Film et livre sont un peu
lointains dans mon esprit… mais j’en ai reparlé récemment avec d’autres
lecteurs sur les réseaux sociaux et comme beaucoup ont eu l’air surpris que j’annonce
aussi facilement que j’ai préféré le film au livre, je me suis dit que c’était
l’occasion d’en faire un article. Déjà, soyons clairs : ça n’a rien d’exceptionnel,
ça m’arrive régulièrement de préférer le film (ou la série, puisque ce sont
plutôt des adaptations en série qui sont à la mode) au livre. Exemple pour un
film : Stardust, que je n’avais pas trop aimé en livre et beaucoup en
film. Exemple pour une série : 13 reasons why, entre autre pour le
parti pris sur la mise en scène (censurée plus tard, malheureusement…) de la
mort d’Hannah qui n’est pas identique dans le livre. Autre précision pour La
Vague : c’est le livre qui est inspiré du film. Le film est inspiré
d’une expérience de psychologie pratique faite aux Etats-Unis. Vous trouverez
peut-être que c’est ce qui explique tout, mais je ne suis pas une puriste de la
version originale. Au contraire, j’aime voir des adaptations ou même des
traductions.
La vague, vous connaissez sans
doute, c’est l’histoire d’un prof d’histoire qui, face à une classe qui nie la
possibilité de pouvoir à nouveau tomber dans le totalitarisme (après tout, c’est
bon, on connaît, on nous le rabâche à l’école, on sait que c’est pas bien les
nazis !), décide de faire une petite expérience. Un jeu de rôle dans
lequel on va recréer les bases d’un régime totalitaire. Une expérience
immersive pour bien faire comprendre aux élèves en quoi consiste un
totalitarisme. Très drôle au départ, sauf que l’expérience tourne au drame :
les élèves se prennent un peu trop au jeu, et un véritable régime totalitaire
est mis en place dans le lycée.
Je vais parler en particulier d’un détail qui fait que, pour moi, le film est vraiment intéressant, alors que le livre l’est beaucoup moins. Dans l’un comme dans l’autre (comme dans l’histoire, qui nous a appris que, comme dit Jean-Jacques Goldman, des « improbables consciences » arrivent à se dresser face à l’opinion dominante) quelques personnages vont comprendre ce qui se passe et refuser le système. Le premier est une fille : Laurie dans le livre, Karo dans le film. Or, la raison qui fait que Karo va résister au mouvement est infiniment plus intéressante que celle de Laurie.
Dans le livre, Laurie est une
bonne élève, elle appartient à une famille cultivée et rationnelle, qui trouve
immédiatement l’expérience du professeur étrange, et lui conseille de prendre
ses distances avec le mouvement. Parti pris qui laisse entendre qu’avec une
bonne éducation, on peut devenir un résistant. Bel idéal mais, malheureusement,
l’histoire lui a donné tort. Les intellectuels à s’être laissés happer par le
nazisme sont nombreux, très nombreux. Pensons notamment à Heidegger, membre du
parti nazi, alors que lui-même avait dénoncé précédemment la « dictature
du on », le fait que l’on préfère se fondre dans le « on » de la
masse indifférenciée plutôt que de construire une existence authentique. Ou
encore Carl Schmitt et sa critique des « guerres justes » ou « guerres
pour le bien de l’humanité » qui deviendra le juriste du droit nazi.
Dans le film, le personnage de
Karo est très différent. Une des premières propositions du professeur est de
partager un uniforme : tous les élèves devront venir le lendemain en
chemise blanche pour le jeu de rôle. Karo, au matin, essaie sa chemise, mais
trouve qu’elle ne lui va pas et ne se sent pas d’aller au lycée dans cette
tenue. Elle renonce donc à cette règle, arrive avec une tenue ordinaire, et se
fait aussitôt injurier par ceux qui portent l’uniforme. La voilà définitivement
exclue de la vague, qu’elle va pouvoir observer d’un œil extérieur et critique.
C’est donc uniquement le hasard qui fait que Karo résiste. Et c’est
tout. Pas d’intelligence supérieure, pas d’esprit libre, juste un hasard.
Peut-être que si l’uniforme avait été une chemise bleue, elle aurait peut-être
été entraînée avec les autres. Mais un petit détail insignifiant a fait qu’à ce
moment-là, elle n’a pas pu. N’importe qui peut tomber dans le piège du
totalitarisme ; n’importe qui peut aussi s’en retrouver exclu.
Je vais raconter une petite
anecdote personnelle pour montrer à quel point il suffit d’un détail pour ne pas
se faire avoir, et nullement d’une intelligence supérieure. Pendant mes études,
j’étais en colocation avec deux autres étudiants. Mes colocataires étaient loin
d’être stupides. Ils faisaient de grandes écoles, alors que j’étais « juste »
à la fac. Un jour, deux ramoneurs sont arrivés en disant qu’ils faisaient le
tour de l’immeuble pour le ramonage des chaudières. Peu informés, nous
commençons par les laisser entrer. Mais deux jours plus tôt, alors que je
cherchais un document dans la paperasse laissée par le propriétaire de l’appartement,
j’étais tombée sur la facture du dernier ramonage qui venait d’être fait. Ça m’a
donc semblé curieux que des ramoneurs viennent ce jour-là. Et c’est ce minuscule
petit détail qui a fait que j’ai eu un doute, et que j’ai cherché le nom de
leur entreprise sur internet. Premier site qui est sorti ? Le forum « lesarnaques.com ».
Si je n’étais pas tombée totalement par hasard sur cette facture deux jours
plus tôt, nous nous serions fait escroquer tous les trois (et peut-être
cambriolés, qui sait ?)
Reste que la Vague, en film ou
en livre, est une histoire terrifiante, surtout quand on connaît l’expérience
réelle dont elle est issue. A lire et surtout, à voir !
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