Je n’ai pas trouvé mieux, comme titre de mon article, que le titre même de ce passionnant livre de vulgarisation scientifique dont j’aimerais vous parler. Je me doute qu’un livre de science n’est peut-être pas ce qui vous fait le plus rêver pour l’instant, mais si l’univers, l’espace, les planètes, l’infiniment grand et l’infiniment petit vous intéressent un peu, prenez le temps de découvrir L’Univers à portée de main, de Christophe Galfard, professeur de physique, qui, loin de l’orgueil et l’élitisme qu’on peut imaginer chez certains, s’appliquera à essayer d’expliquer simplement, rigoureusement, et parfois métaphoriquement les grandes notions d’astrophysique et de physique quantique.
Malgré sa vocation de livre de
science, l’auteur s’adresse à vous à la deuxième personne, et vous devenez
comme le héros d’un voyage dans l’espace. Vous commencerez par être témoin de
l’explosion de notre soleil, puis d’étoiles aspirées par des trous noirs, du
Big Bang, de phénomènes inimaginables parmi les atomes et les électrons qui
composent la matière. Je vous propose un petit extrait pour que vous vous
fassiez une idée du style :
« Une
petite étoile filante traverse le ciel. Vous vous apprêtez à faire un vœu, mais
voilà qu'arrive la chose la plus incroyable : cinq milliards d'années
s'écoulent d'un coup... et vous n'êtes plus sur une plage, mais dans l'espace.
Flottant
dans le vide.
Vous pouvez
encore voir, entende et ressentir, mais votre corps, lui, a disparu. Le sol
aussi, d'ailleurs, ainsi que l'océan. Seules les étoiles sont toujours
présentes.
Vous êtes
éthéré.
Un pur
esprit.
Et vous
n'avez pas le temps de vous demander ce qui vient de se passer ou d'appeler à
l'aide, car devant vous, à des centaines de milliers de kilomètres, une boule
s'approche, menaçante. Elle brille d'une sombre lueur orangée et tourne sur
elle-même. Il ne vous faut pas longtemps pour comprendre que sa surface est
couverte de roches fondues et que vous vous trouvez en face d'une planète. Une
planète en ébullition.
Stupéfait,
vous vous interrogez : quelle source de chaleur peut bien ainsi liquéfier une
planète ? »
Les passages théoriques sont
vraiment bien expliqués et simplifiés autant que possible, grâce à des images,
des métaphores, et surtout beaucoup de rigueur. Il y a évidemment beaucoup de
notions de physique que vous ne connaissez pas forcément, mais l’auteur prend
le temps, régulièrement, de les rappeler et les redéfinir, pour que vous ne
perdiez pas le fil. Evidemment, je ne cache pas que certains passages ont été
plus difficiles que d’autres, de temps en temps il a fallu que je me concentre
vraiment pour essayer de comprendre, mais la plus grande partie du livre est
très fluide et accessible. D’ailleurs, il y a un bon nombre de notions de
physique, et notamment de physique quantique, dont j’avais plusieurs fois
entendu parler pendant mes études de philosophie, et pour la première fois, je
peux dire que j’ai parfaitement compris certaines d’entre elles ! Si vous aussi
vous avez entendu parler de l’expérience du « chat de Schrödinger » sans jamais
rien y comprendre, vous ne serez pas déçus !
« Lorsque
vous avez repoussé le vase de votre grand-tante du bout des doigts, au tout
début de ce nouveau voyage, il a lentement gravi la pente invisible suscitée
par votre présence… avant de redescendre cette même pente. Même si vous
n’êtes pas aussi massif qu’elle, c’est exactement ce qui se passe sur Terre
lorsque vous lancez un objet en l’air : il ralentit en montant avant de
redescendre en accélérant.
A cause de
cette pente, soit dit en passant, vous n’arriverez jamais, depuis la surface de
la Terre, à envoyer vous-même, par la force de vos bras, quelque chose dans l’espace.
Il vous faudrait pour cela réussir à lancer un objet à la verticale à une
vitesse supérieure à 40 320 kilomètres par heure. Donnez-lui une vitesse
moindre, il retombera. Invariablement. Quel que soit l’objet.
Dans l’espace,
c’est pareil : il faut une certaine vitesse pour réussir à s’échapper de l’attraction
gravitationnelle d’un astre. »
Enfin, j’ai énormément
apprécié l’humilité et l’honnêteté intellectuel de ce physicien dans ces
propos. J’entends souvent des élèves de classes scientifiques refuser tout
débat parce que « Non mais ça c’est de la science, c’est de la vérité, pas
comme la philo », comme si la science était infaillible, comme si elle donnait
toujours le vrai, que j’apprécie un livre destiné au grand public qui met
l’accent sur le caractère totalement incertain des théories scientifiques. Et
c’est justement pourquoi on parle de « théories » ou « d’hypothèses ». A chaque
vérité scientifique largement admise, comme la gravitation universelle de
Newton, l’auteur montre non seulement comment elle a été corrigée depuis, et
quelles sont ses limites et ses faiblesses. Son objectif premier est de nous
faire découvrir l’univers ; le second est de corriger une opinion erronée sur
ce qu’est la science et la recherche scientifique. Les erreurs sont la vérité
de la science : c’est parce qu’on a cherché les erreurs de la théorie de Newton
(qui lui-même corrigeait les erreurs d’Aristote) qu’on en est arrivé à celle
d’Einstein, et c’est par les erreurs de celles d’Einstein que la recherche
continue, etc. Il rappelle qu’un bon scientifique ne peut qu’être philosophe :
il doit se poser des questions, même si elles semblent absurdes, parce que le
monde va se révéler parfois totalement absurde. Il faut continuer à douter de
tout ce qui est découvert. Dans la dernière partie, il présente même les
théories les plus actuelles des physiciens contemporains, notamment sur les
univers parallèles : pas de science-fiction, mais bien de la science.
Et surtout, un bon
scientifique est quelqu’un qui a de l’imagination. C’est uniquement
l’imagination qui a mené à concevoir l’espace-temps comme un tissu que l’on
peut courber et déformer. Il a fallu imaginer le voyage dans le temps pour
découvrir que le temps s’écoule différemment, que l’on soit sur Terre ou proche
du noyau de notre galaxie. L’imagination est indispensable, parce que l’esprit
humain, avec sa logique propre, n’est pas fait pour comprendre certains
mystères de l’univers. A la fois l’auteur admire (et nous avec lui !) les
incroyables connaissances qu’ont pu acquérir les êtres humains dans l’histoire
des sciences, et reconnaît que l’innovation technique et technologique est sans
doute illimitée ; à la fois il rappelle à quel point notre intelligence est
limitée, de même que nos sens, notre perception, et tout ce qui pourrait nous
permettre d’arriver à une connaissance précise du monde.
Passionnant, parfois drôle,
intelligent et accessible, vous pourrez soit étendre vos connaissances, soit
briller en société par l’étendue de votre savoir sur l’astrophysique. Faites-en
l’usage que vous voulez, mais si vous vous intéressez à la science, ou si vous
doutez de la science, ou mieux, si vous pensez qu’il n’y a de vraie que la
science, lisez ce livre, et préparez-vous à un véritable vertige. Peut-être
que, comme moi, vous refermerez le livre après chaque chapitre pour vous mettre
à penser à l’immensité de l’univers… et vous demander pourquoi on se prend la
tête à savoir si on fait un régime ou pas cette semaine, parce qu’à côté de
l’infini, franchement, c’est tellement dérisoire !
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