Exceptionnellement, je vais parler de deux livres à la fois. C'est moins pour en faire une véritablement chronique que pour mettre en
évidence ce que ces deux romans ont en commun : Des fleurs pour Algernon, de Daniel Keyes, et Tous les hommes sont mortels de Simone de Beauvoir. Deux livres qui
commencent à dater, comme vous pouvez le constater, surtout le second. Je vais
dissiper immédiatement les craintes de ceux qui ont des problèmes avec la
lecture des livres datant d’avant 1950 : Des fleurs pour Algernon est sorti en 1966, donc vous pouvez y
aller, et il n’y a vraiment pas de difficulté de lecture à Tous les hommes sont mortels.
D’abord,
une petite présentation rapide de l’un et de l’autre. J’ai lu Tous les hommes sont mortels il y a
quelques années, et il fait partie des livres qui laissent une trace, des
livres auquel on ne peut pas s’empêcher de penser encore des années après,
parce qu’on en retire quelque chose. L’histoire de Raymond Tosca, commence au
XIIIème siècle, quand on lui propose l’immortalité. Il va pouvoir traverser les
siècles et rencontrer de nombreuses personnes au cours des époques. Je ne
commente pas pour l’instant.
Dans
Des fleurs pour Algernon, deux brillants
spécialistes du cerveau proposent à Charlie Gordon, un attardé mental, une
opération permettant de démultiplier ses facultés mentales – cette opération
ayant déjà marché sur la souris Algernon. Et en effet, une fois l’opération
passée, Charlie progresse rapidement, finit même par s’ennuyer à l’université
de psychologie, et à dépasser de loin l’intelligence des chercheurs qui lui ont
fait l’opération. Le roman est écrit sous la forme de plusieurs comptes rendus
rédigés par Charlie ; au début, il forme difficilement ses phrases et fait
beaucoup de fautes d’orthographe, puis progresse dans une écriture de plus en
plus savante.
Les
deux romans vont donc faire apparaître de façon magnifique la finitude humaine ;
l’un parlant de la finitude temporelle, l’autre de la finitude intellectuelle.
L’homme n’est pas immortel, et l’homme ne sait pas tout. Raymond Tosca, le
personnage de Tous les hommes sont
mortels, ne sera pas essentiellement le représentant d’une vie pleine d’ennui,
comme on pourrait s’y attendre dans un texte existentialiste qui parle d’immortalité.
L’intérêt
du roman réside plutôt dans les personnages secondaires, et leur réaction face
à l’histoire invraisemblable de Raymond. Les personnes qu’il rencontre vont
ressentir avec désespoir la finitude de leur propre vie. Chaque personne qui
croise Raymond va se rendre compte à quel point ses projets sont vains :
celui qui consacre sa vie à la découverte d’un nouveau continent, à la
recherche scientifique ou à la défense d’idéaux comprend que, quoi qu’il
arrive, Raymond finira par découvrir ce qui a fait toute sa vie. Ce à quoi je
voue ma vie peut m’échapper, parce que je peux mourir : et c’est toujours
Raymond qui finira mon travail, Raymond qui assistera à ce que j’ai rêvé de
découvrir. Face à lui, on perd le goût de la vie, qui n’a plus aucun sens.
Charlie,
de son côté, avait une admiration sans borne pour les grands scientifiques, lui
qui n’était qu’un simple d’esprit. Mais en se retrouvant avec une intelligence
proprement surhumaine, il découvre à quel point les connaissances et les
capacités de ces génies sont limitées : il ne comprend pas comment ils ont
pu faire l’erreur, tellement évidente, qui le conduit à perdre peu à peu les
fabuleuses capacités mentales dont il a profité quelques temps.
Une
belle image de la finitude humaine apparaît donc dans ces deux livres qui,
selon moi, se complètent. J’ai lu Des
fleurs pour Algernon cet été, et j’ai immédiatement pensé à Simone de
Beauvoir ; cela faisait trois ou quatre ans que j’attendais de retrouver
le plaisir que j’avais eu à la lecture de Tous
les hommes sont mortels, le plaisir de trouver un roman qui resterait dans
ma tête, et auquel je penserai encore plusieurs années plus tard, parce que la
lecture en aura été bouleversante.
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