Au lieu de vous lancer dans ce calcul sans réfléchir, vous pouvez remarquer qu’il y a + 5 puis – 5 : les deux s’annulent, et vous vous retrouvez avec un calcul moins compliqué :
7 × 2 − 3 × 6
Que bien sûr, vous pourriez simplifier
encore. Une fois le problème posé de façon précise et simple, il suffira d’y
répondre. Tant que vous n’arrivez pas à répondre, c’est que le problème peut
encore être simplifié.
Maîtrise du vocabulaire : un esprit
carré et rigoureux n’aura aucun mal à comprendre la nécessité de distinguer les
choses. Cependant, savoir qu’il faut le faire est une chose, le faire
effectivement en est une autre. Pour savoir que dans un calcul, + 5 et – 5
s’annulent, il faut des connaissances en mathématiques. Pour savoir que le mot
« mousse » désigne à la fois celle de l’arbre et celle du savon, il
faut du vocabulaire.
Pour cela, vous n’avez besoin que d’un
dictionnaire. Si vous passez le bac de philosophie, c’est justement pour cela
qu’il y a un programme. La programme est composé de notions, qui
sont des termes flous que l’on rencontre souvent dans les sciences et sciences
humaines.
Ce ne sont donc pas des mots propres à la
philosophie, certains sont même des mots dont vous faites un usage permanent
dans la vie quotidienne : liberté, bonheur, justice, société, culture,
science, technique… Ce sont des choses dont vous parlez tout le temps.
Culture générale : à nouveau, c’est
la conséquence de l’exigence précédente. La méthode philosophique peut
s’appliquer à n’importe quel sujet qui utilise des mots polysémiques. Il faudra
donc, pour argumenter et répondre aux problèmes posés, des connaissances dans
tous les domaines. Le programme de philosophie que vous découvrez à la fin du
lycée recouvre justement des sujets aussi larges que possible, avec des notions
qui vont de la politique à la science, en passant par l’art et la psychologie,
pour vous apporter cette culture générale.
Alors, à partir de maintenant, quand vous
êtes devant un débat ou un sujet de philosophie :
PENSEZ A LA
MOUSSE !
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