Chers petits Terminales, vous qui, comme tous les Terminales, êtes non seulement stressés mais très en retard dans vos révisions, et pas du tout en train de travailler, voici quelques petites choses qui pourraient vous sauver la vie le jour du bac si vous avez le temps d'apprendre tout ça cette semiane bien sûr.
Je vous propose, pour plusieurs chapitres, un petit résumé des textes les plus attendus au bac. N'ayez pas peur, au bac, de prendre la dissertation : il est très facile d'atteindre la moyenne, du moment que vous ne parlez pas des extra-terrestres, de l'Euro 2016 ou de votre querelle avec le voisin. Trois idée sde réponse pour la question, définitions des termes en intro, deux ou trois arguments et quelques auteurs pour compléter (attention sur ce point : NON, vous n'aurez pas 18 sans citer le moindre philosophe ; mais "quelques" philosophes, ça peut être par exemple 3 : un seul par partie.) Malheureusement, tous les chapitres ne sont pas représentés, mais vous en avez quand même une grande palette.
Les auteurs en gras ne sont pas les plus faciles ni les plus attendus, mais ils font chic. C'est toujours bien d'être chic.
Si vous avez la moindre question, n'hésitez pas à la poser en commentaire.
La liberté
• Descartes, Méditations métaphysiques (IV) :
Descartes reconnaît dans le caractère infini de notre volonté
le signe le plus évident de notre liberté : c’est parce que j’éprouve en moi
une faculté de choix que rien ne contraint (ni nécessité, ni vérité) que je
fais l’expérience d’une liberté inconditionnelle.
Toutefois, cette « liberté d’indifférence » (telle que je puis
choisir indifféremment et sans limite une chose ou son contraire) n’est encore,
comme il le souligne par la suite, que « le plus bas degré de la liberté ». Aurais-je
le sentiment d’être libre uniquement parce que ma volonté est indéterminée ? Une
telle « indifférence » risque de se confondre avec une simple ignorance
: ma volonté demeurerait indifférente dans ses choix uniquement parce que mon
savoir ne l’éclaire pas. C’est pourquoi la liberté authentique, selon
Descartes, si elle suppose une volonté infinie, ne s’affirme toutefois que
lorsque ma volonté est éclairée et guidée par ma connaissance.
Lettre au Père Mesland : Cette liberté
que nous attribuons à notre volonté n’est-elle pas le signe de notre ignorance
? Si j’étais informé des conséquences de mon choix, ne choisirais-je pas
nécessairement ce qui est le mieux pour moi ? Telle est l’objection que le père
Mesland fait à Descartes.
Ce dernier commence par admettre que notre volonté est bien
instruite par notre savoir et qu’il serait absurde, sachant quel est le bien,
de poursuivre malgré tout un mal. Cependant, dans l’absolu, ma volonté
étant totalement souveraine dans ses affirmations, je pourrais fort bien me
détourner du bien et faire le choix du mal en toute connaissance de cause.
Une telle thèse revient à postuler en nous une liberté infinie que rien, pas
même notre connaissance ou nos désirs (notamment le désir de bonheur), ne
limite. L’absurde est le privilège d’un être libre. Parce que ces choix sont,
dès lors, contingents, cet être est toujours susceptible de nous surprendre et
de contredire nos attentes.
• Spinoza, L’Ethique & Lettre à Schuller :
Spinoza met en question l’idée selon laquelle nos actes
procéderaient en nous d’une volonté indéterminée et infinie. Au sein d’une
nature où toute chose est déterminée par des causes nécessaires, l’homme
serait cet être extraordinaire qui échappe à toute loi et peut agir
arbitrairement. Une telle conception de la liberté n’est, pour Spinoza, qu’une
illusion liée à notre conscience elle-même. En effet, parce que notre
conscience nous éclaire les buts de nos actions, nous en venons à croire
que ces buts sont les causes mêmes de nos actions, ignorant dès lors les
causes véritables dont nos actions procèdent.
La liberté passe par la connaissance des causes qui nous
déterminent : plus je saurais ce qui me fait être ce que suis, plus je
pourrais, à partir de cette connaissance, trouver une position au sein de la
nature conforme à ma perfection.
• Kant, Critique de la Raison
Pure, « Troisième antinomie de la raison pure »
Notre pensée, quand elle affronte la question de la liberté, est
confrontée à une antinomie. Deux formes de la pensée s’affrontent et
s’opposent.
D’un côté, l’entendement (faculté de connaissance en nous,
qui exige que tout phénomène reçoive une explication régulière selon des causes
nécessaires et universelles) Pour l’entendement, admettre un principe de
liberté, ce serait donner droit à un phénomène qui ferait exception à l’ordre
universel et nécessaire des causes. Pour cette forme de l’esprit, la liberté
est une fiction : tout ce qui est doit pouvoir s’expliquer par des causes
régulières.
De l’autre côté, la raison (faculté, notamment morale, qui
cherche à unifier toutes les connaissances humaines, telles qu’elles éclairent
et donnent du sens au projet et aux idéaux humains) Pour la raison, il est
nécessaire de reconnaître une liberté première à l’origine des actions
humaines. Sans cela, ce sont toutes les valeurs humaines qui perdent leur sens.
Par exemple, comment pourrait-on porter un jugement moral sur les actions d’un
homme, si on ne le suppose pas libre ?
Voilà donc l’antinomie devant laquelle l’esprit se trouve quand il
interroge la liberté : s’il admet la liberté en l’homme, alors pourra-t-on
encore produire une explication de l’homme, en faire la science ? Si,
inversement, on récuse la liberté comme une fiction, y a-t-il encore un sens à
parler d’humanité, puisque toutes les valeurs qu’engage l’humanité se fondent
sur l’idée que l’homme est un être libre ?
• Sartre, L’existentialisme est un humanisme :
Loin de n’engager que notre indépendance individuelle, la liberté
nous renvoie à notre responsabilité face à l’humanité entière. Nos actes,
justement parce que nous en faisons le choix, engagent le choix que nous
faisons de la condition humaine. « Je suis responsable pour moi-même et
pour tous, et je crée une certaine image de l’homme que je choisis ; en me
choisissant, je choisis l’homme. » C’est pourquoi tout choix, pour
Sartre, est l’expérience d’une angoisse fondamentale, non seulement parce que
choisir me met face à mon destin individuel, mais aussi parce qu’en choisissant
pour moi, je fais le choix d’une certaine idée de l’humanité.
La conscience
• Kant, Critique de la Raison pure :
La connaissance se construit selon les deux éléments
suivants : un objet est placé devant un sujet qui le pense (cf
l’étymologie du mot ob - jet, « jeté devant ») Le « je » qui pense et
qui accompagne toutes mes représentations ne peut, dès lors, être lui-même
objet de représentation. // • Platon, Charmide : la vision est
toujours vision de quelque chose, elle ne peut être vision d’elle-même.
• Nietzsche, Par-delà le bien et le mal :
L’idée d’un « moi » auteur de lui-même n’est rien d’autre
qu’une illusion grammaticale : nous disons « je pense », et nous
croyons être l’auteur de nos pensées. Pourtant, nous devrions plutôt dire
« ça pense » : nous avons parfois des pensées involontaires, non
maîtrisées, etc.
• Foucault, Histoire de la sexualité :
L’idée d’un « moi » substantiel, permanent et invariant
n’est qu’une fiction sociale : l’habitude sociale m’attribue des signes
permanents (nom, prénom, numéro d’étudiant ou de sécurité sociale…) auxquels je
dois m’identifier et grâce auxquels je suis reconnu par les autres. Autrement
dit, je me pense « un » parce que l’existence sociale exige une telle
identité.
Autrui
• Descartes, Méditations métaphysiques (II) :
L’évidence du « je pense donc je suis » est incertaine
sous le regard d’une autre conscience. Pour autrui, l’expérience propre que je
prends de moi-même n’est nullement apparente. Rien ne permet de nous rendre
certain que les autres hommes sont conscients au même titre que nous (c’est
pourquoi, se penchant par la fenêtre, Descartes songe que les hommes qu’ils
croient voir ne sont peut-être que des automates). Je ne fais que supposer la
conscience d’autrui, sans pouvoir garantir absolument cette analogie. Cette
certitude ne peut être partagée.
• Heidegger, Etre et temps :
La relation intersubjective nous dépossède du sens de notre
existence : devenant un parmi d’autres, exemplaire anonyme d’une masse
anonyme, je perds le sens de ma propre existence tout comme j’ignore la
singularité des autres. Notre rapport quotidien à l’autre est
inauthentique : j’appréhende autrui sous la figure anonyme des
« autres » et je deviens moi-même un exemplaire dans cette foule sans
visage. Heidegger nomme « l’être-dans-la-moyenne » cette façon dont
je finis par vivre comme « on » vit, par penser comme
« on » pense, etc. Ainsi, « nous nous réjouissons comme on se
réjouit ; nous lisons, voyons et jugeons en matière de littérature comme on
voit et juge ; mais nous nous retirons aussi de la « grande masse » comme on
s’en retire ; nous trouvons « révoltant » ce que l’on trouve révoltant ».
Pourquoi chacun se réfugie ainsi dans cet « être-dans-la-moyenne » ? Parce
qu’affirmer le sens singulier de notre existence suppose que nous affrontions
l’angoisse de ma propre finitude : je rejoins la grande masse du
« on » parce que « on » ne meurt jamais. Pour fuir cette
angoisse (mais aussi cette liberté) nous nous noyons dans la masse, «
l’un-parmi-les-autres. »
• Hume, Traité de la nature humaine :
Je n’éprouverais aucun plaisir si l’autre n’était pas témoin de mon
plaisir. Le bonheur ne consiste pas dans la jouissance de ma puissance mais
plutôt dans la reconnaissance par l’autre de cette puissance. Aurais-je les
pouvoirs d’un dieu, cela ne me rendra pas pour autant plus heureux s’il n’y a
pas d’autres hommes pour célébrer ma puissance ou l’envier. Nous nommons
« bonheur » la façon dont les autres nous renvoient l’image de notre
propre plaisir et s’en font les témoins. Tout bonheur est partagé par essence,
il ne saurait y avoir de bonheur solitaire.
• Aristote, La politique :
« L’homme est un animal politique », cela signifie que
l’homme est naturellement sociable, né pour vivre en communauté, et ne trouve
sa perfection que dans cette relation qui l’unit aux autres. L’homme est un
être qui ne se suffit pas à lui-même, il ne saurait atteindre à son bonheur
propre qu’en faisant pièce avec les autres. Cette conception s’oppose à celle
des sophistes, selon lesquels autrui est un obstacle à mon désir ; au
mieux, il en est le moyen (mais il y a des « autres » et nous ne
pouvons faire autrement que de vivre en leur compagnie, alors autant s’y
habituer). Hors de la Cité, comme le souligne Aristote, l’homme est soit un
monstre, soit un dieu, un être dégradé ou au-dessus de l’humanité.
Le désir
• Rousseau, La Nouvelle Héloïse :
La Nouvelle Héloïse est un roman
épistolaire. Dans la lettre qui suit, Julie écrit à son ancien amant,
Saint-Preux, lui confiant que le bonheur l’ennuie, qu’elle était sans doute
plus heureuse quand elle attendait d’être heureuse et qu’elle ne l’était pas
encore. Comment s’explique un tel paradoxe ? Rousseau met en évidence ici que
le désir ne saurait être réduit à une simple privation, un simple manque : le
bonheur, ainsi, n’est pas tant ce que l’on possède, ne réside pas tant dans une
quelconque satisfaction, mais dans le désir même qui le poursuit. Ainsi, on
peut bien dire avec Julie : « on n’est heureux qu’avant d’être
heureux » si l’on prend garde au fait que le désir est à lui-même sa propre
perfection et qu’un désir, tel que l’amour notamment, n’attend pas d’être
satisfait ou « payé de retour » pour placer notre existence sous le signe de la
Joie.
« Tant qu’on désire on peut se
passer d’être heureux ; on s’attend à le devenir : si le bonheur ne vient
point, l’espoir se prolonge et le charme de l’illusion dure autant que la
passion qui le cause. (…)Malheur à qui n’a plus rien à désirer ! Il perd pour
ainsi dire tout ce qu’il possède. On jouit moins de ce qu’on obtient que de ce
qu’on espère et l’on n’est heureux qu’avant d’être heureux (…) ; l’imagination
ne pare plus rien de ce qu’on possède, l’illusion cesse où commence la
jouissance. Le pays des chimères est en ce monde le seul digne d’être habité,
et tel est le néant des choses humaines, qu’hors l’Etre existant par lui-même
il n’y a rien de beau que ce qui n’est pas ».
La vérité
• Descartes, Septièmes réponses adressées aux Méditations
métaphysiques :
Descartes précise quel est le sens du doute comme instrument de
recherche de la vérité. La recherche de la vérité apparaît ici inséparable de
l’effort critique par lequel l’esprit fait retour sur l’ensemble des croyances
dont il a hérité depuis l’enfance, afin de séparer les idées vraies des idées
fausses. Il utilise une analogie : dans un panier de fruit, pour isoler
les pommes saines des pommes pourries, il faut commencer par vider le
panier ; de la même façon, l’esprit, en quête de vérité, doit se libérer
de toutes les idées auxquelles il était attachées, les mettre toutes en doute :
seront vraies celles qui résisteront à une telle épreuve.
Objections que l’on pourrait faire à
Descartes : en quelle mesure notre esprit a un tel pouvoir souverain
sur les idées qui le constituent ? Peut-on prendre vraiment conscience des
croyances les plus enracinées en notre esprit ? En ce sens, si notre esprit est
un « panier », il serait plutôt un panier sans fond, et j’épargne
inconsciemment les idées auxquelles je suis le plus attaché. De plus, notre
pensée peut-elle si aisément mettre à l’épreuve ses propres fondements et les
évaluer librement ?
• Leibniz, Nouveaux essais sur l’entendement humain :
La démonstration mathématique témoigne d’une rigueur telle que le
discours démontré tire de lui-même sa propre force et sa propre vérité. Là où
l’évidence est une « hôtellerie où chacun croit pouvoir loger la vérité »,
qui reste ouverte à l’arbitraire des jugements, la démonstration est au
contraire un « art d’infaillibilité », une technique qui nous
assure de ne pas nous tromper.
• Aristote, La Métaphysique :
Exiger la démonstration des principes sur lesquels se fondent la démonstration,
c’est rendre impossible toute démonstration (régression à l’infini). Cependant,
si toute démonstration enveloppe des faits indémontrés (ce qui en est la
condition de possibilité paradoxale), cela marque sa limite. La démonstration
mathématique n’enveloppe donc pas en elle-même toutes ses preuves et sa
nécessité mais demeure aveugle quant à l’essentiel : ses fondements mêmes.
(Dans l’antiquité, défi des sceptiques : le Trilemme
d’Agrippa. Toute entreprise de connaissance se heurte à une triple
aporie :
- La régression à l’infini : vouloir absolument tout démontrer
mais ne jamais trouver de fin.
- La pétition de principe : poser arbitrairement un principe
non démontré comme évident.
- Le diallèle, ou cercle vicieux : on prouve une proposition
par une autre, elle-même prouvée par la première.)
• Kant, Critique de la raison pure :
La logique est une condition négative de vérité : un discours
ne peut être vrai s’il ne répond pas aux exigences logiques (principes
d’identité et de non-contradiction), mais l’absence de contradiction seule ne
prouve pas qu’un discours est vrai. « Aucune pierre de touche ne lui
permet de découvrir l’erreur qui atteint non la forme, mais le contenu. »
Par exemple, la proposition suivante : « Si la grand-mère de Napoléon
n’avait pas mangé son chapeau, le Mont Blanc se serait écroulé en 1987 »
(cet exemple n’est évidemment pas de Kant, mais de moi…) : cette
proposition ne recouvre aucune contradiction logique, et pourtant il est
évident qu’elle n’a aucune valeur de vérité.
• Alain Badiou, L’Etre et
l’évènement :
Sans doute faut-il distinguer les savoirs et la vérité. Un savoir
est un répertoire de connaissances, une somme qui dresse le bilan de toutes les
réponses que l’on possède. Une vérité, au contraire, fait éclater toute
question et provoque une « trouée » dans les savoirs établis. Le
savoir veut une réponse, il met en place des contenus, là où la vérité veut la
question, elle est une ouverture qui bouscule l’évident ou le familier. La
quête de la vérité n’est donc jamais achevée.
Raison et réel
• Whitehead, Procès et
réalité :
L’idée d’une expérience immédiate du réel, telle que le monde se
découvrirait à nous selon des faits bruts, non interprétés, est une pure et
simple fiction. Toute perception est une pensée et une intelligence du réel et
non le simple constat des qualités sensibles d’une chose. Tout objet est la
synthèse d’informations hétérogènes, synthèse que produit notre conscience. En
ce sens, les qualités sensibles que nous percevons se voient attribuer une
signification par contraste (je ne saurais par exemple voir du rouge si je ne
faisais pas la différence avec du bleu, du jaune, etc.)
• Kant, Critique de la Raison pure :
L’expérience est le point d’appui de toute science. Si « les
intuitions sans les concepts sont aveugles » (autrement dit, si
l’expérience ne nous dit le pourquoi de rien et qu’il faut bien un effort
intellectuel supplémentaire pour expliquer un phénomène), « des pensées
sans matière sont vides » (une science qui n’a pas l’expérience comme
objet n’aurait aucun sens). On ne peut parler de connaissance que dans le
rapport entre l’intuition et le concept.
• Husserl, Krisis (Titre complet : La Crise des sciences européennes
et la phénoménologie transcendantale) :
La science moderne a la qualité d’être très exacte dans sa démarche
et ses mesures, elle est très performante, mais du même coup abandonne ce qui
devrait être le premier objet de notre inquiétude, le sens humain de notre
expérience. Elle ne tient plus compte de la teneur sensible du l’expérience.
La religion
• Kant, Critique de la Raison pure, « Canon de la
Raison pure » :
On peut distinguer trois formes de croyance :
- Opinion : la certitude que j’éprouve n’est pas fondée sur
des preuves objectives et j’ai conscience de sa fragilité.
- Science : la certitude que j’éprouve est d’autant plus forte
qu’elle est fondée sur des preuves objectivement valables.
- Foi : la croyance est suffisante sur un plan subjectif
(certitude) mais insuffisante sur un plan objectif (elle n’est pas accompagnée
de preuves)
• Kant, Critique de la raison pratique :
La théologie ne saurait valoir à titre de science, mais ce n’est
pas une simple illusion : elle exprime un espoir moral. Sans l’idée de
Dieu et d’un sens ultime du monde, c’est notre existence qui risque de perdre
son sens.
L’art
• Platon, La République (X) :
Platon reproche aux œuvres d’art de n’être, la plupart du temps,
qu’un simple jeu d’illusions. Prenant l’exemple d’un lit, il distingue trois
formes de présence selon leur degré de vérité : la première est l’Idée du lit,
son essence même et sa vérité substantielle ; la deuxième est la production de
l’artisan qui, s’il ne produit qu’un lit parmi d’autres, doit bien prendre pour
modèle l’essence du lit, s’il veut fabriquer un objet dont on puisse faire
usage ; la troisième est l’imitation du peintre qui est au plus loin de la
vérité du lit car il ne cherche qu’à donner l’illusion d’une présence et donc
ne s’attache qu’à l’apparence des choses, ce qui est en elle le plus
superficiel. Partant, l’artiste ne fait que produire des simulacres, sans souci
de la vérité de ce qui est. Cet illusionniste, comme tout sophiste, substitue à
l’essence des choses leur image fantomatique, uniquement destinée à flatter les
sens.
• Kant, Critique de la faculté de juger :
- La beauté est « sans intérêt » (elle n’apporte aucun
bien moral ou matériel), « sans concept » (je ne puis enfermer la
beauté dans un concept), « sans la représentation d’une fin » (je ne
peux réduire le beau à une norme ou un idéal unique.)
- Distinction entre la connaissance, l’Idée esthétique et l’Idée de
la Raison : la connaissance est l’unité parfaite entre un concept et une
intuition ; l’Idée de la Raison est un concept qui ne se rapporte à aucune
donnée sensible (Dieu, âme, monde) ; l’Idée esthétique est un excès
d’intuition qui donne trop à penser et ne peut se laisser enfermer dans un
concept.
• Heidegger, La question de la
technique :
On peut distinguer deux types de rapport à l’Etre : la
production et la provocation. La provocation (pro – vocare :
appeler devant soi) est le rapport à l’Etre qu’entretient la technique et la
science : c’est contraindre une chose à paraître à la manière dont nous la
requérons. La production consiste à faire venir quelque chose à la présence, le
laisser s’avancer et se dévoiler par lui-même, ce qui suppose que l’on se rende
soi-même libre pour accueillir une telle présence.
La technique
• Platon, Protagoras :
(Mythe de Prométhée) L’homme est complètement nu, il lui appartient
donc de se conquérir : telle est la signification du geste héroïque de
Prométhée qui va voler aux dieux le feu et la technique. Cependant, la
technique est présentée comme un vol, ce qui pose la question de la
responsabilité de l’homme face à l’ordre naturel.
Par ailleurs, une fois qu’ils ont la technique, les hommes
s’entretuent, et Zeus pris de pitié leur donne en plus la retenue et la
justice : la technique doit s’accompagner d’une réflexion sur le sens de
la vie humaine.
Timée & Critias : (Mythe
d’Atlantide) L’Atlantide est une société extrêmement civilisée avec des moyens
techniques très avancés, ingénieuse et performante, mais elle finit par
disparaitre sous les mers, en dépit de ses richesses et de ses techniques, à
cause de l’absence de politique véritable capable de donner une signification
proprement humaine à ses productions. Ainsi, nulle technique n’est le signe
d’un progrès mais elle ne le devient que si elle est éclairée par une politique
qui la tourne vers son meilleur usage possible.
• Hannah Arendt, Condition de l’homme moderne :
Différence entre l’outil et la machine : l’ouvrier se sert de
l’outil, il s’adapte à la machine. La machine n’émancipe pas les hommes de la
nécessité mais c’est l’instrument de la dépossession de l’homme de son
activité.
• Aristote, La physique :
Toute technique est un « pharmakon », c’est-à-dire ce qui peut être un remède ou un poison.
Distinction entre les « puissances rationnelles » et les
« puissances irrationnelles ». Les « puissances
irrationnelles » sont les puissances d’un seul et unique effet (le feu ne
peut faire autre chose que chauffer). Les « puissances rationnelles »
peuvent avoir des effets contraires (en médecine, la même potion peut être
remède ou poison selon son usage). La contingence de na technique ne fait donc
que renvoyer à sa nécessaire détermination par la raison.
Le travail
• Aristote :
Le travail en tant que nécessité et production de biens nécessaires
à la vie est l’activité la plus pauvre et la moins noble. Aristote distingue
trois type d’activités : la théôria (contemplation, qui est l’activité de la connaissance et de
l’observation du monde), la praxis (action, activité que l’on ne poursuit qu’en
vue d’elle-même – « Danser, c’est n’aller nulle part » comme disait
Paul Valéry), la poiêsis (travail, activité que l’on poursuit en vue d’une fin autre que
l’activité elle-même, satisfaire le besoin).
• Hegel, La phénoménologie de l’Esprit :
L’essence de l’homme est en jeu dans le travail. Le travail est
l’actualisation de mon identité. Le travail est l’acte par lequel la conscience
s’extrait du « mauvais infini » de la Belle Âme (cette conscience qui
se maintient dans l’abstraction des possibles sans jamais chercher à prendre
une forme objective, à se déterminer pour un de ces possibles) Mon œuvre est
mon expression et, de ce fait, je donne forme à ce que je suis. Le travail
concrétise ainsi mes possibilités et la jouissance que je peux éprouver dans la
contemplation de ma propre œuvre est inséparable de cet accomplissement de mon
identité dans cette œuvre et par cette œuvre. Il ne saurait y avoir de
conscience de soi véritable dans cette activité dans laquelle je m’apparais à
moi-même.
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