mercredi 23 septembre 2020

L'univers à portée de main

 Je n’ai pas trouvé mieux, comme titre de mon article, que le titre même de ce passionnant livre de vulgarisation scientifique dont j’aimerais vous parler. Je me doute qu’un livre de science n’est peut-être pas ce qui vous fait le plus rêver pour l’instant, mais si l’univers, l’espace, les planètes, l’infiniment grand et l’infiniment petit vous intéressent un peu, prenez le temps de découvrir L’Univers à portée de main, de Christophe Galfard, professeur de physique, qui, loin de l’orgueil et l’élitisme qu’on peut imaginer chez certains, s’appliquera à essayer d’expliquer simplement, rigoureusement, et parfois métaphoriquement les grandes notions d’astrophysique et de physique quantique.

Malgré sa vocation de livre de science, l’auteur s’adresse à vous à la deuxième personne, et vous devenez comme le héros d’un voyage dans l’espace. Vous commencerez par être témoin de l’explosion de notre soleil, puis d’étoiles aspirées par des trous noirs, du Big Bang, de phénomènes inimaginables parmi les atomes et les électrons qui composent la matière. Je vous propose un petit extrait pour que vous vous fassiez une idée du style :

 

« Une petite étoile filante traverse le ciel. Vous vous apprêtez à faire un vœu, mais voilà qu'arrive la chose la plus incroyable : cinq milliards d'années s'écoulent d'un coup... et vous n'êtes plus sur une plage, mais dans l'espace.

Flottant dans le vide.

Vous pouvez encore voir, entende et ressentir, mais votre corps, lui, a disparu. Le sol aussi, d'ailleurs, ainsi que l'océan. Seules les étoiles sont toujours présentes.

Vous êtes éthéré.

Un pur esprit.

Et vous n'avez pas le temps de vous demander ce qui vient de se passer ou d'appeler à l'aide, car devant vous, à des centaines de milliers de kilomètres, une boule s'approche, menaçante. Elle brille d'une sombre lueur orangée et tourne sur elle-même. Il ne vous faut pas longtemps pour comprendre que sa surface est couverte de roches fondues et que vous vous trouvez en face d'une planète. Une planète en ébullition.

Stupéfait, vous vous interrogez : quelle source de chaleur peut bien ainsi liquéfier une planète ? »

 


Les passages théoriques sont vraiment bien expliqués et simplifiés autant que possible, grâce à des images, des métaphores, et surtout beaucoup de rigueur. Il y a évidemment beaucoup de notions de physique que vous ne connaissez pas forcément, mais l’auteur prend le temps, régulièrement, de les rappeler et les redéfinir, pour que vous ne perdiez pas le fil. Evidemment, je ne cache pas que certains passages ont été plus difficiles que d’autres, de temps en temps il a fallu que je me concentre vraiment pour essayer de comprendre, mais la plus grande partie du livre est très fluide et accessible. D’ailleurs, il y a un bon nombre de notions de physique, et notamment de physique quantique, dont j’avais plusieurs fois entendu parler pendant mes études de philosophie, et pour la première fois, je peux dire que j’ai parfaitement compris certaines d’entre elles ! Si vous aussi vous avez entendu parler de l’expérience du « chat de Schrödinger » sans jamais rien y comprendre, vous ne serez pas déçus !

 

« Lorsque vous avez repoussé le vase de votre grand-tante du bout des doigts, au tout début de ce nouveau voyage, il a lentement gravi la pente invisible suscitée par votre présence… avant de redescendre cette même pente. Même si vous n’êtes pas aussi massif qu’elle, c’est exactement ce qui se passe sur Terre lorsque vous lancez un objet en l’air : il ralentit en montant avant de redescendre en accélérant.

A cause de cette pente, soit dit en passant, vous n’arriverez jamais, depuis la surface de la Terre, à envoyer vous-même, par la force de vos bras, quelque chose dans l’espace. Il vous faudrait pour cela réussir à lancer un objet à la verticale à une vitesse supérieure à 40 320 kilomètres par heure. Donnez-lui une vitesse moindre, il retombera. Invariablement. Quel que soit l’objet.

Dans l’espace, c’est pareil : il faut une certaine vitesse pour réussir à s’échapper de l’attraction gravitationnelle d’un astre. »

 

Enfin, j’ai énormément apprécié l’humilité et l’honnêteté intellectuel de ce physicien dans ces propos. J’entends souvent des élèves de classes scientifiques refuser tout débat parce que « Non mais ça c’est de la science, c’est de la vérité, pas comme la philo », comme si la science était infaillible, comme si elle donnait toujours le vrai, que j’apprécie un livre destiné au grand public qui met l’accent sur le caractère totalement incertain des théories scientifiques. Et c’est justement pourquoi on parle de « théories » ou « d’hypothèses ». A chaque vérité scientifique largement admise, comme la gravitation universelle de Newton, l’auteur montre non seulement comment elle a été corrigée depuis, et quelles sont ses limites et ses faiblesses. Son objectif premier est de nous faire découvrir l’univers ; le second est de corriger une opinion erronée sur ce qu’est la science et la recherche scientifique. Les erreurs sont la vérité de la science : c’est parce qu’on a cherché les erreurs de la théorie de Newton (qui lui-même corrigeait les erreurs d’Aristote) qu’on en est arrivé à celle d’Einstein, et c’est par les erreurs de celles d’Einstein que la recherche continue, etc. Il rappelle qu’un bon scientifique ne peut qu’être philosophe : il doit se poser des questions, même si elles semblent absurdes, parce que le monde va se révéler parfois totalement absurde. Il faut continuer à douter de tout ce qui est découvert. Dans la dernière partie, il présente même les théories les plus actuelles des physiciens contemporains, notamment sur les univers parallèles : pas de science-fiction, mais bien de la science.

 

Et surtout, un bon scientifique est quelqu’un qui a de l’imagination. C’est uniquement l’imagination qui a mené à concevoir l’espace-temps comme un tissu que l’on peut courber et déformer. Il a fallu imaginer le voyage dans le temps pour découvrir que le temps s’écoule différemment, que l’on soit sur Terre ou proche du noyau de notre galaxie. L’imagination est indispensable, parce que l’esprit humain, avec sa logique propre, n’est pas fait pour comprendre certains mystères de l’univers. A la fois l’auteur admire (et nous avec lui !) les incroyables connaissances qu’ont pu acquérir les êtres humains dans l’histoire des sciences, et reconnaît que l’innovation technique et technologique est sans doute illimitée ; à la fois il rappelle à quel point notre intelligence est limitée, de même que nos sens, notre perception, et tout ce qui pourrait nous permettre d’arriver à une connaissance précise du monde.

 

Passionnant, parfois drôle, intelligent et accessible, vous pourrez soit étendre vos connaissances, soit briller en société par l’étendue de votre savoir sur l’astrophysique. Faites-en l’usage que vous voulez, mais si vous vous intéressez à la science, ou si vous doutez de la science, ou mieux, si vous pensez qu’il n’y a de vraie que la science, lisez ce livre, et préparez-vous à un véritable vertige. Peut-être que, comme moi, vous refermerez le livre après chaque chapitre pour vous mettre à penser à l’immensité de l’univers… et vous demander pourquoi on se prend la tête à savoir si on fait un régime ou pas cette semaine, parce qu’à côté de l’infini, franchement, c’est tellement dérisoire !

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